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Communiqué du 20 août 2006

 

Libres propos : Pour une grande réforme de l'Euro.

 

Par Jacques SAPIR  - Économiste, directeur d'études à l'EHESS.
Jacques SAPIR participera le Dimanche 10 septembre à la table ronde sur " un nouveau pacte économique et social pour 2007" au cours des universités d'Été organisées par Debout la République ( président Nicolas Dupont-Aignan ) avec entre autres les professeurs d'économie Alain COTTA, Gérard LAFAY, Jean Jacques ROSA qui avaient participé au Colloque de Paris sur " L'euro de tous les risques".

Cette étude en trois volets a été publiée par http://sortirdeleuro.over-blog.com

Les principales critiques formulées contre l'Euro ne sont pas aujourd'hui le produit de cénacles partisans, mais bien l'expression d'un sentiment profond. Le doute quant à la stabilité et la soutenabilité de la monnaie unique est désormais le fait d'économistes réputés. Pourtant, les grands médias organisent à ce sujet un véritable black-out qui confine à la désinformation. Il suffit cependant de parler avec des professionnels, banquiers et financiers, pour savoir que la crise est bien à venir. Il y a clairement une résistance du monde réel à l'unification simplificatrice dont on prétend la monnaie capable. En présence de dynamiques différenciées, et dans certains cas, l'inflation apparaît bien comme nécessaire à la croissance. L'hétérogénéité des systèmes productifs et des structures sociales se reflète dans les dynamiques monétaires. la monnaie unique ne fait sens que là où les dynamiques sont homogènes. La Zone Euro telle qu'elle existe aujourd'hui n'est pas l'espace de référence pertinent. Il faut donc penser en termes de zones concentriques, où l'Euro pourrait éventuellement être monnaie unique, sur un espace nettement plus réduit qu'actuellement où cette solution serait pertinente, puis monnaie commune là ou les hétérogénéités structurelles rendraient la monnaie unique trop coûteuse mais où l'accrochage d'une monnaie nationale à l'Euro permettrait un gain en matière de lutte contre la spéculation financière et de crédibilité de la politique monétaire du pays concerné. Ce système de zones concentriques s'appuierait sur un encadrement des flux de capitaux visant à favoriser l'investissement matériel au détriment des opérations spéculatives.

L'euro constitue certainement la plus ambitieuse création institutionnelle en Europe ces dernières années. La monnaie unique est ainsi devenue le symbole du projet fédéraliste. Il n'est cependant pas sans risque de vouloir transformer une institution économique en symbole, et il n'est pas sûr que toutes les implications de la monnaie unique aient été clairement comprises ou même simplement perçues. L'idée de la monnaie unique est ainsi devenue l'otage d'une fuite en avant des "européistes". Ce faisant, c'est le bien-être économique et social des européens, la soutenabilité du modèle social des pays d'Europe continentale, qui a été pris en otage. Pourtant, depuis le début de l'année 2005, les illusions sont en train de s'effondrer. Les écailles tombent des yeux même des plus partisans. Les éléments d'une crise de l'Euro sont indéniablement en train de s'accumuler et ne peuvent que se renforcer dans les mois à venir. Au-delà des conséquences économiques évidentes, une telle crise aurait aussi des implications politiques importantes.

  • 1ère PARTIE : Qui croit encore dans l'Euro ?

Les principales critiques formulées contre l'Euro ne sont pas aujourd'hui le produit de cénacles partisans, mais bien l'expression d'un sentiment profond. Un sondage réalisé début juin 2005 par l'IFOP montrait que 61% des français regrettaient le Franc. Au-delà de l'importance du chiffre, deux éléments sont à prendre en compte. Le désamour quant à l'Euro est une tendance qui va se renforçant. Les résultats de sondages similaires montraient que 39% des français regrettaient l'Euro en février 2002 et 48% en juin 2002. On peut constater que plus les effets de la monnaie unique se font sentir dans la durée, moins celle-ci convainc les français.

Les choix politiques révélés lors du vote du 29 mai 2005 ne peuvent entièrement expliquer cette perte de confiance dans l'Euro. Si 77% des personnes ayant voté "non" lors du référendum regrettent le Franc, c'est aussi le cas de 44% des partisans du "oui". Ainsi, le soutien à l'Euro chez ces derniers apparaît plus faible que celui de l'ensemble des français en février 2002 (56% contre 61%). Ces éléments indiquent que nous sommes bien en présence d'une tendance structurelle et non d'une réaction conjoncturelle.

