Communiqué du 27 mars 2008

 

La réforme des institutions devant le Conseil d'Etat

 

L'arbre cache-t-il la forêt ? Les informations distillées avec beaucoup de retenue par le gouvernement laissent présager une réforme de nos institutions nationales à minima contrairement aux affirmations du candidat Sarkozy à la présidentielle et au contenu du rapport présenté par Edouard Balladur. A moins que le pouvoir prépare, en catimini, une rupture bien plus profonde avec les institutions de la Vème république en instituant un régime présidentiel copié sur les Etats-Unis !

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  • L'avant-projet de loi constitutionnelle sera débattu dans les prochaines semaines au Parlement. Mais le texte, qui doit recueillir une majorité des trois cinquièmes, est critiqué par la gauche.

Le Conseil d'Etat a été saisi, le 20 mars, de l'avant-projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions, qui sera débattu dans les prochaines semaines au Parlement.

Le PS, dont l'apport est indispensable pour l'adoption du texte au parlement à la majorité des trois-cinquièmes, a immédiatement fait savoir, par la voix de son premier secrétaire François Hollande, qu'il ne voterait pas le texte "en l'état".

Le Premier ministre, François Fillon, a présenté en conseil des ministres une communication sur la réforme, qui vise notamment, affirme-t-il, à renforcer les prérogatives du Parlement.


Partager l'ordre du jour

L'avant-projet, rédigé avec l'objectif de favoriser un consensus entre droite et gauche, propose notamment de partager l'ordre du jour des assemblées entre le gouvernement et le Parlement, de limiter le recours à la procédure du 49-3 - qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote du Parlement - et de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière de politique internationale et européenne.
Le texte, critiqué par la gauche, limite à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Il prévoit de "rénover les modalités d'exercice du droit de message du président de la République au Parlement".

L'une des propositions de la commission Balladur sur la réforme des institutions, dont Nicolas Sarkozy souhaitait faire la pierre angulaire du texte, concerne la levée de l'interdiction pour le chef de l'Etat de s'exprimer devant l'Assemblée nationale ou le Sénat, ou devant les deux chambres réunies en congrès à Versailles.


Majorité des trois cinquièmes

Pour que la réforme soit adoptée, la voie référendaire étant exclue par l'exécutif, il lui faut obtenir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès. Une majorité impossible à atteindre sans le soutien des socialistes.

"En l'état, nous ne voterons pas la réforme des institutions", a dit dans les couloirs de l'Assemblée le premier secrétaire du PS. "Si ce texte n'est pas modifié, n'est pas expurgé de ce qui ne devrait pas y figurer et n'est pas complété par ce qui devrait y être, nous ne le voterons pas", a-t-il affirmé.

François Hollande a également réaffirmé l'opposition de son parti à la possibilité pour le chef de l'Etat de s'exprimer devant l'Assemblée nationale ou le Sénat, ou devant les deux chambres réunies en congrès à Versailles.

L'avant-projet de loi prévoit également d'instituer un Défenseur des droits des citoyens, d'instaurer une exception d'inconstitutionnalité, qui permettrait aux justiciables de contester devant le Conseil constitutionnel la conformité des lois à la Constitution.
Le Conseil économique et social, dont la compétence serait étendue aux questions environnementales, pourrait être saisi par voie de pétition.


"Le consensus le plus large possible"

Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), s'est félicité "vivement" que la révision constitutionnelle "entre dans sa phase active" avec la transmission du projet de loi au Conseil d'Etat.
"Les avancées proposées pour renforcer les droits et l'exercice des missions du Parlement auront des effets considérables sur le fonctionnement de nos institutions, en particulier sur le travail législatif", dit-il dans un communiqué.

Bernard Accoyer ajoute "qu'au regard de l'enjeu fondamental de cette révision constitutionnelle, il travaillera activement avec tous les groupes parlementaires de l'Assemblée pour rechercher le consensus le plus large possible".

La présidente du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat a critiqué "une révision en trompe-l'œil".

Le parlement "ne retrouve aucun pouvoir réel par rapport à l'exécutif", écrit Nicole Borvo dans un communiqué.

"Cette réforme comporte des avancées sur le droit du Parlement et elle ne devrait comporter que ces dispositions", a estimé François Hollande.


"Pas véritablement rupture"

"Parce qu'en définitive, il y a dans ce texte la présence du chef de l'Etat devant les assemblées ce qui serait une aggravation, une accentuation encore du pouvoir présidentiel", a-t-il dit.

"Il y a dans ce texte toujours la possibilité pour le gouvernement, avec la majorité, de maîtriser l'ordre du jour. Donc il n'y a pas véritablement rupture avec ce qu'est la domination de l'exécutif sur le Parlement", a poursuivi le député de la Corrèze.

Pour le premier secrétaire du PS, "il y a surtout des absences dans ce texte. La première c'est ce qui a trait aux règles du pluralisme puisque rien n'est dit notamment sur le temps de parole du président de la République qui resterait toujours hors de toute règle, c'est-à-dire qu'il pourrait parler autant qu'il le voudrait sans compensation de la part de l'opposition".