Au
Sommet de l'Otan, mercredi 2 avril, George Bush s'est dit «très
heureux» du soutien de la France en Afghanistan. Mais la veille,
à l'Assemblée, la première grande décision stratégique de
Nicolas Sarkozy de renforcer les contingents français engagés
dans le conflit afghan mettait le feu aux poudres. Après les
gaullistes Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Myard, Dominique de
Villepin ... les
socialistes, de François Hollande à Lionel Jospin, d'Hubert
Vérine à Ségolène Royal, s'opposent unanimement à une politique
d'alignement sur les Etats-Unis. Ils mettent en avant
l'enlisement du conflit afghan, son coût humain et dénoncent le
«tournant atlantiste» de la politique française. Pour
l'historien et démographe Emmanuel Todd, les dangers de cette
politique sont encore plus graves. L'auteur de "Après l'empire"
juge que cette partie est perdue d'avance et qu'elle participe
d'une idéologie extrême-droitière naissante.
Marianne2.fr :
Le renforcement des troupes en
Afghanistan vous paraît-il justifié ?
Emmanuel Todd
: Je peux tout imaginer de
Nicolas Sarkozy, même qu'il ne sache pas ou est l'Afghanistan.
Mais je ne peux pas imaginer que les gens qui l'entourent
ignorent ce que tout le monde anglo-saxon sait, à savoir que
cette guerre est perdue.
Pour vous, cette guerre est sans espoir ?
E.Todd
: L'organisation sociale des Pachtounes est faite pour la
guerre, tout comme celle des clans somaliens : la guerre est
l'état normal de ces sociétés, ce n'est donc pas un problème
dans la durée. A partir du moment où les belligérants sont
alimentés par des fournitures d'armes régulières venant de
l'extérieur, il est évident que ces système sociaux vont venir à
bout de quelques milliers d'hommes venus de loin et
difficilement approvisionnés. On peut se demander, à la limite,
si ça va se terminer par un Dien-Bien-Phû ou par un retrait
paisible.
Du point de vue du gouvernement, il semble pourtant qu'il y ait
des enjeux à ce conflit…
E.Todd
: Pourquoi ceux qui nous
gouvernent veulent-ils participer à une guerre perdue ? Voilà la
vraie question. Et là, comme dans les débats sur la
réintégration pleine et entière de la France à l'Otan, on touche
au symbolique. Cette manœuvre a pour objectif de réaffirmer un
lien avec l'Amérique. Je n'appellerais pas ça du néo-atlantisme.
L'atlantisme était le lien de l'Europe occidentale avec les
Etats-Unis à une époque où ils portaient les valeurs
démocratiques face au totalitarisme soviétique. Ce n'était pas
du goût des gaullistes, mais dans le contexte, cela pouvait se
justifier. Aujourd'hui, l'Amérique est le pays du fric, du
néo-libéralisme et des inégalités. Et ce qui se profile derrière
cette nouvelle association, c'est de l'occidentalisme. C'est un
lien fondé sur une nouvelle idéologie, une idéologie qui se
construit dans le conflit avec l'islamisme.
Mais
la France n'a-t-elle pas intérêt, pour des raisons de politique
«réaliste», à s'associer avec les Etats-Unis plutôt que de
rester repliée sur elle-même ?
E.Todd
: La France n'a pas les moyens de s'engager en Afghanistan,
c'est déjà un objectif démesuré pour les Etats-Unis. La France
est une puissance moyenne et l'Amérique une puissance
déclinante. Paris existait terriblement à l'époque de Villepin :
après son discours à l'ONU contre l'engagement de la France en
Irak, nous rayonnions! Mais sous Nicolas Sarkozy, il arrive à la
France ce qui est advenu de l'Angleterre sous Tony Blair : si
l'on devient le caniche des Etats-Unis, on disparaît. Si on
s'aligne, si on perd son indépendance, on disparaît. De Gaulle
l'avait compris : la France n'existe à l'échelle mondiale, ne
peut justifier son siège au conseil de sécurité de l'Onu et sa
possession de l'arme nucléaire, que lorsqu'elle représente un
acteur autonome. Le monde n'a rien à faire de la France de
Sarkozy.
La
lutte contre le terrorisme légitime aussi l'engagement du
gouvernement dans ce conflit.
E.Todd
: Les occidentalistes se pensent
en situation de légitime défense. Le terrorisme existe, il
devrait être contré par le contre-espionnage et par des forces
policières, mais sûrement pas par des guerres à l'étranger. La
première attaque contre l'Afghanistan était légitime, il
s'agissait de déloger Ben Laden; d'ailleurs, les Russes nous y
avaient aidé. Mais l'irakisation de l'Afghanistan participe
d'une agression du monde musulman par le monde occidental.
L'occidentalisme est une doctrine d'extrême droite en émergence.
La France va être du côté du mal : en exposant des troupes
françaises et en participant aux bombardements de la population
civile afghane. Et, grâce à Sarkozy, nous risquons même ce
qu'ont subi la Grande-Bretagne et l'Espagne à la suite de la
guerre en Irak.
