18 janvier 2009

 

La création de l’Union atlantique se précise

 
  • Prologue : contrairement à ce qu’avait annoncé le magazine Marianne dans son article du 17 septembre 2008, " Balladur, missionnaire de l’« Union occidentale » " (1), l’Union atlantique devient peu à peu une réalité. Il est étonnant que le magazine de M. Jean-François Kahn, ce dernier étant membre du Modem, n’ait pas davantage approfondi le sujet qui est au centre des préoccupations de la Commission européenne et du Parlement européen. Je vais m’attacher à vous le démontrer.

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Tout d’abord, commençons par un amuse-gueule. Dans un article du journal Le Monde de mercredi dernier, "Facs européennes et américaines veulent renforcer leurs liens", nous avons appris la création future de diplômes transatlantiques. A travers le programme Atlantis, la Commission de Bruxelles invite "les universités françaises et américaines à promouvoir des projets les plus ambitieux dans le domaine de la coopération universitaire, puisqu’il s’agit de favoriser, en particulier, la création de diplômes « transatlantiques », c’est-à-dire reconnus de part et d’autre". Ce projet est en continuité avec un document de la Commission européenne datant de juin 2006, "L’Union européenne et les Etats-Unis, des partenaires mondiaux, des responsabilités mondiales", dans lequel il est écrit p. 13, que "ces programmes permettent également d’obtenir des diplômes transatlantiques conjoints".

Comme il est écrit à la p.6 de ce même document avec une carte à l’appui, "en 1998, la Commission a lancé une initiative ambitieuse afin d’établir un réseau de centres européens dans des universités américaines fournissant des informations et un enseignement sur l’Union européenne. Les centres européens ont pour objectifs de sensibiliser les Américains à l’importance politique, économique et culturelle des relations transatlantiques, d’encourager une meilleure compréhension de l’Union européenne et des ses politiques aux États-Unis, de diffuser des informations et de faire connaître les avis de l’Union européenne sur des questions d’intérêt transatlantique au niveau régional". Ce programme Atlantis réjouira notre ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Valérie Pécresse, en tant qu’ancienne Young Leader (2002) dans le cadre de la Fondation Franco-Américaine. Rappelons que "le programme phare des Young Leaders, piloté par les deux entités (ndlr : New-York et Paris), vise à créer et à développer des liens durables entre des jeunes professionnels français et américains talentueux et pressentis pour occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays"(3).Dans l’article du journal Le Monde précédemment cité, il est aussi précisé que "les universités ne sont pas seules à pouvoir se porter candidates : les entreprises privées, industrielles ou commerciales, les organisations non gouvernementales et les organismes professionnels peuvent déposer des projets, le programme couvrant aussi la formation professionnelle". Quelle joie pour notre ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Mme Christine Lagarde, qui en 2005, était membre de la Commission pour l’élargissement de la communauté euro-atlantique et grande lauréate 2007 du prix de la Carpette anglaise. Après cette mise en bouche, "on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre"(4).L’Union atlantique, ce n’est plus seulement une prophétie de M. Richard de Coudenhove-Kalergi, intervenant essentiel dans la création du Conseil de l’Europe, cela va devenir à court terme une réalité.

 L’économie unique transatlantique

 Dans un discours du 21 juin 2005, M. Günter Verheugen, homme politique allemand membre du SPD (parti social-démocrate), mais surtout vice-président de la Commission européenne en charge des entreprises et de l’industrie, auprès de représentants de l’industrie américaine, à Washington, déclara que "les économies européennes et américaines continuent de se développer ensemble, au lieu de s’éloigner l’une de l’autre. Et nous contribuerons à l’amélioration des conditions-cadre. Les économies européennes et américaines fonctionnent déjà en grande partie comme une économie transatlantique unique" (5). En effet, nous avons dépassé le simple accord sur la libéralisation du trafic aérien transatlantique entré en vigueur en 2008. Le 30 avril 2007, on apprenait la création d’un Conseil économique transatlantique. "Le Conseil économique transatlantique mis en place lors du sommet de Washington, sera chargé de piloter un vaste chantier visant à harmoniser les réglementations et les normes, de l’industrie automobile ou pharmaceutique par exemple, de la propriété intellectuelle ou des marchés publics, pour favoriser les investissements et les échanges entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Cette nouvelle institution, dont le co-président européen sera le vice-président de la Commission, Günter Verheugen, dirigera le travail pendant la période entre les sommets annuels, en vue d’une meilleure intégration économique entre les deux rives de l’Atlantique" (6). Ce Conseil s’est réuni pour la première fois le 9 novembre 2008 à Washington (7). Dans la résolution du Parlement européen du 8 mai 2008 sur le Conseil économique transatlantique -PA_TA(2008)0192-, il est écrit au paragraphe 2 : " le Parlement européen soutient résolument le processus de renforcement de l’intégration économique transatlantique, lancé lors du sommet de 2007 par l’adoption du « cadre pour progresser dans l’intégration économique transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique » et par la création du CET, chargé de superviser et d’accélérer les efforts exposés dans ledit cadre". Je ne peux que vous invitez à lire la déclaration croustillante de l’un des éléphanteaux du PS, M. Benoît Hamon, du 7 mai 2008 en sachant que ce dernier est le vice-président de la Délégation du Parlement européen pour les relations avec les Etats-Unis. En avril 2006, la commission du commerce international du Parlement européen a proposé la mise en place d’un « marché transatlantique libre d’entraves » à l’horizon 2015 (8). Le jeudi 1er juin 2006, le Parlement européen a adopté deux rapports, préconisant la conclusion d’un accord de partenariat entre l’UE et les Etats-Unis et la création d’un « marché transatlantique libre d’entraves » à l’horizon 2015 (9). Le Parlement européen souhaite en fait aller beaucoup plus loin.
 

