Député
(PS) des Landes, Henri Emmanuelli s’oppose farouchement au
boycott du Congrès. Il a réuni le 15 janvier des parlementaires
socialistes pour exiger un référendum.
Comment
jugez-vous l’annonce faite par Jean-Marc Ayrault d’un boycott du
Congrès ?
Je la juge
incompréhensible. Je comprends que le parti soit divisé sur
l’adoption du traité, puisqu’il l’était déjà. Mais on ne peut
remplacer un référendum qui a déjà eu lieu par un vote
parlementaire. Le PS ne peut donc renoncer à exiger la tenue de
ce référendum. Et le seul moyen de l’obtenir, comme nous nous y
étions engagés lors des campagnes présidentielle et législative,
c’est d’aller à Versailles voter contre la révision. Je ne
comprends pas qu’on laisse les mains libres au Président dès
lors qu’il s’agit du respect d’un principe fondamental, le
suffrage universel.
Alors, pourquoi
cette annonce ?
Je ne me
l’explique pas. Et c’est là qu’on retombe sur le problème d’une
cohérence minimum. La liberté de conscience sur le traité
lui-même, c’est-à-dire sur le oui et le non, difficile de faire
autrement. En revanche, s’agissant du référendum, je ne vois pas
pourquoi il y aurait finalement liberté de conscience. Si des
socialistes ne situent plus la légitimité politique dans le
suffrage universel, qu’ils le disent et l’assument ouvertement.
Mais je ne pense pas qu’il puisse y avoir d’ambiguïté sur ce
sujet.
Comment
réagissez-vous aux propos de François Hollande qui a fustigé le
«jeu» des opposants au boycott ?
C’est grave. S’il
considère que la défense de la souveraineté populaire est une
affaire de posture ou de tactique, c’est le signe d’une légèreté
inquiétante. En politique, il faut avoir un minimum de
cohérence. Et je parle bien d’un minimum. En 2005, j’ai fait
campagne pour le non. Et je sais que ceux qui l’ont menée pour
le oui n’ont jamais admis le vote du peuple français. Mais
qu’ils aient le courage de le dire, et qu’ils arrêtent
d’expliquer que ceux qui veulent le faire respecter sont des
tacticiens.
Que pensez-vous
de la position de Ségolène Royal qui, après avoir défendu le
référendum, estime désormais qu’il faut adopter le traité ?
Si l’on explique
"Nicolas Sarkozy a été élu, l’affaire est réglée", je ne vois
pas alors ce qu’on fait à l’Assemblée nationale. Et ce,
d’ailleurs, sur tous les sujets. Pourquoi s’opposer, alors ? On
en arrive à des raisonnements ahurissants pour justifier
l’injustifiable. J’ai envie de dire : "pardonne-leur, ils ne
savent pas ce qu’ils disent…".
Concrètement, les
socialistes pourront-ils se doter d’une position commune ?
Je crois que non.
Mais on peut élargir : y a-t-il une position du PS sur la
politique internationale ? La mondialisation ? La croissance ?
Ce n’est pas le seul sujet sur lequel le parti n’a pas de
position. Le PS ne manque pas de propositions, mais de
cohérence.
Quel est l’impact
de cette affaire dans l’opinion publique ?
Une fois de plus,
nous donnons un spectacle affligeant. Entre l’improvisation, les
avancées et les reculs, le manque de lucidité, on donne
l’impression de subir les événements politiques. Cela commence à
faire beaucoup.
Quel remède,
alors ?
Ce que je vais
proposer, c’est qu’après le prochain congrès socialiste, le
futur ou la future premier secrétaire s’achète une boussole. En
souvenir de Sénèque, qui, il y a fort longtemps, nous expliquait
qu’il n’y a pas de bon vent pour le marin qui ne sait pas où il
va… |