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Par E. Aperaude,
fonctionnaire international. L'alignement des Etats
européens sur les Etats-Unis, déjà perceptible lors du G20,
se confirme implacablement par une résolution votée au
parlement européen qui renforce la suprématie américaine
dans les relations transatlantiques. (Marianne2.fr)
Photo : Albertane - Flickr
« Ils ne sont grands que parce
que nous sommes à genoux. » disait E. de la Boétie. Le 26 mars
2009, le Parlement européen (PE) a approuvé par 503 voix pour,
51 voix contre et 10 abstentions, une résolution sur « l'état
des relations transatlantiques après les élections qui ont eu
lieu aux États-Unis ». Certes, une résolution du PE n’a pas de
pouvoir contraignant dans la législation européenne, mais elle
indique l’état d’esprit des eurodéputés et exprime la vision
qu’a cette institution du projet européen.
La marche à suivre jusqu'en
2015
Ce document (A6-0114/2009) d'une dizaine de pages rédigées
par la droite européenne (groupe PPE-DE) et voté avec le soutien
massif de la gauche, trace les perspectives des relations entre
l'Europe et les États-Unis d'ici à 2015, soit une période qui
couvrira l'actuel mandat, et le second mandat potentiel du
président étasunien, Barack Obama. C'est donc une référence
importante pour comprendre ce qu'attendent les États-Unis et ce
que projette la Commission Barroso, l'actuelle et la prochaine
puisqu'à en croire les oracles, nous n'avons pas encore voté
qu'elle serait déjà reconduite.
Considérant que « le
partenariat transatlantique doit demeurer une pierre angulaire
de l'action extérieure de l'Union », le but de cette résolution
est affirmé sans détour : il s’agit de construire « un véritable
marché transatlantique intégré », qui devra être établi « d'ici
à 2015 », fruit du travail du Conseil économique transatlantique
(CET). Le CET, conseillé entre autres par « des représentants du
monde de l'entreprise », veillera notamment à l'harmonisation
des législations pour faciliter « l'approfondissement du marché
transatlantique ». On imagine sans mal les choix qui seront
opérés entre place de l'État et rôle du marché.
L'accord de partenariat, à
négocier une fois le traite de Lisbonne ratifié, devra être
conclu d'ici à 2012. Il devrait comprendre la création d'un
Conseil politique transatlantique (CPT) de haut niveau, chargé
de coordonner « systématiquement » la politique étrangère et de
sécurité. Au cas où quelque chose échapperait à l'OTAN, « pierre
angulaire de la sécurité transatlantique » dont le rôle est déjà
gravé dans le marbre du traité de Lisbonne (en son article 42),
le CPT serait ainsi chargé de rectifier « systématiquement » des
positions « coordonnés ». Ce qu'en d'autres termes on appelle
l'alignement.
Les Européens sont d'ailleurs
sommés d'augmenter leur effort de défense.
La lecture de cette résolution
est édifiante. Ce texte s’inscrit pleinement dans la reprise des
cadres économiques structurels néolibéraux et dans une
soumission à la puissance étasunienne : encouragement au
lobbying (article 16) ; demande de conclusion du cycle de
libéralisation de Doha de l’OMC qui pourtant a bien du plomb
dans l'aile (article 22) ; coopération énergétique et donc
soumission aux buts de guerre des EU (article 24) ;
félicitations prématurées aux envoyés spéciaux étasuniens au
Proche-Orient et en Afghanistan (articles 26 et 29) et aux
troupes étasuniennes présentes en Irak (article 31) ; échanges
de données personnelles ; demande d’intégration des marchés
financiers avec convergence des cadres réglementaires actuels et
suppression de toutes entraves aux échanges ; libéralisation des
investissements étrangers grâce à une « législation ayant une
incidence territoriale sans consultation ni accord préalable »
(sic, article 52 et 53) ; etc. Le document vaut la peine d'être
lu dans son entier.
Cette feuille de route
confirme, pour les plus sceptiques, que la stratégie étasunienne
de la « Triple couronne », définie par l'administration Clinton
à la fin du XXème siècle, est toujours d'actualité : à l'OTAN la
défense; à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE) le dialogue politique et le respect des droits de
l'Homme - armes douces pour les régions sensibles des frontières
de l'Empire, comme les Balkans ou la Géorgie - à l'UE le grand
marché unifié et libéralisé, de Dublin jusqu'à la Syrie. Il
faudra bien, en effet, comme l'a dit Obama à Prague, inclure la
Turquie dans l'UE d'autant plus que, ironie des concepts de la
Maison blanche, l'intégration de cet État laïc serait un signal
positif envers les... musulmans.
Cet inquiétant discours de la
servitude volontaire de l'Europe est, dans la perspective des
élections de juin prochain, un vrai sujet de débat. Ce projet,
certes public mais discret, est noyé dans la masse de la
production du Parlement ou de la Commission et appuyé par
l'énorme majorité des eurodéputés. Il engage pourtant de manière
déterminante notre continent, nos États et nos populations sur
une voie délicate.
Qu’en disent les forces
politiques, notamment à gauche, qui solliciteront nos suffrages
le 7 juin ? |