Retour  OF Magazine
 
 



 

Le Parlement a voté la ratification
de la Charte européenne de l’autonomie locale

  

  • mercredi 12 juillet 2006

Le 30 juin dernier, alors que la France n’avait d’yeux que pour les Bleus, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le projet de loi ratifiant la Charte européenne de l’autonomie locale, vingt ans après sa signature. Signée le 15 octobre 1985 à Strasbourg, cette charte constitue, comme l’ensemble des productions du Conseil de l’Europe, et bien que sa rédaction paraisse prudente, un véritable manifeste d’essence fédéraliste. En 1991, le Conseil d’État avait d’ailleurs rendu un avis partiellement négatif qui avait alors interrompu le processus de ratification : la juridiction administrative avait argué de l’incompatibilité générale du texte avec la tradition institutionnelle de notre pays.

C’est Michel Barnier, à la fois ancien sénateur (RPR), ancien commissaire européen et ancien chiraquien vendu à Nicolas Sarkozy, qui avait exhumé ce texte et déposé un nouveau projet de loi de ratification en décembre 2004, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères du gouvernement Raffarin [1]. Il s’agissait alors, après l’adoption de la loi consacrant l’acte II de la décentralisation, de profiter du fait que le droit français était désormais en conformité avec la Charte. On en déduira au passage que, après la loi Raffarin, la « tradition institutionnelle de notre pays » a été suffisamment bouleversée pour que le texte soit remis à l’agenda...

Y avait-il, dès lors, obligation juridique ou politique de ratifier ce texte ? Sans doute pas mais il était vraisemblablement temps, pour nos élus, de se délivrer de l’inconfortable situation dans laquelle ils étaient face à leurs collègues européens. Pensez donc : « L’absence de ratification française suscite alors l’incompréhension de nos partenaires. Les sénateurs membres de la délégation française à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe — j’en suis — y sont directement confrontés ! », déplorait Daniel Goulet, le rapporteur sur le projet de loi au Sénat. « Il m’est souvent arrivé, après avoir exposé ces principes, que le représentant d’un pays étranger me demande : “Pourquoi la France n’a-t-elle pas ratifié cette charte dont vous nous dites tant de bien ?” Certains m’interpellent sous la forme de questions objectives ; d’autres ne sont pas mécontents de placer le représentant de la France dans une situation quelque peu ambiguë... », renchérissait le sénateur Jean-Claude Frécon pour le groupe socialiste... Lassés de se faire charrier, les sénateurs ont donc voté sans discussion, de même que, quelques mois plus tard, les députés.

L’exposé de Daniel Goulet, malgré ces considérations sur les railleries de nos voisins n’a cependant pas négligé un point sémantique important : le sens à donner au terme autonomie dans le droit français. « Le terme “autonomie” est associé dans notre langue — nous avons eu un débat sur ce point au sein de la commission des Affaires étrangères — à la capacité de légiférer. Or la Charte ne prévoit rien de tel et définit ce terme comme “le droit et la capacité effective pour les collectivités territoriales de régler et de gérer dans le cadre de la loi une part importante des affaires publiques”. Il s’agit bien là de la libre administration des collectivités territoriales. »

Cette ratification est passée quasiment inaperçue. Reste cependant l’introduction d’une ambiguïté sur le sens du terme « autonomie » en droit français, reste aussi le symbole et reste enfin le fait que, si d’aucun avait dans l’idée de revenir sur les principes néfastes introduits par la décentralisation Raffarin, il s’en trouverait désormais empêché par cette charte.

Frédéric BECK
Revue républicaine

[1] Consulter le dossier législatif complet sur le site du Sénat.