De Gaulle à l'Élysée
Conférence de presse du 21 février 1966
Rien ne
peut faire qu’une loi s’impose sans amendement quand elle n’est
plus en accord avec les mœurs. Rien ne peut faire qu’un traité
reste valable intégralement quand son objet s’est modifié. Rien
ne peut faire qu’une alliance demeure telle quelle quand ont
changé les conditions dans lesquelles on l’avait conclue. Il
faut alors adapter aux données nouvelles la loi, le traité,
l’alliance, sans quoi, les textes, vidés de leur substance, ne
seront plus, le cas échéant, que de vains papiers d’archives, à
moins que ne se produise une rupture brutale entre ces formes
désuètes et les vivantes réalités.
Eh bien
! Si la France considère, qu’encore aujourd’hui, il est utile à
sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un
certain nombre d’États, notamment à l’Amérique, pour leur
défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise
contre l’un deux, si la déclaration faite en commun à ce sujet,
sous forme du Traité de l’Alliance Atlantique signé à Washington
le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle
reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont
été prises par la suite ne répondent plus à ce qu'elle juge
satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions
nouvelles.
Je dis
: les conditions nouvelles. Il est bien clair, en effet, qu'en
raison de l'évolution intérieure et extérieure des pays de
l'Est, le monde occidental n'est plus aujourd'hui menacé comme
il l'était à l'époque où le protectorat américain fut organisé
en Europe sous le couvert de l'O.T.A.N. Mais, en même temps que
s'estompaient les alarmes, se réduisait aussi la garantie de
sécurité, autant vaut dire absolue, que donnaient à l'Ancien
Continent la possession par la seule Amérique de l'armement
atomique et la certitude qu'elle l'emploierait sans restriction
dans le cas d'une agression. Car, la Russie soviétique s'est,
depuis lors, dotée d'une puissance nucléaire capable de frapper
directement les États-Unis, ce qui a rendu, pour le moins,
indéterminées les décisions des Américains quant à l'emploi
éventuel de leurs bombes et a, du coup, privé de justification -
je parle pour la France - non certes l'alliance, mais bien
l'intégration.
D'autre
part, tandis que se dissipent les perspectives d'une guerre
mondiale éclatant à cause de l'Europe, voici que des conflits où
l'Amérique s'engage dans d'autres parties du monde, comme
avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd'hui au Viêt-Nam,
risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une
extension telle qu'il pourrait en sortir une conflagration
générale. Dans ce cas, l'Europe, dont la stratégie est, dans
l'O.T.A.N., celle de l'Amérique, serait automatiquement
impliquée dans la lutte lors même qu'elle ne l'aurait pas voulu.
Il en serait ainsi pour la France, si l'imbrication de son
territoire, de ses communications, de certaines de ses forces,
de plusieurs de ses bases aériennes, de tels ou tels de ses
ports, dans le système militaire sous commandement américain
devait subsister plus longtemps. Au surplus, notre pays,
devenant de son côté et par ses propres moyens une puissance
atomique, est amené à assumer lui-même les responsabilités
politiques et stratégiques très étendues que comporte cette
capacité et que leur nature et leurs dimensions rendent
évidemment inaliénables. Enfin, la volonté qu'a la France de
disposer d'elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait
bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile
aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où
elle se trouve subordonnée.
Par
conséquent, sans revenir sur son adhésion à l'alliance
atlantique, la France va d'ici au terme ultime prévu pour ses
obligations et qui est le 4 avril 1969, continuer à modifier
successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour
autant qu'elles la concernent. Ce qu'elle a fait hier à cet
égard en plusieurs domaines, elle le fera demain dans d'autres,
tout en prenant, bien entendu, les dispositions voulues pour que
ces changements s'accomplissent progressivement et que ses
alliés ne puissent en être soudain et de son fait incommodés. En
outre, elle se tiendra prête à régler avec tels ou tels d'entre
eux, et suivant la façon dont elle a déjà procédé sur certains
points, les rapports pratiques de coopération qui paraîtront
utiles de part et d'autre, soit dans l'immédiat, soit dans
l'éventualité d'un conflit. Cela vaut naturellement pour la
coopération alliée en Allemagne. Au total, il s'agit de rétablir
une situation normale de souveraineté, dans laquelle ce qui est
français, en fait de sol, de ciel, de mer et de forces, et tout
élément étranger qui se trouverait en France, ne relèveront plus
que des seules autorités françaises. C'est dire qu'il s'agit là,
non point du tout d'une rupture, mais d'une nécessaire
adaptation.