Le doute quant à la stabilité et la soutenabilité de la monnaie unique est désormais le fait d'économistes réputés. Les notes diffusées par les responsables des études de la Caisse des Dépôts et Consignations, puis du groupe Natexis-Banques Populaires, témoignent de ce qu'aujourd'hui les spécialistes de la finance ont pris la mesure des limites et des incohérences structurelles de la monnaie unique telle qu'elle a été appliquée. Un ancien conseiller commercial au ministère de l'Économie et des Finances, Serge Federbusch, montre bien dans un article récent le coût désormais exorbitant et insupportable de la surévaluation de la monnaie unique. Des doutes identiques se sont exprimés dans d'autres pays, en Italie et en Allemagne en particulier.

Pour autant, on chercherait bien en vain les éléments du nécessaire débat quant à l'avenir de l'Euro. Les grands médias organisent à ce sujet un véritable black-out qui confine à la désinformation. Il suffit cependant de parler avec des professionnels, banquiers et financiers, pour savoir que la crise est bien à venir. Or, faute de débat démocratique, la manipulation des opinions et les coups de force médiatiques risquent d'être de règle quand la réalité va s'imposer avec sa force coutumière.

Cette absence de débat, alors qu'il y a clairement le feu à la maison, renvoie à la mythification idéologique dont la monnaie unique a été l'objet. On ne peut toucher à son principe et son existence car ce serait porter atteinte au coeur même du credo européiste: il ne saurait y avoir eu d'erreurs dans les politiques antérieures, et par voie de conséquence il est impensable que l'on puisse être obligé d'en changer ou de revenir en arrière. L'européisme partage ainsi avec le fascisme et le stalinisme l'idéologie du "tout a été prévu". Ainsi, les proclamations suffisantes de la BCE et de son gouverneur font tristement écho au "Il Duce a sempre raggione" de l'Italie Mussolinienne et aux déclarations analogues de l'URSS stalinienne. Il n'empêche: le Roi est Nu, et ceci ne peut être indéfiniment nié.

La crise de l'Euro qui s'annonce résulte dans une large mesure des conditions dans lesquelles fut réalisée son introduction. Car, il faut le souligner, l'idée d'une monnaie unique n'est pas sans mérite. On doit cependant les identifier avec précision si on ne veut confondre le réel et l'imaginaire.

L'idée de la monnaie unique sur une zone comprenant plusieurs pays a été avancée par Robert Mundell en 1961. Elle a répondu à une opinion progressivement avancée par un nombre croissant d'économistes standard qu'une économie en régime d'ouverture commerciale et de libéralisation des capitaux ne pouvait plus avoir de politique monétaire indépendante si on était en présence d'une mobilité parfaite - ou quasi-parfaite - des capitaux. Une monnaie unique a alors essentiellement deux avantages. Le premier est qu'elle fait disparaître les coûts de transaction et les incertitudes liées au taux de change sur la zone où elle est pertinente. Il faut cependant noter que ces coûts de transaction et incertitudes sont d'autant plus importants que l'on est en système de taux de change flottant, sous la pression de marchés financiers libéralisés. Dans une situation où le taux serait fixé pour des périodes déterminées, et les mouvements de capitaux à court terme contrôlés, ces coûts et cette incertitude seraient déjà fortement réduits.

Un second avantage est qu'une monnaie unique, en évitant un phénomène de concurrence entre des instruments monétaires, permet de mener une politique monétaire unique. Cette dernière à l'avantage de pouvoir ainsi donner une cohérence à la politique économique sur l'espace de son application. Encore faut-il cependant que l'on ait la volonté de mener une politique monétaire qui soit un élément intégré d'une politique économique globale, et que les statuts de la Banque Centrale le permettent.