Vous
parlez des attentats de Londres et de Madrid qui ont eu lieu
suite à l'engagement de nos voisins en Irak. Mais là, il ne
s'agit que d'envoyer quelques centaines d'hommes dans un pays où
la France a déjà des troupes…
E.Todd
: Mais justement ! Rappeler leur faible nombre, comme le fait le
gouvernement, c'est avouer qu'il s'agit bien d'une action
symbolique ! Les quelques bateaux qu'on va mettre dans le golfe
persique vont faire rire les Iraniens. Mais nous nous
positionnons dans une construction idéologique, contre le monde
musulman. Cette posture est d'ailleurs très cohérente avec le
sarkozysme en politique intérieure.
Vous
pensez que Nicolas Sarkozy est dans une logique de guerre avec
le monde musulman ?
E.Todd
: Ce qui a fait son succès dès le premier tour de l'élection
présidentielle, c'est le ralliement d'une partie des électeurs
du Front national. Il a pu avoir lieu à cause des émeutes en
banlieues, qui ont été un facteur de traumatisme. Mais c'est
Sarkozy, ministre de l'Intérieur, qui a provoqué cet évènement.
Dans la logique du sarkozysme, il y a la combinaison d'une
incapacité à affronter les vrais problèmes et à désigner des
boucs émissaires. C'est classique : quand une société est en
crise, elle a le choix entre résoudre ses problèmes économiques
et ses pathologies sociales, ou créer des bouc-émissaires.
Sarkozy recherche toujours un ennemi, il est dans l'agression.
Cela s'observe même dans son comportement ordinaire avec les
habitants de banlieue ou les marins pêcheurs.
En
s'impliquant plus en Afghanistan, la France participe donc à
déclencher un clash des civilisations?
E.Todd
: L'analyse d'Huntington sur le
clash des civilisations est fausse, mais un gouvernement peut
essayer de la rendre vraie. Je pense que les gens qui nous
gouvernent seront tenus pour responsables de ce qu'ils font. La
guerre, c'est la pédagogie du mal. Les peuples en paix pensent
sainement. On entre parfois en guerre pour de bonnes raisons,
mais peu à peu, on glisse insensiblement dans la violence pour
la violence. C'est ce qui aurait pu arriver en Espagne, si les
Espagnols avaient mal réagi aux attentats : ils auraient pu
s'enfoncer dans le conflit des civilisations. Je crois que cette
stratégie conflictuelle va échouer aussi en France. La recherche
de bouc-émissaires, l'émergence d'une idéologie
extrême-droitière et hostile aux enfants d'immigrés… ce n'est
pas dans la nature de la France. Au final, les Français
préfèrent toujours décapiter les nobles que les étrangers.
Interview à marianne2.fr |
"Ils ont été difficiles parce que
de Gaulle s’opposait à toute espèce d’hégémonie. Les Américains
réagissaient vivement – et les autres pays Occidentaux avec eux –
mais, au bout d’un certain temps, ils se ralliaient. Sur ce plan,
l’affaire de la sortie de l’OTAN était assez extraordinaire. Au bout
de quelques années, les Etats-Unis ont reconnu que ce que de Gaulle
avait fait n’avait en rien affaibli la défense occidentale, et que
la France avait un armement atomique valable. Ils acceptaient que
toutes leurs troupes soient évacuées de France et que les nôtres en
Allemagne ne soient plus sous leur commandement."
Maurice
Couve de Murville (1989)
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Pour un référendum sur le
retour complet de la France dans l’OTAN
Hélas, la
politique d’allégeance de Nicolas SARKOZY vis-à-vis des
Etats-Unis de BUSH apparaît sans limites ! En contrepartie de
promesses améri-caines qui n’engagent que ceux qui auront la
naïveté d’y croire, la France réintégrerait donc le commandement
militaire intégré de l’OTAN dès 2009 !
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De Villepin opposé au retour
de la France dans l'Otan 06/04/2008
L'ancien
Premier ministre français a fait connaître son opposition sur le
retour de la France dans l'Otan. "Le retour de la France dans
la structure intégrée de l'Otan banalisera la diplomatie française
au détriment de l'indépendance dont la France jouit sur la scène
internationale" a affirmé, hier, dans un entretien sur l'Europe
1, l'ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin. En
1966, sous la présidence du Général De Gaulle, la France s'est
retirée de la structure militaire de l'Otan, dominée par les
Etats-Unis. A noter qu'au sommet de l'Otan, à Bucarest, le
Président français, Nicolas Sarkozy a annoncé un éventuel retour
de la France au sein de cette structure en 2009
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Communiqué de presse de
Jacques MYARD, Député UMP, Président du Cercle Nation et
République
L’annonce du
Président de la République à Londres de renforcer le dispositif
militaire en Afghanistan par l’envoi de 1000 hommes
supplémen-taires ne peut que susciter des dou-tes sérieux et de
fortes interro-gations.
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