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De Gaulle et l'Otan
un héritage incontournable |
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Organisation du
traité de l'Atlantique Nord
En annonçant, en
mars 1966, le retrait de la France de la structure militaire
intégrée de l'OTAN et en demandant le départ des installations
alliées du territoire national, le général de Gaulle pose sans
aucun doute l'acte le plus fort de sa présidence dans le domaine
de la politique étrangère et de sécurité. Pour la France comme
pour l'Alliance atlantique, la décision gaullienne constitue en
soi un événement considérable ; ne continue-t-elle pas de
produire des effets quarante ans après, dans un contexte
international pourtant radicalement transformé ? Mais elle
s'inscrit aussi, d'emblée, dans une logique d'ensemble, à
l’intersection des grandes options de la politique extérieure
gaullienne que sont l'indépendance nationale, le dépassement des
blocs et bien sûr, la contestation de l'"hégémonie" américaine
et son corollaire, l'affirmation européenne. Dès lors, si le
"retrait de l'OTAN" (l’expression constitue en réalité un
raccourci quelque peu trompeur) a très vite compté parmi les
mythes fondateurs de la politique de "grandeur", il s'inscrit
surtout dans un processus politico-stratégique dont il faut
restituer les principales étapes et saisir les ressorts.
De la création au
discrédit.
De 1948 -1949,
lorsque fut négocié puis signé le Pacte atlantique, jusqu'à
1958, date de son retour aux affaires, le point de vue du
général de Gaulle sur l'Alliance avait évolué, reflétant en cela
la frustration croissante de la IVe République et de ses
dirigeants à l'égard de l'institution atlantique. S'il avait
dans l'ensemble approuvé la conclusion du traité de Washington
du 4 avril 1949 établissant l'Alliance de l'Atlantique Nord
(dans laquelle il voyait l'expression du nécessaire engagement
des Etats-Unis à assurer la sécurité de l' Europe occidentale
face à la menace soviétique), il avait aussi déploré que le
traité ne comportait pas de garantie d' assistance automatique
en son article 5 et que la zone couverte en article 6 fût trop
étroite au regard d'une menace soviétique qu'il estimait déjà
appelée à devenir globale et pas seulement européenne. La mise
en place de la structure militaire intégrée et de l'OTAN
proprement dite, à partir du début des années 1950, devait le
conduire, avec, en toile de fond, la question du réarmement
allemand et l'affaire de la Communauté européenne de défense
(CED), violemment combattue par lui et évidement indissociable
de la problématique atlantique. Malgré la faillite de la CED,
l'OTAN, au milieu des années 1950, était donc déjà largement
discréditée à ses yeux, et les événements des deux ou trois
années qui suivirent (à commencer par la crise de Suez en 1956)
allaient le confirmer; politiquement parce que l' OTAN
entraînait, de son point de vue, une inféodation inacceptable de
la politique française au leadership américain et contribuait
par ce biais à l'abaissement international du pays, dont il
tenait les dirigeants de la IVe République finissante pour
responsables ; stratégiquement parce que la garantie américaine
, notamment dans le domaine nucléaire , lui paraissait de moins
en moins fiable du fait de l'émergence de l'équilibre de la
terreur ; militairement, enfin et surtout parce qu’il jugeait
l'intégration militaire atlantique fondamentalement contraire à
l'indépendance nationale. Mais si de Gaulle partageait ainsi
nombre des réticences croissantes des hommes au pourvoir à
l'égard du système otanien, il se montrait bien davantage
disposé que ces derniers à des remises en cause radicales : "Si
je gouvernais la France, je quitterais l'OTAN", confiait-il au
début de 1958. Une formule à l'emporte pièce dont il faut
cependant nuancer la portée tant le Général resterait par la
suite attaché à la distinction essentielle entre l'OTAN, dont il
désapprouvait le fonctionnement et dont il rejetait
catégoriquement (du moins pour la France) l'intégration
militaire, et l'Alliance atlantique elle-même, dont il ne devait
jamais remettre en question la nécessité.