Les deux avantages que l'on vient d'indiquer sont d'autant plus importants que l'on est en présence d'une zone commerciale intégrée. Il y aurait ainsi une cohérence forte entre intégration commerciale et intégration monétaire, au point que la première déterminerait à terme la seconde. L'Euro se présente ici dans la continuité du discours sur le "Marché Unique". Notons cependant une première dissonance. Le Traité Constitutionnel Européen, qui prétendait couronner la mise en place du "Marché Unique"entendait établir la concurrence, dite "libre et non faussée" en principe fondateur. Or, la monnaie unique a pour fonction au contraire de faire disparaître la concurrence entre instruments monétaires. Elle établit un monopole.

Ce dernier est certainement nécessaire, et la théorie du Free Banking ou de la concurrence entre monnaies constitue une profonde régression. Cependant, si on admet que le monopole peut être nécessaire, alors pouvait-on honnêtement établir la concurrence en principe? On touche ici à une des incohérences du discours européiste. Ce ne sera pas la seule.

Établir un monopole d'instruments et de politiques monétaires a des implications spécifiques. Parce qu'elle devient unique, la politique monétaire ne peut plus prendre en compte la diversité des situations sociales et économiques sur son territoire d'application. Si l'on suit le raisonnement initial de Mundell, il faut en effet que l'on ait une mobilité parfaite du travail au sein de la zone concernée pour faire face aux chocs économiques. Est-ce à dire qu'il ne saurait y avoir de monnaie unique que sur des espaces entièrement homogènes économiquement et socialement? La réponse est négative, car la monnaie n'est pas heureusement la seule institution économique ni le seul instrument disponible.

La contrepartie à une monnaie unique réside dans la solidarité fiscale et budgétaire, qui veut que l'on puisse transférer des ressources dans les régions qui seraient indûment pénalisées lors d'un choc asymétrique. Ce qui rend supportable le monopole monétaire dans une économie hétérogène, c'est une politique budgétaire active. On le voit de manière particulièrement claire dans le cas des pays aux structures fédérales. La part des dépenses fédérales doit dépasser les 50% pour que le système fonctionne. Si cette zone économique comprend plusieurs pays, alors la perte de l'instrument monétaire doit être compensée par le maintien d'une forte autonomie fiscale, permettant le cas échéant à un gouvernement de subventionner les secteurs économiques touchés par la crise au lieu de les aider à travers une dévaluation.

Dans le cas de l'Euro, on touche ici à une seconde incohérence. La mise en place de la monnaie unique s'est faite sans débat quant à la possibilité de mettre en place un budget fédéral, au moins à l'échelle des pays concernés. Or, par la monnaie unique, on retirait aux pays l'instrument de la dévaluation et ce sans en fournir un autre. Nous n'avons pas fini de payer cette erreur. Pour y ajouter, les directives européennes limitent de manière drastique les subventions aux industries, comme on l'a vu avec l'intervention scandaleuse de la Commission Européenne dans l'affaire Alsthom. De ce point de vue, comme le reconnaît Alexandre Swoboda, on peut trouver chez Mundell, le partisan de la monnaie unique, des arguments forts contre l'Euro tel qu'il fut mis en place.

  • 2ème PARTIE : LA DANGEREUSE POLITIQUE DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

Dès 2003, il était clair même pour les plus partisans défenseurs de l'Euro que la réalité refusait de se plier à leurs désirs. Ainsi, Aglietta reconnaît que si l'on assiste à une unification des marchés des dettes, les espaces qui continuent de porter une trace, même lointaine, de l'économie réelle telles les Bourses restent marqués par "la forte résistance des segmentations nationales". Le passage à l'Euro n'a pas entraîné d'unification des prix entre les pays de la Zone, ce que constatent aussi les études citées au début de ce texte. Ceci renvoie encore, à des éléments de l'économie réelle. Aglietta est obligé de constater que les principales avancées attendues de l'introduction de l'Euro ne se sont pas encore matérialisées. Il aurait dû à la fois accroître la croissance et préserver l'Europe des turbulences économiques extérieures. Or, il n'en a rien été. L'Euro n'efface pas les divergences nationales ni ne ralentit l'effritement du modèle social européen.

Il aurait fallu se défaire des dogmes monétaristes, qui ont contaminé la réflexion sur la monnaie unique dès 1973 (Mundell).

Une étude réalisée des dynamiques de l'inflation dans les pays de la zone Euro revêt ici d'une importance particulière. Le travail de Christian Conrad et Menelaos Karanasos démontre deux résultats essentiels.

