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De Gaulle et mai 68

 

La manifestation du 30 mai 1968


Par Pierre Lefranc, collaborateur du Général.
 

L'agitation qui règne dans les facultés prend dans la nuit du 10 au 11 mai 1968 un aspect insurrectionnel par la construction de barricades et les incendies de voitures dans le Quartier latin. Le général de Gaulle est résolu à faire respecter l'ordre public mais n'est guère suivi par son gouvernement décontenancé par la tournure des événements. C'est sous son impulsion que sont créés le 11 mai les "Comités de défense de la République" mais le Premier ministre de retour d'un voyage à l'étranger et évoquant son éventuelle démission, préconise la négociation et décide de rouvrir la Sorbonne qui avait été fermée aux étudiants.

Le 13 mai, à l'appel des syndicats qui craignent d'être débordés, se déclenche une grève générale. Du 14 au 18 mai le chef de l'État qui a laissé carte blanche à son Premier ministre, effectue un voyage en Roumanie et trouve à son retour une situation aggravée.

L'opinion qui a suivi avec indulgence l'action des étudiants commence à s'émouvoir et une grande majorité des citoyens demeure silencieuse alors que les médias servent de caisse de résonance aux manifestants.

Le 23 mai, à l'initiative de l'Association nationale pour le soutien de l'action du général de Gaulle, les présidents des groupes parlementaires et les dirigeants des formations politiques favorables au Général se réunissent et diffusent un communiqué de confiance et d'appui au chef de l'État.

Le 24 mai de Gaulle s'adresse au peuple français mais ses propos vigoureux sont en discordance avec le laxisme du gouvernement et le message n'est pas bien reçu. Le lendemain le Premier ministre réunit les représentants des syndicats ouvriers pour une négociation sur leurs revendications. Toutefois le lundi 27 mai, malgré les importants avantages obtenus, la base syndicale rejette ces accords dits de Grenelle. Le soir même l'opposition manifeste bruyamment en réclamant le pouvoir.

 


Pierre Lefranc, Maurice Schumann, Michel Debré, André Malraux...

 

C'est ce même jour qu'est décidée par plusieurs personnalités proches du Général, du Premier ministre et de la municipalité parisienne l'organisation d'une manifestation par laquelle s'exprimera la majorité silencieuse dont l'inquiétude et la désapprobation des troubles vont grandissantes. Le risque d'un échec est considérable mais les organisateurs maintiennent le projet pour le jeudi suivant. Durant trois jours l'Association nationale, les Comités de défense de la République, les militants se mobilisent, le téléphone ne cesse de fonctionner et les transports se mettent en place.

Le mercredi 29 mai, le traditionnel Conseil des ministres est décommandé par le président de la République qui quitte subitement Paris. Ce n'est qu'au milieu de l'après-midi que le monde politique et l'opinion publique, en émoi devant cette disparition, apprennent que le chef de l'État s'est rendu auprès du général commandant les forces françaises stationnées en Allemagne. La sensation est grande et toute l'attention se porte désormais vers les faits et gestes du Général qui regagne sa demeure de Colombey-les-deux-Églises dans la soirée. Un Conseil des ministres est convoqué pour l'après-midi du lendemain. A l'issue de ce Conseil du 30 mai, la dissolution de l'Assemblée nationale est annoncée ainsi qu'une prochaine allocution du chef de l'État. Les organisateurs de la manifestation obtiennent que cette allocution soit diffusée avant le défilé prévu et c'est la raison pour laquelle celle-ci sera seulement radiodiffusée et non télévisée.

La concordance imprévisible du départ spectaculaire du Général, du caractère énergique de son discours et de la mise sur pied de la manifestation vont faire de l'opération prévue un formidable événement national lequel provoquera un renversement de la situation. Le million de Parisiens qui remontent les Champs-Élysées en acclamant le nom du Général montre à la capitale, à la province et à l'étranger que le chef de l'État jouit de la confiance du pays face à ceux qui veulent faire plier la République. Après cette soirée unique les hommes et les choses rentrent dans l'ordre.