Mémorandum et
remise en cause.
Dès son retour
aux affaires en juin 1958, la question atlantique figure au
premier rang des priorités gaulliennes, comme l'atteste le
mémorandum que le Général adresse au président américain Dwight
D .Eisenhower et au Premier Ministre britannique Harold
Macmillan le 17 septembre 1958. A partir du constat de
l'inadéquation de l'Alliance au nouveau contexte stratégique, de
Gaulle y revendique un rôle accru pour la France aux côtés des
Etats-Unis et de la Grande Bretagne et la mise en place d'une
direction tripartite de fait de l'ensemble occidental, non sans
avertir que l'évolution à venir de la participation effective de
la France à l'OTAN dépendra de la satisfaction de ces
revendications. Or , malgré des concessions limitées qui
prendront la forme de réunions tripartites (peu concluantes) au
niveau des hauts fonctionnaires , les revendications
gaulliennes vont très vite se heurter à une fin de non-recevoir
de la part des Américains et de leurs proches alliés ,
Britanniques en tête , peu soucieux de remettre en question le
statu quo à l'OTAN et de reconnaître ainsi à la France un statut
formel. Celui-ci ne manquerait pas de susciter des demandes
analogues de la part d'autres pays, à commencer par la
République fédérale d'Allemagne (RFA). Si de Gaulle devait
périodiquement remettre sur la table ses propositions
tripartites, il allait rapidement commencer à tirer les
conséquences du refus de ses ainsi décide-t-il, dès le printemps
1959, de retirer du commandement de l'OTAN la flotte française
de Méditerranée et, à l'automne 1960, de n'affecter que
partiellement les forces françaises à la défense aérienne
intégrée mise en place dans le cadre de l'OTAN. En affirmant
l'identité politico-stratégique de l'Europe occidentale autour
de l'axe Paris-Bonn, de Gaulle espère aussi transformer l'OTAN
en remettant en question le système de l'intégration et
rééquilibrer l'Alliance atlantique en faveur des Européens, le
tout sur fond d'un "grand débat" stratégique naissant entre
Washington, qui cherche à imposer la" riposte graduée" aux
alliés , et Paris qui s'y oppose au nom des intérêts
stratégiques européens en mettant en avant la future "force de
frappe" Française. Parallèlement, le désengagement progressif de
la France de la structure militaire intégrée se poursuit : après
avoir décidé, en 1962, de ne pas replacer sous le commandement
Centre-europe de l'OTAN les deux divisions françaises retirées
en 1956 pour cause de conflit algérien et rapatriées au
lendemain des accords d'Evian, de Gaulle, sur fond de
restructuration de l'outil de défense français autour de l'arme
nucléaire, décide que son pays se tiendra dans un rôle de
réserve, en retrait de la "défense de l'avant"(forward défense)
que l'organisation intégrée entend mettre en place en Allemagne
le long du rideau de fer.