Tout d'abord, il n'y a pas de dynamique unique de l'inflation et celle-ci n'influence pas toujours négativement la croissance économique à la différence de ce que prétendent les monétaristes. On est en présence de dynamiques différenciées, et dans certains cas, l'inflation apparaît bien comme nécessaire à la croissance.

Ensuite, leur travail montre l'éclatement des dynamiques au sein même de la Zone Euro. L'hétérogénéité des systèmes productifs et des structures sociales de reflète donc dans les dynamiques monétaires. La monnaie est un miroir, voire une lentille grossissante, des dynamiques du monde réel.

La politique de la BCE est ici incontestablement dangereuse. Elle l'est dans le fait qu'elle ne se donne qu'un seul objectif (la plus faible inflation possible) alors que les objectifs sont multiples. Non seulement devraient-ils inclure la croissance, comme dans le cas de la Banque Centrale américaine, mais aussi des éléments de politique structurelle. En effet, on peut montrer qu'une politique du crédit restrictive déforme les relations entre producteurs et distributeurs, au détriment des premiers. En fait, la contrainte exercée par une hausse des taux d'intérêts n'est pas partagée dans l'ensemble de la chaîne producteurs-distributeurs-détaillants, mais se concentre sur le producteur. Elle entraîne ainsi contrainte disproportionnée sur l'investissement.

La politique de la BCE est aussi dangereuse bien sûr parce que son objectif est faux. Comme on vient de le montrer, les approches fondées sur des hypothèses réalistes concluent toutes que la recherche de l'inflation la plus basse possible est une erreur grave. En fait, les économies ont un taux d'inflation qui correspond à leurs structures productives, financières et sociales et chercher à vouloir se situer en dessous ne peut qu'entraîner des dommages durables à l'économie et à la société.

Il faut ajouter ici que l'analyse de l'inflation qui domine à la BCE s'appuie sur la confusion, volontaire ou inconsciente, entre inflation et hyper-inflation. Une BCE dont le statut permettrait de viser à plusieurs objectifs et qui ne s'enferrerait pas dans le dogme d'une recherche de l'inflation la plus basse à tout prix, serait un progrès incontestable. Mais, il ne résoudrait pas le problème fondamental dont l'Euro souffre aujourd'hui. Assurément, une BCE différente de celle dont nous souffrons rendrait les manifestations de ce problème moins violentes. Elle ne les ferait pas disparaître pour autant.

  • 3ème PARTIE : Vers une nouvelle architecture monétaire européenne

Il faut en revenir aux deux éléments fondamentaux de la problématique de la monnaie unique. Cette dernière peut avoir des avantages, mais présente des coûts importants à partir du moment où elle s'applique sans s'articuler à une politique fiscale et budgétaire commune à des pays dont les structures économiques et sociales sont fortement hétérogènes. Par ailleurs, l'autonomie de la politique monétaire, en particulier en matière de taux d'intérêt et de gestion du taux de change, est d'autant plus efficace que les capitaux ne circulent pas librement.

Le premier élément suggère déjà une réponse: la monnaie unique ne fait sens aujourd'hui que là où les dynamiques sont homogènes. La Zone Euro telle qu'elle existe aujourd'hui n'est pas l'espace de référence pertinent.

Le second élément indique que ce n'est pas une loi de la nature qui a enlevé aux politiques monétaires leur pertinence, mais bien l'ensemble des décisions humaines qui ont abouti à la libéralisation des marchés des capitaux. Or, ce qu'une décision humaine a fait, une autre peut la défaire. Cette libéralisation des marchés des capitaux s'est faite au nom d'une vision idéologique de la réalité économique qui fait de l'homogénéité et de la liberté des flux un principe absolu. Pourtant, les mouvements de capitaux sont, dans leur nature comme dans leurs fonctions, hétérogènes. Les déterminants des flux d'investissements, soit des mouvements à long terme, n'ont rien à voir avec ceux des mouvements à court terme. Par ailleurs, la finance ne peut ni ne doit être séparée dans sa logique des structures productives, sous peine de conduire à des crises récurrentes. La nécessité impérieuse de la cohérence, en statique comme en dynamique, entre la dimension "réelle" et la dimension monétaire de l'économie doit être un des piliers de la nouvelle architecture institutionnelle.

