01 juin
2009

 

Le plan B pour l'Europe : l'euroréalisme de Charles de Gaulle

 

 

Souveraineté nationale contre "rationalité supranationale" ; indépendance des Etats contre force des engrenages ; démocratie contre technocratie ; l'affrontement De Gaulle-Monnet dépasse les hommes pour toucher à l'essentiel.


De Gaulle défend l'Europe

  • L'Europe : un acte de foi populaire

« Cette Europe prendra naissance si ses peuples, dans leur profondeur, décident d’y adhérer. Il ne suffira pas que des parlements votent une ratification. Il faudra des référendums populaires. (...) L’organisation de l’Europe est une chose énorme, extrêmement difficile et qui, à mon sens, implique un acte de foi populaire. Les institutions de l’Europe doivent naître des Européens, c’est-à-dire d’une manifestation démocratique, par le suffrage universel, des citoyens de l’Europe. Il faut poser à ces citoyens trois questions :

- « Voulez-vous qu’on fasse l’unité de l’Europe, notamment au point de vue de son économie, de sa culture et de sa défense ? »

- « Voulez-vous que l’on constitue un organe confédératif des peuples de l’Europe pour gérer cette unité ? »

- « Pour élaborer les institutions européennes, voulez-vous nommer une Assemblée ? »

Je suis convaincu que, si l’on posait aux peuples ces trois questions, on en tirerait deux avantages immenses. (…) Le deuxième serait qu’on pourrait voir quels peuples veulent et quels peuples ne veulent pas. Alors, on saurait à quoi s’en tenir et l’on pourrait commencer. »

« Mais, à cette confédération, on doit donner une base populaire et démocratique. Ce sont les peuples qui ont à la créer. Encore faut-il le leur demander. La première étape doit être un vaste référendum, organisé simultanément dans tous les pays intéressés. Il y aura là, au surplus, une grande force pour appuyer ceux qui veulent la communauté et une affirmation puissante vis-à-vis des États totalitaires au-delà du rideau de fer. »

(Conférence de presse tenue à l’hôtel Continental, 25 février 1953)

 

  • Adhésion et conviction populaires

« Cela comporte un concert régulier organisé des Gouvernements responsables et puis, aussi, le travail d’organismes spécialisés dans chacun des domaines communs, organismes subordonnés aux gouvernements ; cela comporte la délibération périodique d’une assemblée qui soit formée par les délégués des parlements nationaux et, à mon sens, cela doit comporter, le plus tôt possible, un solennel référendum européen, de manière à donner à ce démarrage de l’Europe le caractère d’adhésion et de conviction populaire qui lui est indispensable. »

(Conférence de presse tenue au Palais de l’Élysée, 5 septembre 1960)

 

  • La coopération des États

« Enfin, nous nous appliquons activement à faire sortir l’union de l’Europe du domaine de l’idéologie et de la technocratie pour la faire entrer dans celui de la réalité, c’est-à-dire de la politique. Par exemple, nous n’avons pas consenti, comme nous y invitait pourtant une mystique et des dates assez artificieuses, à développer un Marché commun n’eut pas englobé l’agriculture et où la France, pays agricole en même temps qu’industriel, aurait vu son équilibre économique, social et financier bouleversé de fond en comble. Au contraire, nous avons fait, pour notre part, en sorte que la grave omission que comportait à cet égard le Traité de Rome fut réparée pour l’essentiel et que les dispositions et les sauvegardes voulues fussent décidées par les six États contractants. Mais aussi nous avons proposé, nous proposons, à nos partenaires une organisation d’ensemble pour la coopération des États, sans laquelle il ne peut y avoir d’Europe unie, excepté dans des rêves, des parades ou des fictions. »

(Allocution radiodiffusée et télévisée prononcée au Palais de l’Élysée, 5 février 1962)

 

  • Effacer les barrières douanières

« Dans cet ordre d’idées, on a déjà fait quelque chose de positif qui s’appelle la Communauté économique européenne qui a été créée, en principe, par le Traité de Rome, et mise en œuvre, d’abord, grâce à notre redressement économique et financier de 1958 et 1959 – car, si nous n’avions pas fait ce redressement, il n’y avait pas de Communauté qui tienne – Mise en œuvre, en second lieu, grâce au fait que nous avons, en janvier dernier, obtenu que l’agriculture rentre dans le Marché commun et, corrélativement, accepté de passer à la deuxième phase, c’est-à-dire une réelle application. Il existe ainsi une organisation économique telle que, peu à peu, les barrières douanières entre les Six s’effacent. »

(Conférence de presse tenue au Palais de l’Élysée, 15 mai 1962)

 

  • La solidarité

« Je crois qu’il y a, dès lors que nous ne nous battons plus entre Européens occidentaux, dès lors qu’il n’y a plus de rivalité immédiate, et qu’il n’y a pas de guerre, ni même de guerre imaginable, entre la France et l’Allemagne, entre la France et l’Italie, et même, bien entendu, un jour, entre la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre... et bien il est absolument normal que s’établisse entre ces pays occidentaux une solidarité. C’est cela l’Europe ! Et je crois que cette solidarité doit être organisée : il s’agit de savoir comment et sous quelle forme. Alors, il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. »

(Entretien télévisé, 14 décembre 1965.)

 

  • L'accord de Luxembourg : l'intervention des Etats toujours d'actualité

« En ce qui concerne l’Europe, je vais vous dire où nous en sommes et ce que je pense après l’accord de Luxembourg. Cet accord entre les Six Gouvernements est d’une grande et heureuse portée. En effet, pour la première fois depuis que l’affaire du Marché commun est en cours, on est sorti ouvertement de cette espèce de fiction suivant laquelle l’organisation économique de l’Europe devrait procéder d’une autre instance que celle des États, avec leurs pouvoirs et leurs responsabilités. Par le fait même qu’on a traité avec succès entre ministres des Affaires étrangères et en dehors de Bruxelles, on a explicitement reconnu que, pour aboutir dans le domaine économique, il fallait des bases et des décisions politiques ; que ces bases et ces décisions étaient du ressort des États, et d’eux seuls. ; enfin, qu’il appartenait à chacun des gouvernements d’apprécier si les mesures à adopter en commun seraient, ou non, compatibles avec les intérêts essentiels de son pays. (…) Sans méconnaître ce que peuvent valoir les études et propositions de la Commission de Bruxelles, il y avait beau temps, qu’en fait, c’est grâce aux interventions des États et, pour ce qui est du Marché commun agricole, grâce à celles de la France, que la construction économique européenne surmontait peu à peu ses difficultés. Mais l’application « de la majorité » et l’extension corrélative des pouvoirs de la Commission menaçaient de remplacer cette pratique raisonnable par une usurpation permanente de souveraineté. »

(Conférence de presse tenue au Palais de l’Élysée, 21 février 1966)