Le
Congrès a adopté lundi 4 février la réforme de la Constitution
qui permettra l'adoption du Traité de Lisbonne. Histoire d'une
défaite… en chantant.
L'affaire est entendue :
l'adoption par le Congrès du Traité de Lisbonne montre que les
élites ont bien intégré le «non» au référendum de 2005. Mais
cela ne signifie pas pour autant que les leçons tirées soient
favorables au peuple et à la démocratie.
Du côté des médias, à la notable exception près de Libération et
de France Inter, en nette rupture avec leur européisme béat qui
avait choqué leurs lecteurs en 2005, l'affaire du référendum a
été traitée avec l'indifférence et la discrétion souhaitée par
le pouvoir et l'opposition désireux d'éviter tout débat. Ainsi
Le Figaro du 4 mai ne traite le vote du Congrès que comme une
sorte de « vote technique » et Le Monde quant à lui ne mentionne
même pas le vote.
Une opposition un peu
perdue
Un effort de mémoire suffit pour
se rappeler la déclaration de Nicolas Sarkozy au lendemain du
référendum sur le Traité constitutionnel européen, telle que
France Inter l'a rediffusée lundi matin 4 février. Sa
déclaration, un peu solennelle, manifestait son écoute et son
respect à l'égard du vote des Français. Principale leçon tirée
par le Président, dès son entrée en fonction : les affaires
européennes sont trop sérieuses pour être laissées au bon
vouloir du peuple. En revanche, le Président a fait le pari de
convaincre son opposition de valider l'adoption en force, via le
Congrès, d'un texte dont son principal inspirateur lui-même,
Valéry Giscard d'Estaing, a déclaré qu'il était l'exacte
reproduction du TCE.
Ce pari a, hélas, été gagné
facilement par le Président. François Bayrou ne s'est guère
exprimé sur le sujet, et le PS a raté une occasion de se
réconcilier avec les nonistes et de ressouder ses propres rangs.
Il aurait suffi aux socialistes de défendre une position commune
aux partisans du « oui » et aux partisans du «non» : l'exigence
d'un référendum, puisque la candidate Ségolène Royal s'était
engagée à soumettre tout projet de nouveau traité au suffrage
universel.
Mais non ! Entre la solidarité
avec les élites et le principe démocratique, la majorité des
socialistes, y compris certains partisans du «non» comme Arnaud
Montebourg, ont choisi : ce sera «oui» à Sarkozy et «non» au
référendum.
Une image décourageante de la
démocratie
Lundi matin sur France Inter,
Pierre Moscovici n'était pas à la fête pour justifier ce choix.
Comment expliquer la position du PS, favorable à un référendum
alors qu'il n'a pas agi de la seule façon qui pouvait l'imposer
: voter «non» à la réforme de la constitution pour obliger le
Président à organiser un référendum. Ce que Libération appelle «
le dernier tour de piste des nonistes » aurait pu être la
première victoire de l'opposition. Jean-Luc Mélenchon a raison
de dire : « on aurait pu faire mettre un genou à terre à
Sarkozy. Il va gagner, pas par sa force mais par nos faiblesses.
»
En avalisant le Traité de
Lisbonne, la droite et la gauche française ne commettent pas
seulement une forfaiture, ils se mettent durablement en position
d'impuissance. Ce qui les conduira le président de la République
à déplorer l'euro fort sans pouvoir influer sur la Banque
centrale européenne, ou, le PS à dénoncer l'absence de fiscalité
européenne sans pouvoir l'imposer à la Commission de Bruxelles.
La droite comme la gauche
spéculent sur les facultés d'oubli de la population. Espérons
qu'ils se trompent : Cécilia Sarkozy en tête de gondole des
livres vendus, Ségolène Royal à Vivement Dimanche et le mariage
à l'Elysée dessinent une image dégradée et décourageante de la
démocratie française. Ce n'est pas en regardant ailleurs que
l'on contribuera à son renouveau. Il ne nous reste plus qu'à
espérer des Irlandais ou des Anglais qu'ils disposent le grain
de sable utile à la préservation de la souveraineté populaire.
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