Dès lors, on voit se dessiner ce que pourrait être l'architecture monétaire réaliste de l'Europe en réponse à la crise qui vient.

Il faut donc penser en termes de zones concentriques, où l'Euro pourrait éventuellement être monnaie unique, sur un espace nettement plus réduit qu'actuellement où cette solution serait pertinente, puis monnaie commune là ou les hétérogénéités structurelles rendraient la monnaie unique trop coûteuse mais où l'accrochage d'une monnaie nationale à l'Euro permettrait un gain en matière de lutte contre la spéculation financière et de crédibilité de la politique monétaire du pays concerné. Ce système de zones concentriques s'appuierait sur un encadrement des flux de capitaux visant à favoriser l'investissement matériel au détriment des opérations spéculatives.

Pour les pays de la première zone, l'Euro serait inchangé. Par contre les flux de capitaux hors de cette zone seraient contrôlés. Autant les mouvements à long terme pourraient être laissés libres (moyennant bien entendu des règles de sécurité stratégique), autant les mouvements à court terme pourraient être pénalisés. Des distinctions fonctionnelles dans les mouvements de ces capitaux seraient établies qui se combineraient avec la notion de temporalité pour déterminer la dureté du contrôle.

Pour les pays de la seconde zone, on aurait l'Euro comme monnaie commune, détenue uniquement par les banques centrales des pays adhérant à ce système, serait l'unité de compte globale ainsi que l'instrument de réserve pour ces pays. Elle viendrait se superposer aux monnaies nationales qui seraient alors rétablies pour les pays dont les structures économiques sont trop hétérogènes par rapport à celles de la première zone. Le fonctionnement des monnaies nationales serait encadré par les mécanismes de connexion à la monnaie commune. Une telle conception est rigoureusement cohérente avec la pensée keynésienne réelle. Dans les transactions entre les pays membres de ce système, seuls les soldes de fin d'exercice devraient être réglés. Ils pourraient faire l'objet, dans certains cas, de crédits de la part de la BCE pour éviter toute crise des paiements.

Ces pays européens conserveraient ou retrouveraient leurs monnaies nationales, mais ces dernières ne seraient convertibles que dans la monnaie commune, l'Euro. Il n’y aurait pas de cotation d’une monnaie en une autre, mais une cotation de toutes par rapport à l’Euro. Les taux de change entre les monnaies du système se déduiraient de cette cote, tout comme elles se déduiraient pour le change avec des monnaies hors du système de la cotation entre cette monnaie extérieure (par exemple le dollar ou le yen) et la monnaie commune.

Les taux de change entre chaque monnaie nationale et la monnaie commune, dans un espace financier où les mouvements de capitaux à court terme seraient étroitement contrôlés, pourraient être révisés de manière périodique de manière à tenir compte des évolutions dans chaque pays. On pourrait ainsi procéder à des dévaluations et des réévaluations concertées de manière à gérer les chocs macroéconomiques ou des divergences fortes dans le rythme de croissance de la productivité du travail. La BCE piloterait l'évolution du taux de change de l'Euro par rapport aux autres monnaies de référence pour éviter les mouvements destructeurs comme la récente brutale réévaluation de l'Euro face au dollar.

Les pays membres récupéreraient donc une souveraineté monétaire, mais hors du cadre de marchés libéralisés. Elle serait à la fois plus réelle et plus facilement coordonnée. La politique budgétaire ne serait plus condamnée à porter seule le fardeau des ajustements conjoncturels. L'existence de taux de conversion régulés entre les monnaies nationales et la monnaie commune ferait largement disparaître l'incertitude de change et diminuerait les coûts de transaction tout en évitant l'excessive rigidité du système actuel. En cas de crise un pays ne serait plus devant le choix dramatique d'avoir à supporter le coût de son maintien dans la zone Euro ou de se retrouver exposer au grand vent de la spéculation financière internationale. La deuxième zone monétaire, définie par l'Euro monnaie commune, jouerait alors le rôle de sas. Elle serait dans certains cas une solution de repli, dans d'autres une étape vers la monnaie unique. Dans tous les cas on sortirait de la logique actuelle du "tout ou rien."