La
chaîne de télévision France 2 a diffusé, les 27 et 28 mars, les deux
épisodes du film Le Grand Charles (disponible en DVD). Écrit et
réalisé par Bernard Stora, ce film historique est incontestablement
une belle réussite, qui a nécessité trois ans de travail,
l’accumulation d’une documentation considérable (biographies,
mémoires, journaux et magazines, photographies, films, etc.) et des
entretiens avec de nombreuses personnalités (Olivier Guichard et
Jacques Baumel avant leur décès, Pierre Lefranc, François Flohic,
Lucien Neuwirth, Jean Mauriac, etc.).
«Ce n’est pas le portrait en
pied d’un personnage historique, a humblement indiqué à la presse
Bernard Stora. C’est De Gaulle tel que je l’imagine». La
documentation accumulée lui a toutefois permis de se faire «une idée
des tournures de pensée, des tics de langage, des gestes quotidiens,
des rituels (le café, le cigare ou la cigarette, la volaille que De
Gaulle découpait lui-même…)» de Charles de Gaulle : «Autant de
pièces incomplètes, certes, mais qui formaient un dessin
suffisamment précis pour me permettre de reconstituer mentalement
l’ensemble du puzzle. Tout ce que j’ai écrit n’est pas exact au
détail près, mais tout est vraisemblable». Dans l’ensemble, en
effet, très rares sont les propos dans la bouche de ce Grand Charles
qui semblent sonner faux.
Le film insiste surtout sur la
« traversée du désert » (1953-1958). «À partir des années 1960, on
dispose – grâce à la télévision – d’une masse de documents filmés
considérable et l’imagination est moins libre», a avancé Bernard
Stora. Une marge de liberté confirmée par l’acteur Bernard Farcy,
qui interprète Charles de Gaulle : «La période choisie, parce
qu’elle est méconnue, permettait d’ouvrir un champ d’imaginaire.
Personne, à part quelques proches, ne sait exactement ce que De
Gaulle faisait à La Boisserie, comment il vivait…, non pas dans
l’intimité mais au quotidien. C’est en cela que le projet est
passionnant : dévoiler par la fiction le quotidien d’un homme
d’exception».
Un des défis auxquels a été
confronté le producteur, Jean-Pierre Guérin, qui eut l’intuition du
film lors d’une visite à La Boisserie en 1979, fut de trouver un
acteur pour jouer le rôle de Charles de Gaulle. «Incarner de Gaulle
fiche une sainte trouille aux comédiens», a ainsi souligné Bernard
Stora en rappelant que «Jean-Pierre Melville lui-même, dans un film
aussi formidable que L’Armée des ombres, ne le montre que
furtivement, au détour d’un plan, tel un spectre». Des acteurs ont
d’ailleurs refusé le rôle, avant que le nom de Bernard Farcy
s’impose naturellement.
En dehors des évidences
physiques (sa stature, sa corpulence, sa prestance, etc.), la
performance de Bernard Farcy, jusque-là surtout connu pour des
comédies, est remarquable. «La question n’était pas tant d’accepter
que de savoir si c’était possible, si j’allais être crédible»,
a-t-il déclaré en précisant avoir été décidé par «50 % de vanité et
50 % d’inconscience». L’exercice était en outre rendu plus difficile
par l’insertion, dans la fiction, d’images d’archive : l’acteur est
alors régulièrement confronté à son modèle, au vrai général de
Gaulle. «À l’évidence, j’étais battu d’avance par la comparaison!,
a-t-il expliqué. Tout le travail a consisté à me débarrasser d’une
certaine solennité vers laquelle j’étais tenté d’aller vu
l’importance du personnage, pour rentrer davantage dans le quotidien
de ses gestes, de ses inflexions, de ses accents, mais sans jamais
chercher à les imiter, à les caricaturer.»
Au final, passée la première
scène où apparaissent Charles et Yvonne de Gaulle, le téléspectateur
se prend complètement aux dialogues de Bernard Stora et au jeu de
Bernard Farcy. En retour, ce dernier a dit s’être «profondément
attaché avec déférence» à l’homme Charles de Gaulle. Affirmant : «Je
retournerai à Colombey, sur sa tombe, continuer ma conversation
secrète avec lui, lui présenter le ‘bilan’. On va voir s’il se
retourne»
Laurent Pelvey
© gaullismesocial.fr
29 mars 2005