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  • la chronique
    Brevet européen : Protocole de Londres
    Jacques MYARD se félicite que l’amendement sur le Protocole de Londres ait été retiré par son auteur.

    Ce protocole est directement contraire à nos intérêts et aboutirait à favoriser grandement les multinationales anglo-saxonnes au détriment des entreprises françaises, notamment des PME. Il est également contraire à l’article 2 de la Constitution qui dispose que « La langue de la République est le français ».

    Il ne comprend pas dans ces conditions comment la Présidente du MEDEF Laurence PARISOT puisse en demander la ratification.

    On est en droit de s’interroger si le MEDEF, en prônant l’adoption d’un texte aussi manifestement contraire à nos intérêts, n’est pas au service des multinationales américaines, alors que le gouvernement agit à juste titre de plus en plus avec patriotisme économique pour protéger et développer nos entreprises et notamment les PME, et en conséquence les emplois.

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Assemblée nationale - COMPTE RENDU ANALYTIQUE

Deuxième séance du jeudi 2 mars 2006 - 157e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE de M. René Dosière - vice-président

M. Jacques Myard - La commission des finances propose, par un amendement après l'article 5, de ratifier le protocole de Londres, lequel rendrait les brevets en langue anglaise ou allemande directement applicables sur le territoire national. Cela n'est pas sans poser problème. Du point de vue constitutionnel, tout d'abord : en application de l'article 53 de la Constitution, les accords ou traités internationaux, dès lors qu'ils touchent aux finances de l'État ou portent sur le champ de l'article 34 de la Constitution, sont ratifiés, non par une loi ordinaire, mais par une loi d'autorisation, ce qui suppose l'égalité entre l'Assemblée et le Sénat. Ce ne serait pas le cas pour cette disposition introduite par amendement, en raison de la procédure d'urgence. En outre, aux termes de l'article 85 de notre Règlement, tout projet doit être soumis à la commission compétente, en l'occurrence la commission des affaires étrangères. Or celle-ci n'a pas été saisie et son président a d'ailleurs écrit au président de l'Assemblée à ce propos. Sur le plan constitutionnel, déjà, il se pose donc de sérieux problèmes.

Mais allons plus loin. Un brevet n'est ni un acte privé ni un contrat. C'est un acte qui, une fois délivré, crée un monopole. Il donne en effet à une entreprise la possibilité d'exploiter une invention, pour une vingtaine d'années en général. C'est donc un acte quasi public qui a force de loi. De ce fait, il doit être rédigé en langue française. En acceptant que des brevets en langue anglaise ou en langue allemande soient opposables directement en France, on viole l'article 2 de la Constitution, pour ne pas parler de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539.

Venons-en aux prétendus avantages de la ratification de l'accord de Londres. On nous dit que le dépôt de brevet auprès de l'office européen de Munich coûte cher. N'exagérons pas : le coût est en moyenne de 17 000 euros, dont 6 000 à 7 000 euros pour la traduction, soit en moyenne 23 euros par page, ce qui n'a rien d'extraordinaire. On nous dit aussi que les PME françaises profiteront de ce que les brevets en langue française seront directement applicables dans les États parties, l'Allemagne et l'Angleterre. Mais en général, quand on dépose un brevet à l'office de Munich, c'est pour qu'il s'applique plus largement, y compris aux États-unis. Pour ce faire, l'entreprise française devra de toute façon assumer la traduction en anglais, et aussi en allemand, car l'Autriche n'a pas signé cet accord et refuse l'application directe de brevets en langue française sur son territoire. L'avantage annoncé est donc bien fallacieux.

A l'inverse, les entreprises américaines, les multinationales, mais aussi les entreprises chinoises et japonaises, bénéficieront de l'application directe en France de tous leurs brevets sans traduction. C'est un marché de dupes. Il en ira de même dans d'autres langues. Nos entreprises vont se trouver face à un Funkspiel de brevets, un excès d'informations dans une langue à laquelle elles n'auront pas accès. Les entreprises américaines ont ainsi pour tactique de déposer des brevets qui n'apportent rien - à charge pour le concurrent de le prouver. Pour cela, les entreprises françaises qui veulent déposer un bon brevet devront faire traduire les mauvais.

Il est donc contraire à la Constitution, à nos intérêts économiques, à la diffusion de la science et de la langue française que d'accepter un tel marché de dupes. Il faut repousser l'article additionnel après l'article 5.