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30 octobre 2007

 

In memoriam Pierre  Messmer

 
  • par Raphaël Dargent

La disparition de Pierre Messmer ne peut laisser indifférent aucun patriote ni même au-delà aucun français. Pierre Messmer fut comme peu d’hommes dans l’histoire de France un grand serviteur de l’Etat, amoureux de son pays. Il n’est pas utile ici de revenir longuement sur la carrière extraordinaire d’un homme qui fut parmi les premiers combattants de la France Libre, héros de Bir Hakeim, libérateur de Paris ; en pleine période de crise coloniale, administrateur en Asie puis en Afrique ; après le retour du Général au pouvoir, ministre des Armées de ce dernier puis Premier ministre de Georges Pompidou ; député de Moselle avant que d’être président de la Fondation Charles de Gaulle, académicien, Chancelier de l’institut et, succédant au général de Boissieu, chancelier de l’ordre de la Libération.

Il se trouve que l’auteur de ses lignes a eu le privilège ces dernières années d’être reçu à trois reprises par M. Pierre Messmer dans son bureau de l’Institut de France ; une première fois afin de l’interroger pour un entretien publié dans les Cahiers de Jeune France, les deux autres pour la revue Libres. Ce qui m’a frappé, alors que j’étais évidemment intimidé, c’est à la fois sa disponibilité, sa simplicité et sa grande courtoisie. Pierre Messmer répondait toujours beaucoup de précision (il veillait d’ailleurs à relire scrupuleusement et à corriger mes transcriptions) à mes questions qui n’étaient pas complaisantes et pouvaient apparaître polémiques pour un homme de sa retenue ; il répondait justement dans un étonnant sourire, un franc sourire, avec une pointe de malice à ses questions ; il apparaissait alors comme un homme à la fois détaché de la politique et pourtant maître en la matière ; parfois, il pouvait brutalement adopter un ton plus dur pour asséner dans des formules resserrées ses convictions profondes. A le lire par ailleurs, notamment dans La patrouille perdue et autres récits extraordinaires, on découvrait un homme d’une profonde sensibilité, ce qui transparaissait aussi dans nos entretiens.

Ce qu’il faut retenir de cette vie tout entière dédiée à la France, c’est le désintéressement, la discrétion – aussi paradoxale que cela puisse paraître étant donné ses fonctions–, et le sérieux. Un fait marque sa carrière politique en la matière : refusant en 1974 de postuler à la magistrature suprême pour succéder à Georges Pompidou, ce qui eut été dans l’ordre des choses, il s’effaça au profit du tonitruant mais finalement défait Jacques Chaban-Delmas et laissa la voie libre aux ambitions déjà aiguisées de Jacques Chirac, ce que d’aucuns regrettèrent longtemps.

Il s’exprima peu, après son retrait effectif de la vie politique, sauf sur les grands enjeux, comme ce Traité constitutionnel européen qu’il combattit. Jamais en tous les cas, contrairement à d’autres pourtant moins bien autorisés que lui, il n’invoqua les mannes du Général pour justifier ses positionnements. C’était son honneur, la marque qu’il revendiquait. Les grands principes que défendait le Général étaient les siens, voilà tout. Pour le reste, pour le présent, de Gaulle était mort, il ne parlait pas à la place de De Gaulle.

Pour conclure, je ne résiste pas à citer la réponse que me fit Pierre Messmer lorsque je lui demandai de définir ce qu’était sa propre « certaine idée de la France » :

« Pour moi, la France est ma patrie, c’est-à-dire la terre sur laquelle je suis né, sur laquelle mes parents, mes pères sont nés. La patrie est la terre des parents, à laquelle je suis lié par un sentiment. La France n’est pas seulement ma patrie matérielle, à l’intérieur de ses frontières ; elle est plus encore ma langue, ma culture, elle représente un certain rayonnement de par le monde, notamment à travers la francophonie. Pour moi, j’insiste la France est ma patrie, ma patrie matérielle et ma patrie spirituelle. » (Libres n°1, 2003)

Peut-on mieux exprimer son patriotisme ?