Interrogations sur le
montant des contrats avec la Libye
Un haut fonctionnaire familier des
négociations avec la Libye n'en revient toujours pas : "Je ne sais
vraiment pas comment l'Elysée a pu parvenir à ce chiffre de 10
milliards d'euros !", commente-t-il. L'étude des différents dossiers
montre en effet que les négociations sont sur bien des points à
peine engagées.
Défense.
"Rien n'est signé !" Ce résumé d'un haut fonctionnaire vise
l'ensemble des perspectives de contrats d'armement, la Libye s'étant
simplement engagée à entrer dans une "négociation exclusive" à ce
sujet avec la France.
Charles Edelstenne, PDG de Dassault
Aviation, a indiqué, jeudi 13 décembre, qu'un "mémorandum" a été
signé entre les deux gouvernements, prévoyant l'ouverture d'une
négociation pour l'achat de 14 avions de combat Rafale, laquelle
doit aboutir avant le 1er juillet 2008. Le prix est très incertain,
puisqu'il dépend des matériels accompagnant l'avion. Il est, en
outre, envisagé de remettre en état 17 Mirage F1 libyens. Douze
autres ont déjà fait l'objet d'une "grande visite", pour un coût
d'environ 120 millions d'euros.
Chez Eurocopter, on indique
qu'une négociation commerciale n'est pas engagée, mais les
discussions portent sur l'achat de 10 hélicoptères d'attaque Tigre,
15 appareils de transport EC-725 Cougar, et 10 hélicoptères légers
Fennec.
La même incertitude sur les prix
règne à propos de l'achat de 6 vedettes rapides et 4
patrouilleurs. La Libye souhaite également acheter des véhicules de
combat blindés VBL, Sagaie et VAB, ainsi que des véhicules tactiques
légers Sherpa et VLRA.
Aéronautique.
L'achat des 21 Airbus, annoncé lundi 11 décembre, est la
confirmation de deux protocoles d'accord signés six mois auparavant
au Salon du Bourget. Le 20 juin, la compagnie Libyan Airlines s'est
engagée pour 15 appareils (A320, A330 et A350XWB), et Afriqiyah pour
six A350 XWB. Le montant global de ces commandes, d'après les prix
catalogue, est de 3,2 milliards de dollars, soit 2,19 milliards
d'euros.
Nucléaire.
Le groupe nucléaire Areva n'a conclu que trois contrats pour un
montant total de 300 millions d'euros. Ils prévoient la vente, par
sa filiale Areva T & D (transmission et distribution), d'équipements
destinés à améliorer le réseau électrique libyen. L'accord de
coopération paraphé durant la visite du colonel Kadhafi, lui, ne
porte pas sur des contrats financiers dans l'immédiat.
"Sur le dossier nucléaire, on est
dans le temps des politiques. Le temps des industriels viendra
après", explique un porte-parole du groupe. La vente d'un réacteur
nucléaire, a fortiori d'un EPR de troisième génération (3 milliards
d'euros), n'est pas pour demain, d'autant que l'intérêt, pour la
Libye, d'avoir une centrale aussi puissante (1600 mégawatts), n'est
pas avéré.
"Il faudra attendre dix à quinze ans
avant que la Libye ne soit prête pour la construction d'un réacteur
nucléaire", affirmait récemment un officiel libyen de haut rang. Il
n'entrerait pas en service avant 2020-2025.
En mars 2006, un accord avait été
signé entre la Libye et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA)
portant sur la désalinisation de l'eau de mer utilisant l'énergie
d'une centrale nucléaire (avec une expérimentation couplant une
unité expérimentale au réacteur de recherche russe de Tajoura),
ainsi que sur la production de radio-isotopes (médecine,
industrie...).
En mai 2007, une équipe d'Areva NP
(chaudières nucléaires) s'est rendue à Tripoli pour y présenter
l'EPR. Certains, chez Areva, jugent que Tripoli va trop vite en
besogne. Après les accords avec les instances internationales
(Euratom, AIEA), la Libye devra en effet se doter d'une législation
et d'une autorité de sûreté nucléaire, puis d'ingénieurs.
Areva a des "plans d'actions
stratégiques" pour les Etats-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne et
l'Afrique du Sud, mais pas pour la Libye. Au sein du groupe,
certains jugent même que la vente de réacteurs aux Libyens
détériorerait l'image d'Areva.
Bâtiments et travaux publics.
Vinci dément avoir signé un contrat avec la Libye. Des négociations
non finalisées sont en cours pour la construction du terminal VIP et
d'une piste de l'aéroport de Tripoli. Quant aux deux stations de
pompage d'eau pour l'irrigation, dans le cadre de l'opération
baptisée "Grande rivière", leur construction (pour un contrat conclu
en 2002 pour 220 millions d'euros) est quasiment achevée.