Daniel
Garrigue claque la porte de l'UMP au nez de Sarkozy
18 déc. 2008 -
Par Mathilde Mathieu -
Jusqu'ici,
Daniel Garrigue occupait la place n°3 dans l'hémicycle. Un fauteuil
envié, tout en bas, au premier rang – pas besoin de grimper.
Celui du grand
résistant Georges Mandel. Jeudi 18 décembre, le site internet de
l'Assemblée nationale a révélé que Daniel Garrigue déménageait au
n°143. Désormais, ce fidèle d'Alain Juppé siégera dans le
"poulailler", où sont relégués les parlementaires "non inscrits",
sans groupe politique, dans la dernière travée. Il vient en effet de
claquer la porte de l'UMP, écœuré par les réformes et «le style» de
Nicolas Sarkozy.
Le 10
décembre, Daniel Garrigue a envoyé sa lettre de démission au
secrétaire général du parti et prévenu Jean-François Copé, patron
des députés UMP, qu'il reprenait sa «liberté». «Je ne fais pas
carrière. Je fais de la politique. Je défendrai jusqu'au bout mes
convictions gaullistes, sociales et européennes», écrivait-il, les
jugeant trahies.
Lui qui avait
obtenu, en début de législature, le "droit" de rejoindre la
prestigieuse commission des finances, devra laisser sa place.
Pourquoi
s'infliger un tel purgatoire? «Trop de désaccords de fond», tranche
cet ancien du RPR de Jacques Chirac, auquel il avait adhéré en 1976,
dès sa création.
D'autres
raisons, sans doute moins glorieuses, ont pesé lourd dans sa
décision:
candidat à sa propre succession à la tête de la fédération UMP de
Dordogne, début décembre, Daniel Garrigue s'est fait rafler la place
par le conseiller politique du président de la République, Jérôme
Peyrat, maire d'un patelin local. Pour faire gagner son poulain,
l'Elysée avait dépêché Xavier Bertrand auprès des militants et
mobilisé l'octogénaire Yves Guéna, figure tutélaire de la droite
périgourdine, ancien membre du Conseil constitutionnel – la grosse
Bertha. En clair, "le Château" a coulé Daniel Garrigue et le député
n'a pas pardonné.
«Mes critiques
dérangeaient, dans un parti où le débat n'a plus sa place»,
affirme-t-il aujourd'hui dans un véritable réquisitoire contre la
présidence sarkozyste. Son premier grief: la mise au rencard des
objectifs gaullistes de «justice sociale». «C'était manifeste sur le
RSA [le revenu de solidarité active de Martin Hirsch voté cet
automne à l'Assemblée], puisque le gouvernement a refusé que les
plus riches participent à la solidarité nationale.» Le projet de loi
prévoyait en effet que les Français bénéficiaires du bouclier fiscal
(qui plafonne les impôts à 50% des revenus) échappent à la taxe
créée pour financer le nouveau dispositif. Par un amendement, Daniel
Garrigue a tenté d'y remédier, quand d'autres UMP, pourtant
convaincus, se dégonflaient.
Idem quand le
parlementaire a voulu contrer une disposition sur les «emplois
familiaux» (femmes de ménage, etc.), relevant de 12.000 à 15.000
euros le plafond des dépenses ouvrant droit à des réductions
d'impôts – un cadeau à ceux qui peuvent déjà se l'offrir. «Des
collègues m'ont apporté leur soutien moral», jure-t-il. Le plus
souvent dans la coulisse.
Son second
reproche vise la politique étrangère et le retour programmé de la
France dans le commandement intégré de l'OTAN. «Le Président fait
fausse route quand il affirme que c'est un passage obligé pour que
les Etats-Unis acceptent un projet de défense européenne»,
pointe-t-il. En avril 2008, quand François Fillon est venu défendre
la stratégie élyséenne au perchoir de l'Assemblée, Daniel Garrigue
est «resté assis, sidéré». Pas question d'applaudir à
l'enfouissement de l'héritage gaullien et de l'indépendance
française. «Quant aux relations franco-allemandes, franchement,
Nicolas Sarkozy a cumulé les maladresses»...
En fait, «le
style présidentiel» l'insupporte: «Il surfe en permanence sur
l'émotion, la médiatisation, sans cohérence, comme Ségolène Royal au
PS », déclare le député. Pire: «Il n'accepte pas le débat», «à
l'inverse d'Alain Juppé», qui a piloté l'UMP de 2002 à 2004. Pour
preuve, le projet de loi tout juste déposé à l'Assemblée, visant à
limiter le droit d'amendement des parlementaires, de l'opposition
comme de la majorité.
Du coup,
Daniel Garrigue travaille à la création d'un nouveau parti,
susceptible d'aimanter les gaullistes, dans l'orbite d'Alain Juppé,
dont il vante – dernier tacle au chef de l'Etat – «la supériorité
intellectuelle». Une nouvelle alerte pour l'Elysée, après la récente
création d'une association chiraquienne à l'Assemblée et d'un club
de sénateurs proches de Jean-Pierre Raffarin.
http://www.mediapart.fr/journal/france/181208/daniel-garrigue-claque-la-porte-de-l-ump-au-nez-de-sarkozy