La politique extérieure du

Législatives 1967

Retour                                                                                                         Mis en ligne le 06 mai 2008

Le 3 juin 1944, le Comité Français de la Libération Nationale (CFLN) prend par ordonnance le titre de Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Présidé par le général de Gaulle, ce dernier peine à s'imposer sur la scène internationale. Le président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt, souhaite mettre en place un gouvernement militaire allié pour les territoires occupés – l'Allied Military Government of occupied Territories, ou AMGOT – et continue de se méfier du Général : il doute de son esprit démocratique et rejette son idée de redonner à la France son statut de grande puissance, projet qui pourrait bouleverser ses propres plans d'ordre mondial pour l'après-guerre. La situation s'améliore après la visite de De Gaulle aux Etats-Unis en juillet 1944. Le 13, un communiqué américain entérine l'abandon de l'AMGOT et affirme que le "CFLN est qualifié pour assurer l'administration de la France". Il faut cependant attendre le 23 octobre pour que le GPRF soit enfin reconnu par les trois grands. Cette première victoire annonce d'autres succès en politique extérieure, bien mis en valeur par la légende gaullienne. Mais il convient de prendre la mesure de l'affaiblissement de la France, qui contraste tellement avec la volonté de grandeur du général que les alliés se braquent contre celui-ci. La diplomatie française rencontre aussi des échecs.

 

L'obsession du rang.

L'objectif de De Gaulle est simple : rendre à la France son rang sur la scène internationale, dans la guerre, puis dans la paix. Cela signifie d'abord que sa sécurité soit assurée par la disparition de la puissance de l'Allemagne qui serait soit démembrée, soit – la pensée du Général évolue au fil des mois – transformée en une confédération d'Etats. De cette Allemagne seraient détachées la Ruhr et la rive gauche du Rhin sous contrôle allié, ou, expose de Gaulle dans son discours du 18 mars 1944, sous le contrôle d'"une sorte de groupement occidental" à vocation européenne et à base essentiellement économique, rassemblant la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et éventuellement la Grande-Bretagne. Cette politique de grandeur implique aussi le retour de la souveraineté française dans tous ses territoires de l'Empire telle qu'elle existait en 1939, quitte à réformer ensuite ce dernier. De Gaulle envisage, comme il l'a dit dans son discours de Brazzaville de janvier 1944, que les populations indigènes puissent un jour "participer chez elles à la gestion de leurs affaires". Ce discours n'est pas synonyme d'ouverture vers l'indépendance ou même l'autonomie des territoires africains, mais dénote un esprit de réforme. Pour le Levant et l'Indochine, le Général admet une évolution plus rapide, à condition que ces changements ne soient concédés par nulle autre puissance que la France qui maintiendrait d'une manière ou d'une autre sa présence dans ces territoires. Ses vues sont opposées à celles de Roosevelt qui entend notamment empêcher le retour de la souveraineté française en Indochine.

Il convient de se doter des moyens de mettre en œuvre une telle politique. A partir de l'été 1944, le général de Gaulle n'a de cesse de développer les forces armées et de les engager dans la bataille. Le chef du GPRF redéploie aussi l'appareil diplomatique français, épure les cadres du Quai d'Orsay, envoie des ambassadeurs dans la plupart des pays. Il dirige lui-même la politique extérieur et ne laisse aucune latitude à son ministre des affaires étrangères, Georges Bidault, dans les discussions avec les Alliés. Il érige le refus de transiger en méthode systématique, ce qui conduit à l'alternative suivante : le succès ou la capitulation. Son intransigeance inspire parfois à Bidault une fureur difficile à contenir. A côté de l'irréalisme de certaines prétentions, on trouve u réalisme diplomatique classique : de Gaulle est adepte de la politique d'équilibre européen, faite de poids et de contrepoids, dans lequel la France pourrait trouver son rôle. Il s'agirait de revenir à l'Est "à la belle et bonne alliance" avec la Russie, de relancer l'alliance franco-britannique à condition que Paris et Londres accordent leurs politiques sur l'Allemagne et le Levant, et d'accepter un système de sécurité collective incluant les Etats-Unis.

 

Au concert des puissances

En attendant la construction de cette belle architecture, il faut faire entrer la France dans le club des puissances. La reconnaissance du GPRF n'entraine pas automatiquement son admission à la Commission consultative européenne qui doit décider du sort de l'Allemagne. Or, cette instance s'apprête à diviser le pays en trois zones d'occupation, sans en accorder une aux Français. De même, la conférence de Dumbarton Oaks en septembre-Octobre 1944, les ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'URSS dessinent les grandes lignes de la future Organisation des Nations unies, avec un Conseil de sécurité dominé par quatre membres permanents, les trois grands plus la Chine, mais sans la France.

Le 11 novembre 44, le GPRF est finalement admis à la Commission consultative européenne : ce même jour, Churchill, reçu par de Gaulle à Paris pour la commémoration de l'armistice de 1918, admet l'utilité d'accorder une zone d'occupation à la France. Il est en effet conscient de la solitude de son pays coincé entre les deux superpuissances, et il est le premier avocat de la France pour sa rentrée progressive dans le concert des nations. Mais il refuse de détacher la rive gauche du Rhin et la Ruhr. Sans un tel accord, de Gaulle considère comme prématuré un pacte franco-britannique. Déçu, il joue la carte de l'URSS et et part pour Moscou. Ayant abandonné son idée de "groupement occidental" qui ne plait pas à ses interlocuteurs, il va jusqu'à proposer à Staline une internationalisation de la Ruhr qui comprendrait une présence soviétique. Il n'est cependant pas appuyé par le Kremlin sur la question du détachement de la Rhénanie. Cette déception est néanmoins compensée par le pacte franco-soviétique d'assistance mutuelle, signé le 10 décembre, qui devrait fonctionner non seulement en cas d'agression allemande directe mais d'une façon quasi-préventive contre "toute menace venant de l'Allemagne".

La bonne volonté du Général n'est cependant pas récompensée. L'URSS ne fait rien pour que la France soit invitée à la conférence de Yalta qui a lieu en février 1945 sur son sol. Furieux, de Gaulle critique rudement la rencontre des trois grands. Mais la politique extérieure volontariste du GPRF porte néanmoins ses fruits : absent de la conférence, la France est la principale bénéficiaire de cette rencontre. Elle obtient une zone d'occupation en Allemagne, une place au Conseil de contrôle interallié à Berlin, ainsi que le cinquième siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.

A la conférence de San Francisco (avril-juin 45), chargée de rédiger la charte de l'ONU, la France est présente avec la cinquantaine d'Etats fondateurs et joue un rôle important. Elle obtient que la langue française soit adoptée comme langue de travail à égalité avec l'Anglais. Quelques mois plus tard, en novembre, à la conférence constitutive de l'UNESCO qui se tient à Londres, la délégation française fait en sorte que cette organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture ait son siège à Paris.