L'échec du
plan Fouchet prive de Gaulle d'un
levier pour faire évoluer l'ensemble occidental et transformer
l'OTAN, Tandis que les Etats-Unis, au lendemain de la crise de
Cuba, sont décidés à rétablir leur autorité au sein de
l'Alliance, la dissidence française dans l'organisation,
désormais ouverte, s'inscrit de plus en plus dans l'entreprise
gaullienne de contestation d'ensemble de l'ordre international
établi et du leadership américain. Du point de vue politique, à
partir de 1963-1964, la prise de distance française à l'égard de
l'OTAN devient indissociable de la grande ambition du
dépassement de "Yalta" ; remettre en question les blocs, c'est,
d'abord, rompre avec l'intégration otanienne. Du point de vue
stratégique, cette même prise de distance se traduit par une
opposition résolue au projet américain de force nucléaire
multilatérale (MLF) dans laquelle de Gaulle discerne le risque
d'un renforcement durable de l'hégémonie des Etats-Unis dans
l'Alliance autour d'un axe Bonn-Washington. Du point de vue
militaire, enfin, elle se manifeste par la poursuite du
mouvement amorcé en 1959, comme l'illustre le retrait, en 1964,
de la flotte française du commandement allié de l'Atlantique. A
la fin de 1964, l'orientation de la politique française est
claire : face à ce qu'il considère comme de l'immobilisme de la
part des Alliés dans la question de l'OTAN, il ne fait plus
guère de doute que l'objectif ultime du Général est de dégager
définitivement la France de la "machinerie" de l'organisation et
de l'affranchir entièrement de l' "intégration".
Retrait.
Les événements de
l'année 1965 vont le confirmer. Alors que Washington tente de
reprendre la main dans le débat stratégique en mettant sur pied
au sein de l'OTAN un système de consultation qui prendra l'année
suivante la forme d'un groupe de plans nucléaire (NPG), le refus
français d'y participer apparaît comme le signe avant-coureur
d'un prochain divorce entre la France et l'OTAN. Au lendemain de
sa réélection en décembre, rien ne retient plus, le Général
d'agir dans ce registre. Ne dédaignant pas un certain effet de
surprise (il était resté vague sur ses intentions et surtout sur
les échéances lors de sa conférence de presse du 21 février
1966), il annonce sa décision le 7 mars au principal intéressé,
le président américain Lyndon Johnson. La France, écrit-il,
entend recouvrer "l'exercice entier de sa souveraineté". Puis le
gouvernement français en détaille, les modalités pratiques dans
deux mémorandums adressés les 11 et 29 mars aux autres
gouvernements de l'Alliance ; la France, tout en restant membre
à part entière de l'Alliance, modifie sa participation à
l'organisation, autrement dit à l'OTAN; surtout, elle se retire
de la structure militaire intégrée : les forces françaises qui
demeurent affectées aux commandement de l'OTAN cesseront de
l'être au 1er juillet 1966, et les forces et installations
militaires étrangères devront avoir quitté le territoire
national avant le 1er avril 1967. Si les premières réactions au
"retrait " français sont, sans surprise, marquées par la
consternation et l'incompréhension au sein de l'Alliance,
l'essentiel est la réponse mesurée que les Etats-Unis,
conformément aux instructions de Johnson, entendent apporter à
la décision gaullienne, au demeurant largement anticipée à
Washington depuis des mois. Estiment qu'une attitude de
confrontation, préconisée par certains au Département d'Etat, ne
ferait que pousser le Général à redoubler de détermination dans
son défit à l'Amérique, le président américain impose la ligne
pragmatique que préfère le Pentagone et dont l'objectif est de
régler ainsi le "problème " de Gaulle afin de remettre l'OTAN en
ordre de marche aussitôt que possible. D’où, en particulier, le
souci des Américains de se conformer à l'échéance du 1er avril
1967 pour l'évacuation des installations militaires présentes en
France, qui s'effectuera en bon ordre. Cette attitude
pragmatique va permettre de limiter les conséquences de la
décision gaullienne et d'atténuer ainsi dans une large mesure la
rupture entre la France et l'Alliance atlantique. Certes, du
point de vue politique, le divorce est consommé. Ni d'un côté ni
de l'autre on ne va cherche, en effet, à minimiser l'impact du
retrait français. Pour les Alliés et en particulier les
Américains, il s'agit de stigmatiser une décision dont on
redoute surtout qu'elle puisse servir de modèle à d'autres pays,
à commencer bien entendu par la RFA ; de Gaulle, pour sa part, a
naturellement tendance à mettre en exergue cette même décision
afin de faire du "retrait de l'OTAN" le symbole de
l'indépendance recouvrée, quitte à en exagérer la portée réelle
à un moment où sa politique de remise en cause de l'ordre
établi atteint un apogée tant dans la dimension Est-Ouest
(voyage en URSS en juin 1966) que Nord-Sud ( discours de Phnom
Penh en septembre). Du point de vue stratégique, le divorce est
également patent : la décision gaullienne va en effet lever
l'hypothèque française sur la riposte graduée et, la France
s'étant mise en charge des organes de l'OTAN, en permettre
l'adoption par cette dernière en décembre 1967. Deux stratégies
de dissuasion cohabitent désormais dans l'Alliance atlantique.
