17/02/2003

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Le Rassemblement du Peuple Français

  

4 mars 1947: Charles de Gaulle crée le RPF, le Rassemblement du Peuple Français.

 

Lorsque Winston Churchill fit acte de candidature aux élections législative britanniques (il fut élu de justesse !), de Gaulle confia à Maurice Schumann : "Quand on a été l’Angleterre, on ne se présente pas sous la bannière d’un parti ".

Un an plus tard, en 1947, Maurice Schumann,  président-fondateur du MRP et gaulliste de la première heure, peut rappeler au Général que la remarque lui sied tout autant. Car surgit, pour certains, le plus grand paradoxe de l’histoire gaullienne : l’homme « au-dessus de la mêlée », celui qui fustige les politiciens, se retrouve à la tête d’un nouveau parti. Certes, il s’agit d’un « rassemblement », mais comment s’appeler autrement que « parti » lorsque des hommes se présentent aux élections sous son étiquette et forment un groupe à l’Assemblée et au Sénat rappellent ses détracteurs ? Rappelons néanmoins que, contrairement à W. Churchill, le Général ne s’est jamais présenté à une élection sous une étiquette partisane !

 

 

L’idée d’une Union Gaulliste fut lancée, avant le scrutin pour la nouvelle Constituante (2 juin 46), par René Capitant et l’aviateur Pierre Clostermann. Rapidement ils annonçaient 120.000 adhérents et la caution de 21 députés MRP et UDSR dans un intergroupe. De Gaulle allait-il prendre la tête de ce mouvement ? Claude Mauriac, Michel Debré et quelques autres l’en dissuadèrent : « je ne veux pas être l’homme d’un parti ! ».

A cette période, le fossé se creusait entre de Gaulle et le MRP de Teitgen, Schumann, Bidault. Non seulement parce que ce parti n’épousait pas suffisamment ses vues sur la nouvelle constitution, mais également à cause de l’Allemagne. Le Général était foncièrement hostile à une réunification préférant une confédération limitée par la frontière sur l’Oder.

La politique intérieure et extérieure était pourtant oubliée un moment au profit de la glorieuse de la Résistance, celle où s’était effectuée l’unité au-delà des clivages. Le 28 août 1946, de Gaulle débarquait à l’Île de Sein où il était accueilli par un arc de triomphe formé de casiers à langoustines… et surtout par tous les îliens réunis pour recevoir la croix de l’ordre de la Libération. « Les enfants apprendront dans leur livres d’histoire l’action héroïque d’une bonne et courageuse île française », s’écria le Général de Gaulle, tout ragaillardi par l’enthousiasme qu’il était toujours capable de déclencher.

La politique reprenait ses droits quand Pierre-Henri Teitgen, à Colombey, tentait vainement de rallier de Gaulle au projet de constitution présenté par Paul Coste-Floret. Projet qui était adopté par l’Assemblée Constituante à une large majorité, beaucoup plus faiblement par le référendum du 13 octobre 1946 (35% de oui, 33 de non et 32 d’abstentions). Mais il était approuvé… et très officiellement désapprouvé par de Gaulle.

Le 10 novembre suivant, dans la foulée, les élections législatives marquaient la prédominance du Parti communiste avec 183 députés (30 de plus) et du MRP avec 173 élus. Mais ceux qui se réclamaient de l’Union gaulliste ne récoltaient que 3% des voix. Le 16 janvier 1947, Blum étant chef du Gouvernement, le Congrès du parlement réuni à Versailles choisissait le premier Président de la IVè République : le socialiste Vincent Auriol.

Charles de Gaulle ne marqua pas d’hostilité envers le nouveau président, bien au contraire. Mais quand il fut invité à l’Elysée, il refusa tout net. Tous comme il refusa la médaille militaire que proposait Léon Blum. C’est à cette période qu’il dit à ses proches : « Je vais tenter un rassemblement ».

Baptisé le 4 mars 1947 à l’Hôtel La Pérouse avec Vendroux, Rémy, Soustelle, soutenu par Chaban, Palewski, Debré, de Bénouville, Vallon, Baumel, Pasteur Vallery-Radot, le Rassemblement du Peuple Français se veut, comme son chef, au-dessus du lot. Il va donc recruter dans tous les partis, avec le droit à la double appartenance. Ainsi, un radical comme Chaban, un MRP comme Vendroux pourront rester fidèle à leur parti tout en étant adhérents au rassemblement. D’ailleurs, il n’est pas question de présenter des candidats aux élections.

Présentement, le RPF est encore inconnu de l’opinion. Tout juste sait-on que « quelque chose se mijote ».

Le 30 mars 1947, un immense rassemblement, organisé par Rémy, a lieu à Bruneval, en Haute-Normandie. C’est là qu’en 1942, des Français libres se battirent héroïquement avec des Anglo-Canadiens pour détruire un radar de la Wehrmacht. Des milliers de résistants sont là, sur la falaise, attendant les paroles du Général : « Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles et réformant le cadre mal bâti où s’égare la Nation et se disqualifie l’Etat, la masse immense des Français se rassemblera sur la France ».

Des milliers de cris sortirent des poitrines : « De Gaulle au pouvoir !»

Le lendemain soir, à Colombey, De gaulle reçoit Paul Ramadier, chef du gouvernement, qui demande à le voir. Ce dernier est fort aimable et fort embarrassé. Une manifestation comme hier inquiète beaucoup le Président Auriol et les membres de l’Assemblée. Le Général ne prépare-t-il pas un coup de force ? « Je ne suis pas Boulanger ! » coupe de Gaulle.

Pourtant, il est convenu que, désormais, le Général ne parlerait plus de politique dans les manifestations du souvenir où viendraient à se trouver des membres du gouvernement.

Ce qui est fait début avril à Strasbourg. Le dimanche 6, lors de la commémoration officielle, de Gaulle -en uniforme – rend un hommage appuyé aux Américains. Tout change ! Désormais, les soviétiques sont trop menaçants. Et les Américains avec leur bombe A qui ,a explosé à Bikini deviennent les garants de la paix mondiale.

Le lendemain 7 avril, le Général en tenue civile s’adresse, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville, aux 50.000 personnes massées sur la place.

A travers eux, il demande à tous les citoyens de bon sens, de s’unir au sein du RPF, sous le signe, évident, de la Croix de Lorraine.