Avec le temps, l'action et la
personne du général de Gaulle ont été progressive-ment reconnues et
célé-brées... pour être mieux étouffées et trahies, sou-vent par
ceux-là même dont le devoir était de maintenir un héritage pourtant
revendiqué.
Aujourd'hui encore, beau-coup de
questions restent ouvertes sur le déroule-ment des événements, les
attitudes et les décisions du Général pendant les années
mouvementées de la seconde moitié du XXe siècle.
Les souvenirs du témoin privilégié
que fut Pierre Lefranc apportent un précieux et authentique
éclairage sur ces moments historiques : les débuts et l'échec du
RPF, le retour en 1958, le putsch des généraux, le voyage à Baden,
la rupture avec Pompidou, le départ du général et son décès. Il
rappelle enfin les analyses critiques des gaullistes de conviction à
l'égard de la politique des successeurs.
À l'heure où la vie politique semble
vouée à l'insignifiance et à l'inconstance, ce livre est le
témoignage d'une double fidélité : fidélité du Général à la France,
fidélité de Pierre Lefranc à de Gaulle, à travers toutes les
circonstances.
Si Charles de Gaulle a suscité de
tels dévouements, c'est d'abord parce que lui-même ne transigeait
pas sur l'essentiel : le service désintéressé de la France.
Baron du gaullisme, Pierre Lefranc
fut l'un des premiers résistants. Ancien Français libre, il a
assisté le Général durant tout son parcours politique, au RPF, à
Matignon, à l'Élysée. Fondateur de l'Institut et de la Fondation
Charles de Gaulle, il a donné son témoignage sur la guerre, la
Résistance et la Libération dans un premier volume : D'une
Résistance l'autre, 1940-1947, prix littéraire de la Résistance 2006
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Nicolas Dupont-Aignan et Pierre Lefranc (Photo AK)
Il est le gardien du
temple gaulliste. A 85 ans, Pierre Lefranc, compagnon du Général des
débuts du RPF jusqu'à sa mort, en 1970, et cofondateur avec André
Malraux de l'institut Charles-de-Gaulle, traque les manquements à la
mémoire du fondateur de la Ve République. Dans « Avec de Gaulle »,
réédition du récit de ses années aux côtés de l'ancien président, il
signe un chapitre inédit. Procès en tartufferie, le texte intitulé «
L'imposture et les dérives » entend démasquer les «
pseudo-gaullistes » à travers trente-cinq années de politique
(1970-2005).
Premier visé : le RPR,
coupable aux yeux de Lefranc d'avoir, par des alliances centristes,
poursuivi la construction européenne aux dépens de l'indépendance
française. De la présidence Chirac, l'auteur ne retient que
l'opposition à la guerre en Irak. Il reproche à l'ex-chef de l'État
d'avoir légitimé le gouvernement de Vichy en reconnaissant la
responsabilité de la France dans la rafle du Vél' d'Hiv et déplore
l'instauration du quinquennat : « Aujourd'hui, les présidentielles
ont trop d'influence sur les législatives. »
Pierre Lefranc, qui, en
2002, avait voté pour Jean-Pierre Chevènement, ne reconnaît que peu
de « gaullistes de conviction » . Parmi eux, il cite le député réélu
Dupont-Aignan et le sénateur Baudot. Qu'en est-il du président en
exercice, qui, pendant la campagne, est allé à Colombey rendre
hommage au Général ? « Sarkozy peut faire la rupture qu'il veut, il
n'a aucune raison de se réclamer du gaullisme. Il n'y a qu'à voir
ses objectifs en matière européenne » , bougonne l'ancien résistant.
Politique spectacle, campagnes à prix exorbitants, « la vie publique
a perdu de sa dignité » , déclare Lefranc, dénonçant « une pollution
par l'argent » . Gaulliste de la première heure, il semble compter
les dernières d'une espèce en voie de disparition
Aurélie
Jacques
- Le Point |