Éditorial

 

Directive Bolkestein : ce n’est qu’un début…

… sauf en cas de victoire du NON !

 

 

n°26 du 23/03/2005


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Alain KERHERVE

Responsable du site


La directive Bolkestein est, quiconque de bonne foi ne peut le contester, l’illustration de la dérive ultra-libérale de l’organisation européenne depuis 20 ans.

Cette directive fondée sur le principe du pays d’origine est proposée en application du traité de l’acte unique adopté en 1986[1] à Luxembourg par F. Mitterrand et J. Delors, à cette époque Président de la commission.

Aujourd’hui, le projet de constitution européenne veut institutionnaliser cette orientation. Et la directive Bolkestein a encore de beaux jours devant elle : l’avenir en « oui » nous promet une duplication sans fin de directives (loi-cadre européenne dans le projet) de portée identique.

La réaction actuelle des promoteurs du « oui » contre cette directive à la veille du référendum n’est que pure circonstance :

- Tout d’abord, si le « oui » l’emporte, les défenseurs de ce « poison indolore et sournois » se considéreront légitimement confortés dans leur approche pour une Europe supranationale, mais également sur cette orientation débouchant sur un « capitalisme sauvage » qu’aucun gaulliste de conviction ne peut admettre.

- Le président Barroso défend bec et ongles cette directive conforme aux objectifs fixés par les 25 chefs d’Etats et à la lettre des textes régissant l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

- La France est, de toute façon, minoritaire et ceci ne peut qu’empirer avec les adhésions futures, notamment celle de la Turquie.

Ce n'est pas la "remise à plat" du texte de la directive obtenue à Bruxelles le 22 mars au soir, qui changera fondamentalement l'orientation actuelle de la construction européenne; avec le OUI elle sera inscrite dans le marbre.

 

Tout aussi grave et préoccupant est l’irresponsabilité des acteurs.

 

Le gouvernement français condamne sans réserve, du moins médiatiquement, cette directive pourtant votée à l’unanimité par l’ancienne commission à laquelle appartenait Michel Barnier. Aujourd’hui, le commissaire Barnier est désavoué par le ministre Barnier[2]. Le courage politique commanderait qu’il présente, immédiatement, sa démission.

Jacques Barrot, actuel commissaire français chargé des transports (pauvre France !) assiste, sans réaction, à la résistance pro-Bolkestein du Président Barroso. Pour marquer un réel désaccord, Jacques Barrot devrait prendre la seule décision conforme à la morale politique et à l’honneur de sa fonction : partir pour ne pas cautionner.

En d’autres temps, le problème aurait été résolu sur le champ. De Gaulle aurait agit, pris la décision, en un mot gouverné en adoptant une position aussi ferme que le fut la « politique de la chaise vide » en 1965. Il est des moments où il faut taper du poing sur la table.

 

Mais il est vrai aussi que l’exemple vient d’en haut.

  • La dissolution catastrophique de 1997 met Jacques Chirac en minorité : il reste.

  • Si le « non » l’emporte le 29 mai, il est naturel de s’interroger : comment le Chef de l’Etat pourra-t-il poursuivre légitimement sa mission avec une majorité de « cons » ?

 

Dire « non » n’est pas une connerie, Monsieur le Président de tous les Français, c’est du courage et de la résistance à la facilité.

Dire « non » à cette constitution supranationale, ce n’est pas refuser l’Europe. C’est manifester une volonté politique ardente pour une autre Europe.

Dire « non », ce n’est pas rétrécir la France. Au contraire, c’est lui rendre sa place en Europe et dans le monde, c’est renouer avec l’essentiel : son indépendance.

Dire « non », ce n’est pas ringard, c’est vouloir que la France se réconcilie avec un passé glorieux pas si lointain et avec le génie de son peuple si prompt à défendre les faibles, notamment face à l’hégémonie américaine.

Dire « non », ce n’est pas le chaos que nous prédisent les partisans du « oui ». Une crise doit être l’occasion de se ressaisir et de repenser l’Europe.

 

Le NON gaulliste d’aujourd’hui, à l’image de celui de 1954 opposé par le Général de Gaulle au projet de communauté européenne de défense (CED) sous tutelle de l’Otan, c’est un OUI à la seule Europe qui vaille : une Europe européenne, libre et indépendante.

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[1] ACHEVEMENT DU MARCHE INTERIEUR -

L'Acte unique européen avait pour objectif de mener à terme la réalisation du marché intérieur avant fin 1992, "espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée" (article 7 A).

Pour atteindre cet objectif déjà fixé par le Traité de Rome en 1957 (mais à 6 pays très proches), le Conseil des ministres de l'Union européenne décide désormais à la majorité qualifiée dans les domaines stratégiques pour l'achèvement du marché intérieur : tarif douanier extérieur, libre prestation des services, libre circulation des capitaux, transports maritimes et aériens, harmonisation des législations. Ce traité ouvre la voie à l'Union européenne qui prendra forme avec le Traité de Maëstricht.

 

[2] Le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, a estimé que la Commission européenne avait «sous-estimé» les problèmes posés par la directive européenne sur la libéralisation des services. Il a réaffirmé que, pour la France, le texte n'était «pas acceptable dans son état actuel».