Raymond Triboulet

 

Chaban-Delmas

 

De Gaulle et les Républicains sociaux

Retour                                                   Mis en ligne le 05 mars 2007

 

Apparu en 1954, le Centre national des républicains sociaux constitue, dans la généalogie des formations gaullistes, le troisième parti après l'Union gaulliste en 1946 et le Rassemblement du peuple français (RPF) en 1947.

Il est né contre la volonté du général de Gaulle, sous son regard réprobateur, et est issu du groupe parlementaire URAS (Union des républicains d'action sociale), constitué le 26 mai 1953 par 77 des 120 députés élus sous l'étiquette RPF en 1951 – après décision prise par de Gaulle le 6 mai 1953 de retirer le RPF de la vie électorale et parlementaire. A l'Assemblée, le groupe parlementaire est présidé par Jacques Chaban-Delmas, puis Raymond Triboulet, et au Conseil de la République par Michel Debré. Le député-maire de Bordeaux préside aussi le parti dont le secrétariat est assuré par Roger Frey.

Pour de Gaulle, désireux de voir le Rassemblement "s'écarter d'un régime qui est stérile et qu'il ne peut, pour le moment, changer", l'intégration croissante de ses compagnons dans "les jeux, les poisons et les délices du système", dit-il le 6 mai 1953, ne peut apparaître que comme un lâchage. La désapprobation est claire lorsque le gouvernement Laniel est investi grâce à l'appui de députés gaullistes : "Dans le régime tel qu'il est, le Rassemblement ne saurait évidemment assumer aucune responsabilité directe, ni indirecte".

Pour qu'il n'y ait pas confusion, de Gaulle met le RPF en sommeil le 13 septembre 1955, garde ses distances avec les républicains sociaux et veille à ce que ces derniers n'utilisent pas son nom.

Les élus du nouveau parti ne sont pourtant pas seulement "des républicains soucieux… de leur réélection", selon le mot de Jacques Dauer, révélateur des relations conflictuelles entre les compagnons fidèles au Rassemblement et les républicains sociaux, en particulier chez les jeunes en 1954 et 1955. Ils illustrent aussi l'impatience d'agir d'un certain nombre de gaullistes qui, déjà au temps du RPF triomphant, ne comprenaient pas le choix de la politique du "tout ou rien".

Pour les principales figures des républicains sociaux, participer au système ne signifie pas abandonner les objectifs du gaullisme mais choisir une tactique différente de celle du général de Gaulle en espérant transformer le système politique de l'intérieur : comme l'écrit Serge Berstein dans Histoire du gaullisme (Perrin, 2001), c'est "un gaullisme sans de Gaulle". Mais c'est un gaullisme aux bases fragiles. Les républicains sociaux ne comptent qu'un petit nombre d'adhérents, sont peu implantés, malgré quelques grosses fédérations – dont le Nord, le Bas-Rhin, la Gironde… –, et leurs résultats électoraux restent faibles (3,1% seulement des voix et 20 députés aux élections du 2 janvier 1956, 30 sénateurs à la même date). Pourtant leur rôle n'est pas négligeable grâce à la participation de certains d'entre eux à des gouvernements comme celui de Pierre Mendès France et en 1956, à la majorité du Front républicain. En 1958, les républicains sociaux contribuent, grâce à Chaban-Delmas et à Debré, au retour du général de Gaulle et deviendront une des composante de l'UNR.

Bernard Lachaise – "Dictionnaire de Gaulle"