Mais la rupture est évitée du point de vue militaire ; elle
n'est en réalité souhaitée ni par les Alliés, conscients de
l'importance de la France dans le dispositif de défense
atlantique, ni par de Gaulle, pour qui il s'agit non pas de
tenir son pays à l'écart de la défense commune (et moins encore
d'adopter une posture de neutralité) mais à redéfinir les
modalités de sa participation éventuelle à celle-ci. D’où la
négociation qui se noues à l'automne 1966 entre le chef
d'état-major des armées français, le général Charles Ailleret,
et le commandant suprême allié en Europe (SACEUR), le général
américain Lyman Lemnitzer, et qui aboutira, en août 1967, aux
"accords Ailleret-Lemnitzer". Des accords qui fixent le cadre de
la "coopération" militaire entre la France et l'OTAN une fois
tournée la page de l' "intégration " et qui, loin d'entériner
une rupture des liens militaires, prévoient les modalités
opérationnelles d'une action "conjuguée" des forces française en
Allemagne avec celles des pays alliés sur le théâtre Centre
(Europe en cas d'attaques soviétique) réconciliant ainsi
l'impératif catégorique de l' "autonomie de décision", qui
implique le maintien d'un " commandement opérationnel " sur les
forces nationales, avec les nécessités de l'alliance, qui doit
permettre le passage éventuel de ces forces sous "contrôle
opérationnel" allié. Au total, le bilan de la politique
atlantique du Général est contrasté. Certes, le "retrait de
l'OTAN" aura, en définitive, consacré l'échec de l'ambition
gaullienne de transformation de l'Alliance : c'est bien le refus
des Alliés –Américains en tête- de remettre en cause le statu
quo à l'OTAN qui aura conduit à la décision de 1966. Mieux, le
retrait français, à certains égards, aura permis à ces derniers
de consolider ce même statu quo tout en réaffirmant leur
leadership dans une Alliance désormais débarrassée du "problème"
de Gaulle. En témoigne, dans les mois qui suivent, l'adoption de
la riposte graduée mais aussi du rapport sur les " futures
tâches "de l'Alliance (ou rapport Harmel, du nom du ministre
belge des Affaires étrangères qui en avait pris l'initiative)
qui redéfinit durablement les objectifs de l'institution
atlantique et, sur fond d'affirmation de la détente Est-Ouest,
consacre son rôle "politique" et non plus seulement militaire.
Reste que la politique du général de Gaulle à l'égard de l'OTAN
aura atteint les objectifs plus étroitement nationaux qui
étaient les siens. En restaurant l' "autonomie de décision"
qu'hypothéquait à ses yeux l' "intégration" otanienne, le
Général aura su concilier les exigences jusqu'alors antinomique
de l'indépendance nationale et de l'appartenance à l'Alliance et
aura mis fin au long malaise atlantique de la France de la IVe
République. D’où, sans doute, la longévité du "modèle" gaullien
en matière de politique atlantique, puisque la "décision de
1966" devait demeurer l'une des pierres angulaires de la
politique étrangère, de défense et de sécurité de la Ve
République : la France ne conserve-t-elle pas, à ce jour, cette
position "particulière" dans l'OTAN à laquelle tous les
successeurs du Général se seront montrés attachés ?
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