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Le Cercle Nation et République

 

  • La chronique  de Jacques Myard, Député, Président du Cercle Nation et République

    Le 18 Août 2006

     

    La souveraineté de la France est le fondement de notre liberté

     

    Réinventer De Gaulle !

    Certains feignent de s’étonner de voir l’action du Général De Gaulle être à nouveau invoquée en 2006 pour justifier une autre politique économique. Leur étonnement est proprement étonnant.

    Certes, De Gaulle n’a jamais été l’apologiste du déficit budgétaire, pas davantage que de la faiblesse de notre monnaie, les réformes Rueff-Armand mises en œuvre sous la direction de Michel Debré l’attestent amplement.

    Mais celles et ceux qui prétendent que « De Gaulle doit être laissé en paix »[1] devraient avoir le courage et surtout l’intelligence de prendre en compte tous les éléments de la politique qu’il a menée pour ne pas tronquer la réalité d’hier et d’aujourd’hui.

    Pragmatique, De Gaulle n’a eu qu’un seul objectif, l’indépendance nationale et la maîtrise de notre destin: l’objectif fixé, la France doit être libre de ses moyens et de ses décisions pour s’adapter en permanence en fonction de la conjoncture.

    Dans ces conditions, s’il ne s’agit pas de faire parler les mânes du Général. Son attitude, sa politique du 18 juin 1940 à la Vème République, nous donnent bien une méthode d’action qui demeure valable, et dont on peut s’inspirer même si les circonstances ont, en apparence, changé.

    Quelles sont, aujourd’hui, les contraintes qui brident la croissance, dont l’atonie est le principal responsable de nos déficits budgétaires ? Il est indéniable que de nombreuses économies doivent être réalisées dans les dépenses publiques, mais sait-on qu’avec 500 000 chômeurs en moins les comptes de la sécurité sociale seraient équilibrés ? Cinq facteurs retiennent l’attention.

    Sur le plan interne tout d’abord, nous avons réduit de manière excessive notre temps de travail (35 heures, retraite généralisée à 60 ans) alors que nous sommes désormais en compétition avec des économies à l’autre bout de la terre qui ne sont pas économes de leur temps.

    Notre fiscalité sur le patrimoine est excessive (ISF, droits de succession) et pousse l’épargne des Français vers l’étranger, elle ne s’investit pas en France : nos investissements productifs stagnent depuis des années.

    Il est vrai que la suppression de ces impôts anti-économiques entraînerait dans un premier temps une perte de recettes, un risque de non respect du pacte de stabilité – qualifié de stupide par Prodi, alors Président de la Commission – mais favoriserait grandement, à terme, les investissements.

    Sur le plan externe, nos choix européens et mondiaux se retournent contre nous : force est de constater que les gouvernements successifs ont pris leurs illusions pour des réalités, ils nagent encore parfois dans une réelle béatitude euro mondialiste !

    L’euro tout d’abord, monnaie parfaite pour un monde parfait qui n’existe pas, handicape lourdement notre économie. Nous payons l’impossibilité d’avoir une politique monétaire adaptée à la productivité de nos entreprises. Pendant des années, la politique de la BCE a entraîné des taux réels dévastateurs pour la croissance. Il est symptomatique de constater que ceux qui prônaient un franc fort persistent dans l’erreur avec un euro fort. Aujourd’hui, ils poursuivent, en réalité, la politique des rentiers pour lesquels la monnaie a d’abord une fonction de thésaurisation et non d’instrument de croissance adapté à la compétitivité de nos entreprises.

    L’euro fort après le franc fort, lequel a provoqué une forte montée du chômage, nous coûte au minimum un point de croissance de PIB depuis plus de quatre années.

    Il est urgent que le Conseil européen puisse adresser à la Banque Centrale Européenne des instructions pour qu’elle intègre dans sa politique les objectifs de croissance et abandonne son dogmatisme monétariste. A défaut, l’avenir de l’euro demeurera plus qu’hypothétique !

    Ensuite, nos entreprises, désavantagées par une monnaie surévaluée, en l’absence de Tarif Extérieur Commun protecteur de l’Union européenne, doivent agir dans le cadre d’une mondialisation non maîtrisée, dans laquelle les entreprises des pays émergents bénéficient de monnaies artificiellement sous-évaluées, dans des rapports allant de un à cinquante. Cette situation provoque des délocalisations nombreuses et répétées. C’est ce qu’avait prédit Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie, dans un ouvrage de 1999 « La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance ».

    Enfin, la conception européenne du « tout concurrence » interdit l’intervention de l’État et range au placard de l’obsolète la politique industrielle. Nos entreprises sont opéables au profit des multinationales, alors même que nos succès industriels sont nés exclusivement d’une politique industrielle volontariste et des aides d’État : nucléaire, aérospatiale, Airbus, pour ne nommer que les principaux.

    Oui, De Gaulle appelait avant toute chose les Français à l’effort, et cet appel demeure d’actualité. Mais le Général a toujours veillé à ce que la France garde la maîtrise de ses choix politiques et économiques, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui en raison de la multiplicité des contraintes européennes et mondiales, et est à l’origine de nombre de nos difficultés.

    Voilà pourquoi, sauf à être totalement aveuglé par les tabous du politiquement correct, l’autre politique économique n’appelle pas la facilité et le laisser aller, mais la libre maîtrise de nos décisions, pour relancer durablement la croissance grâce à l’effort des Français, et en ne subissant pas les décisions inadaptées d’un système devenu incontrôlable.

     


    [1] Article d’E. Balladur in Le Monde 6 Juillet 2006  p.18 intitulé « Laissez de Gaulle en paix ! Se réclamer du général pour prôner une politique de facilité est une imposture. »