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n° 34 du 21 novembre 2005
 

 

Le plan : un outil de sérénité et de dialogue pour l’avenir.

 

Jacques Julliard-Marcel Gauchet :
La France en proie à la tentation de l’immobilisme

Echange de propos en deux historiens-philosophes. (Figaro du 6 novembre 05 - extraits))

 

Marcel Gauchet, Historien et philosophe.

«Le gaullisme a correspondu à une période faste, parce que le génie propre du Général a été de savoir relever brillamment le pari de la modernité tout en l’inscrivant dans la continuité de l’histoire de la France. Depuis une trentaine d’années, cette harmonie s’est brisée. Et s’il y a un malheur français, il réside dans le fait que ce pays est, désormais, gouverné par des élites politiques majoritairement sourdes à la singularité de son histoire et à la spécificité de son héritage. Elles ne connaissent que l’économie qui est la même partout. D’où le sentiment de décalage croissant, voire de suspicion, que le peuple éprouve à leur égard.

… Faute de projection dans l’avenir à partir de son passé, le peuple français est surtout en proie à une fièvre de conservatisme, ou plus exactement d’immobilisme aigu. »

Objectif-France : Il devient de plus en plus évident que les Français sont globalement réfractaires à toutes les évolutions. Ils ne perçoivent pas l’objectif visé … pour la simple raison qu’aucune vision d’avenir à moyen et long terme ne leur est proposée. Quel projet pour la France de 2020 ? Quelle société voulons-nous pour nos enfants et petits-enfants ? Quelle France demain, dans quelle Europe, pour quelle mission dans le monde ? Personne ne le sait. La réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans a transformé radicalement le rôle du président de la république, et a accentué, en conséquence, l’atrophie du contenu de la campagne présidentielle. De ce débat, il ne se dégage plus une vision intégrale de l’avenir de notre Nation et de son destin. C’est le vide.

Ce sentiment de flou est accentué, notamment pour ceux d’entre nous qui avons connu notamment la France du gaullisme avec de Gaulle (Texte en lien : quelle modernité, 35 ans après !). Le plan, cette « ardente obligation » comme le qualifiait le Général, permettait le débat, donnait un sens à l’action, évitait les dérives dues aux contingences inévitables de la vie quotidienne et au mouvement naturel des choses.

Jacques Julliard : « Pendant les Trente Glorieuses, il [ndlr : le peuple] avait même donné l’image d’une aptitude réelle à accompagner la mutation, partagée, à l’époque, par les syndicats eux-mêmes. Le plan résumait cet état d’esprit. Il était le lieu institutionnel par excellence où la lutte des classes, reconnue comme telle, était transformée en consensus sur un minimum d’avancées. » rappelle Jacques Julliard, directeur d’études à EHESS et directeur délégué de la rédaction du Nouvel Observateur.

Pour lui, « Le plan était un Grenelle permanent, une négociation permanente entre les classes sociales. C’est cela qui faisait sa force. Rien, malheureusement, ne lui a succédé. Et chacun s’est replié sur ses réflexes. Certains ont retrouvé la lutte des classes immobiliste (où FO l’a emporté sur la CGT). Quant au patronat, il poursuit un projet animé par la volonté de se passer désormais des syndicats. La désagrégation d’un modèle fondé sur le triptyque management-syndicats-État au profit d’un capitalisme d’actionnaires, risque de saper les bases du bonheur français. »

Objectif-France : Nous voyons bien qu’aujourd’hui, au manque de vision de l’avenir de ce pays s’ajoute aussi une frustration liée au non partage des profits des entreprises.

Objectif-France a toujours affirmé la nécessité d’une vision politique claire, cohérente, lisible par tous et partagée par le plus grand nombre des Français. Pour y parvenir, il est impératif que les acteurs politiques candidats à la magistrature suprême s’expriment sur trois thèmes majeurs :

  • -      remettre en chantier la planification à la Française, c'est-à-dire identifier globalement (La France et sa place dans le monde, la solidarité, le respect du travail…) et plus précisément dans certains domaines importants (Énergie, recherche, industries de pointes, environnement…) nos atouts et nos faiblesses, les objectifs à atteindre, et, en conséquence, déterminer les politiques à mener[1] ;

  • -      mettre en chantier, de manière très volontariste, une politique de participation des salariés à la vie de leurs entreprises (intéressement, actionnariat, participation au pouvoir entrepreneurial)

  • -      pour y parvenir, oser s’atteler à la réforme du droit syndical, en libéralisant la représentation des salariés et en privilégiant les accords directs entre les directions et les salariés dans l’entreprise, niveau le plus pertinent pour concevoir une réelle politique sociale et participative.

 

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[1] Cette notion de planification peut être déclinée au niveau de l’entreprise, notamment les grandes, afin de favoriser le partage des responsabilités (notamment au travers de l’actionnariat) et la pérennité des emplois.

 

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