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Ce que contient la Constitution européenne remaquillée |
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Mémorandum de Paul-Marie Coûteaux Une Constitution remaquillée est toujours une Constitution. Bon connaisseur du débat institutionnel européen, M. Bourlanges s'émerveille du " traité modificatif " adopté le 23 aux petites heures : " Toute la Constitution est là ! Il n'y manque rien ! " ; et le Monde (24 et 25 juin) peut titrer : " Les symboles disparaissent, le fond reste ". Quelques jours après la fin du cycle électoral privant les Français de toute expression nationale avant longtemps, le sommet n'avait d'autre but que de reprendre le texte rejeté en 2005 en le remaquillant assez pour éviter un nouveau référendum. La manœuvre a donc réussi. Je mets en garde les Français : ne nous laissons pas abuser par les malicieuses déclarations des partisans les plus acharnés de la supranationalité qui font mine de regretter la Constitution, ici quelques mots, là quelques symboles, ni par une presse dupée par le maquillage, qui évoque une victoire diplomatique de M. Sarkozy, comme si la France qui a dit Non sortait victorieuse de l'épreuve : en réalité les nonistes sont refaits, ce que montre toute étude précise dudit "compromis" et de ses cinq points-clefs :
1-Personnalité
juridique accordée à l'Union
: point cardinal du fédéralisme qui permettait au texte Giscard de
s'intituler Constitution, il est repris tel quel, certes discrètement. A
lui seul, il crée en effet un nouvel Etat qui peut désormais être
reconnu comme tel sur la scène internationale, ce qui permet de parler
de nouveau de Constitution. 3-Haut Représentant pour la politique étrangère : comme l'a avoué imprudemment Nicolas Sarkozy lors de son allocution télévisée du 20 juin, c'est un "ministre des relations extérieures sans le nom" ; mais, à l'instar du texte Giscard, il sera dès 2009 vice-président de la Commission, ce qui lui donnera un grand poids auprès des autres Commissaires, et se verra doté d'un "service diplomatique" - en clair d'ambassades, les quelque 120 actuels bureaux de l'Union dans les capitales étrangères étant débaptisées et étoffées, leurs agents bénéficiant (grâce à la personnalité juridique) d'immunités et privilèges diplomatiques. A terme, lorsque ce super-ministère aura pris son allure et son poids, les ministères nationaux seront marginalisés, ce que symbolise déjà la délocalisation du Quai d'Orsay annoncée par M. Kouchner. Quant à la référence à l'OTAN, elle peut disparaître puisque le nouveau texte renvoie explicitement au traité de Maëstricht, dont le titre V fixait que "Les Etats veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions communes" (art. J-2), et précisait que celles-ci devaient être compatibles avec "les cadres de l'OTAN". A la politique étrangère commune, il manquait un instrument : le voici.
4-
Décisions à la majorité qualifiée.
Quel que soit le mode d'adoption (système de Nice ou système appliqué
partir de 2014), l'essentiel est que le cercle des questions échappant à
l'unanimité s'élargisse considérablement ; outre les affaires
communautaires (politique agricole, commerciale, douanière et, surtout,
industrielle - dite "de concurrence", où la commission est pleinement
compétente), il inclut quarante nouveaux domaines, les uns d'ordre
économique (marché intérieur, énergie, recherche, politique sociale
"partagée" avec les Etats) et d'autres plus régaliens : coopération
judiciaire en matière pénale, porte ouverte au Parquet européen, et
coopération policière, amorce d'une "police fédérale" . Désormais, la
compétence de l'Union concerne quelque 70 domaines, soit l'essentiel des
décisions et de la responsabilité politique - manquent encore la
culture, l'éducation…
5-Charte
des droits fondamentaux.
Elle s'applique désormais de droit (sauf pour la Grande-Bretagne, qui
jouit d'une dérogation) ; non reprise in extenso, elle fait
cependant l'objet d'une référence dans le texte, ce qui en droit revient
au même - d'autant que le droit est ici interprété par la très
supranationale Cour de Luxembourg. Ses dispositions justifient les
critiques que nous avions développées en 2005 : comment admettre par
exemple le droit pour tout citoyen de saisir la Cour européenne des
Droits de l'Homme aux fins de condamner un Etat pour non respect de
principes très généraux - tel celui de l'égalité, qui inspire déjà la
reconnaissance de l'homoparentalité ou du mariage homosexuel, ou celui
de la liberté religieuse contre un Etat appliquant une législation
laïque - telle la loi sur le voile ? Il y a deux ans, les supranationaux étaient décontenancés par le double non français et hollandais ; nous savions qu'ils chercheraient une parade. Elle fut simple et terrible : le problème venant de la France, c'est elle et ses Français qu'il fallait circonvenir ; pour les oligarchies européennes, il aura suffit d'attendre l'élection présidentielle et de trouver un homme assez rusé pour s'imposer, avec leur aide, et capable, une fois doté d'une fraîche légitimité d'annihiler en leur nom le Non des Français : la supercherie a parfaitement fonctionné. Restait à faire quelques concessions aux récalcitrants : un plus long délai pour la consultation des parlements nationaux, à la demande des Pays-Bas (et de partis danois) ; la prolongation pendant dix ans d'un système de pondération des voix qui avantage beaucoup une Pologne qui, elle, s'est bien battue - essuyant des quolibets innombrables : on moqua une phrase de son Président rappelant que, sans l'agression allemande de 1939, la Pologne aurait aujourd'hui quelque vingt millions d'habitants supplémentaires : un pays qui en détruit un autre peut-il, soixante ans plus tard, arguer de sa faiblesse pour le faire taire ? Il est vrai que l'habitude est désormais installée de tourner en dérision tout pays qui prétendra affirmer ses droits et ses principes. Il y a quelque chose d'insupportable dans l'actuelle fanfaronnade de M. Sarkozy assurant que "en un mois et demi, il s'est passé plus de choses qu'en deux ans", ce qui est vrai : il s'est passé ceci que la France a été trahie par un ensorceleur qu'elle a pour son malheur placé à sa tête et qui peut désormais parler en son nom. Ceux qui, en votant pour M. Sarkozy ont permis cette supercherie portent une lourde responsabilité devant notre histoire. J'appelle solennellement les Français qui ont dit Non à déjouer les propagandes - d'abord pour eux-mêmes ; je les appelle à étudier de près les informations qui filtreront de la prochaine Conférence Intergouvernementale et le texte définitif signé en octobre ; je les appelle à se mobiliser pour exiger que sa ratification soit soumise à référendum ; je les appelle à exiger pour la France un statut à tout le moins comparable à celui de la Grande-Bretagne, et des protections pour les droits, les principes et les intérêts de la France et des Français - et d'abord le respect de la démocratie, c'est-à-dire de la souveraineté populaire, dont on ne voit que trop qu'elle disparaît avec la souveraineté nationale ; je les appelle à agir sur les partis ou les solidarités diverses qui peuvent permettre de faire barrage lors du Congrès qui devra modifier une nouvelle fois notre Constitution ; je les appelle à manifester les troisièmes vendredis de chaque mois, à compter du 19 octobre, quelles que soient leurs opinions ou leurs inclinations, pourvu qu'ils soient attachés à la survie de la France comme Nation libre parmi les Nations du monde.
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