Communiqué du 08 avril 2008

 

Europe intégrée et Otan : Sarkozy assassine le gaullisme

 

 

Au cours du Sommet de l'OTAN qui s'est tenu le 3 avril 2008, à Bucarest (Roumanie), le président Nicolas Sarkozy a annoncé que la France « pourrait réintégrer » le commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique au prochain sommet de l'OTAN en 2009.

Un Sommet prévu comme par hasard en France (à Strasbourg), et en Allemagne (à Kehl), comme si la frontière franco-allemande n’existait d’ailleurs déjà plus. En pratique, tous les militaires français de haut rang savent que la décision de réintégrer l’OTAN est déjà prise.

Au cours de la conférence de presse tenue en marge du Sommet, Nicolas Sarkozy a d'ailleurs précisé sa pensée : « Laissons cheminer l'Europe de la Défense, et nous continuerons à cheminer vers l'OTAN. Je le redis, ce sont les deux en même temps, pas l'un ou l'autre, attendons le sommet de Strasbourg ».

On ne saurait mieux dire que, pour le président français, l'intégration de la France dans l'Europe et l'intégration de la France dans l'OTAN, ce sont les deux faces de la même médaille. Et qu'il applaudit à l'une et à l'autre.

Reconnaissons au moins à Nicolas Sarkozy le mérite de la franchise. Il joue maintenant cartes sur tables : Eh bien oui, la construction européenne, l’Europe de la Défense, l’OTAN, l’atlantisme, et la soumission de tout le continent européen à l’Empire américain, tout cela c'est la même chose, nous dit-il en substance. Et d’ailleurs, il est pour.

En agissant ainsi – sans en avoir jamais parlé pendant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy jette donc le masque : il place la politique étrangère et de défense de la France sous tutelle étrangère. Il assassine tout simplement le gaullisme.

Car le gaullisme, c'est justement le refus d’asservir la France à un Empire, quel qu'il soit.

C'est justement parce que De Gaulle refusait que la France disparaisse dans une Europe intégrée et dans l'OTAN, l'une et l'autre sous domination américaine, qu'il mit le holà aux deux, au cours de la même année 1966. D'une part en imposant l'existence d'un droit de veto national à Bruxelles (par le Compromis de Luxembourg du 30 janvier 1966) ; d’autre part en annonçant, moins de quarante jours plus tard, la sortie de notre pays du commandement militaire intégré de l’OTAN le 7 mars 1966.

Il ne s’agissait évidemment pas d’une foucade de Charles de Gaulle mais d’une décision soigneusement réfléchie et mûrie, et cela depuis plusieurs années.

Parmi des très nombreuses preuves, voici par exemple ce qu'il déclara devant tous les membres du gouvernement réunis à l’Elysée pour le Conseil des ministres du 19 juin 1963 :

Le problème s'est déjà posé au moment de l’institution de l’OTAN, il s'est posé aussi pour la CED[1]. C'est ce que les Européens appellent «l’intégration européenne». Le tout pour que les Etats-Unis puissent mieux gouverner l’Europe. Dans ce cas, l’Europe disparaît, la France est abolie. Ceux qui ont renoncé à la France depuis longtemps cherchent une situation qui noie la France dans des systèmes politiques où la France n’existerait pas. C'est pourquoi ils sont ivres de l’ONU, de l’OTAN, de ‘’l’intégration européenne’’. Ils se ruent pour faire entrer la Grande-Bretagne. Ça leur est égal. Leur instinct est que la France disparaisse.

Mais ils se sont faits des illusions, ils ont commis une erreur sur notre capacité de les en empêcher ! (Extrait de C'était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Fayard, 1997, Tome 2, pp 228-229)

Hélas, 45 ans après, ceux dont « l’instinct est que la France disparaisse » sont remontés à l’assaut et ils sont en train de faire triompher ce contre quoi Charles de Gaulle s’était battu toute sa vie. Cynisme suprême, ils assassinent le gaullisme en ayant l’aplomb de se réclamer de l’héritage politique, stratégique et moral du Chef de la France Libre.

Cela aussi, d’ailleurs, le Général l’avait prévu puisqu’il avait dit de ses opposants : « Ils espèrent que je serai remplacé par quelqu'un de plus coulant. Je reconnais que ce n’est pas difficile à trouver. » (Extrait de C'était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Fayard, 1997, Tome 2, pp 228-229)

Rassurons-nous quand même. Le triomphe des fossoyeurs de l’indépendance nationale n’est que provisoire. Tout simplement parce que le moment approche, inexorable, où les Français pourront constater dans leur vie quotidienne ce que signifie concrètement pour la France le fait d’être devenue une nation vassalisée, dont la stratégie est définie par un Empire étranger.

Source : http://www.u-p-r.org/ab/index.php?page=article&id=34

 

[1] La CED désignait la « Communauté Européenne de Défense », l’ancêtre exact de l’actuelle « Europe de la Défense » dont Sarkozy se fait le plus ardent soutien.  Par l’intermédiaire des députés se réclamant de lui, Charles de Gaulle avait fait échouer le projet de CED en 1954, par une alliance de fait avec les députés communistes. Le Chef de la France Libre estimait – avec justesse et prémonition – que la CED entérinerait la domination de la France par les Etats-Unis d'Amérique. Il la combattit toujours.