L’Assemblée transatlantique

Dans le document (9), il est écrit que "sur le chapitre institutionnel, ils - les députés - proposent que soit conclu pour 2007 un accord de partenariat transatlantique, et réaffirment « qu’il est nécessaire de renforcer la dimension parlementaire de ce partenariat en transformant le Dialogue transatlantique des législateurs (DTL) en une Assemblée transatlantique »". De plus toujours dans le même document, il est précisé que"le rapport d’initiative d’Elmar Brok (Allemand, membre du PPE-DE - Partie Populaire Européen -, DE) souligne le « rôle important de l’OTAN, l’un des principaux garants de la stabilité transatlantique et de la sécurité »".
 

OTAN : une institution d’intégration

 Pour beaucoup de Citoyen(ne)s, l’OTAN est simplement une alliance dont la seule vocation est la sécurité. Pas tout à fait. L’article 2 du Traité de l’Atlantique Nord stipule que les parties "s’efforceront d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d’entre elles ou entre toutes". L’OTAN le cheval de Troie des hommes d’affaires américains…Sur le site du Parlement européen, les Amis du Traité de Lisbonne rappellent qu’en ce qui concerne la clause de « défense mutuelle » au sein de l’Union européenne, "il est remarquable que cette clause soit l’une des rares qui non seulement s’écarte du texte initial de la Constitution, mais aille aussi plus loin que celle-ci". Mais, "en pratique, l’OTAN demeure (pour les 21 États membres de l’Union européenne qui en sont membres), à la fois « le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre » (Article 42 §7 du TUE) : son intervention serait prioritaire si la sécurité d’un de ses États membres était mise en cause". Et dire que le chef de l’Etat français, M. Sarkozy, a fait ratifier par voie parlementaire le Traité de Lisbonne et qu’il souhaite réintégrer la France dans l’OTAN. Oh secours de Gaulle ! Il est vrai que Charles de Gaulle et Nicolas Sarkozy n’ont pas les mêmes valeurs. Les valeurs de M. Sarkozy sont très américaines.
 

Les valeurs communes de l’U.E. et des U.S.A.

Dans le document (5) p.15, la Commission européenne rappelle qu’avec les U.S.A. nous sommes "unis par des valeurs". Ultralibéralisme, inégalités sociales, prison, société sous contrôle, …pardon je dérape : démocratie, liberté, Droits de l’Homme en particulier. Je vais surtout m’attarder sur les Droits de l’Homme. Toujours p. 15, il est écrit : "Le principe des droits de l’homme a d’abord été défini au niveau européen par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales adoptée en 1950 par le Conseil de l’Europe, une organisation constituée de plus de 40 États membres. Il a ensuite été développé dans la propre Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée en décembre 2000 à Nice. La Charte réunit pour la première fois tous les droits personnels, civils, politiques, économiques et sociaux défendus par l’Union européenne dans un texte unique. Elle ne se contente pas seulement de redéfinir les droits de l’homme universels mais aborde également des sujets d’actualité comme la bioéthique et la protection des données personnelles". Cette redéfinition des droits de l’Homme universels, quelle est-elle ? L’introduction des notions de droits des minorités et des groupes ethniques, conception allemande de la nation  qui est totalement différente de la conception française issue de la Révolution. Un texte comme la Charte européenne des langues régionales et minoritaires est une véritable régression comme le soulignait l’ancien ministre et membre du Conseil d’Etat, M. Anicet Le Pors (11). Un historien français, M. Pierre Hillard, a fait un travail de recherche fondamental sur l’arrière-plan politique de cette Charte : "La Grande Europe ou le grand basculement ? ". (12) L’Union atlantique ou le grand basculement…
 

Conclusion

David contre Goliath. De Gaulle contre Kennedy. Le 28 octobre 1966, lors d’une conférence de presse à l’Elysée, De Gaulle –comme d’habitude- fut visionnaire. Il déclara : "Ainsi certains, s’exaltant au rêve de l’Internationale, voulaient-ils placer notre pays, comme eux-mêmes se plaçaient, sous l’obédience de Moscou. Ainsi d’autres, invoquant, ou bien le mythe supranational, ou bien le péril de l’Est, ou bien l’intérêt que pourrait trouver l’Occident atlantique à unifier son économie, ou bien encore l’utilité grandiose d’un arbitrage universel, prétendaient-ils que la France laissât sa politique se fondre dans une Europe fabriquée tout exprès, sa défense dans l’O.T.A.N., sa conception monétaire dans le Fonds de Washington, sa personnalité dans les Nations Unies, etc. Certes, il est bon que de telles institutions existent et nous pouvons avoir quelque intérêt à en faire partie, mais si nous avions écouté les apôtres excessifs, ces organismes où prédominent – tout le monde le sait – la protection politique, la force militaire, la puissance économique, l’aide multiforme des États-Unis, ces organismes n’auraient été pour nous qu’une couverture pour notre soumission à l’hégémonie américaine. Ainsi la France disparaîtrait, emportée par les chimères" (13). Ne répondait-il pas indirectement à la déclaration de Kennedy du 4 juillet 1962 : "Nous ne regardons pas une Europe forte et unie comme une rivale, mais comme une associée (…). Les Etats-Unis sont prêts à souscrire à une déclaration d’interdépendance, que nous sommes en mesure de discuter avec une Europe unie des voies et des moyens de former une association atlantique concrète (…). En recommandant l’adoption de la Constitution des Etats-Unis, Alexandre Hamilton disait à ses amis new-yorkais de penser continentalement. Aujourd’hui, les Américains doivent apprendre à penser intercontinentalement (…). Car l’association atlantique dont je parle ne peut se tourner seulement vers l’intérieur, se préoccuper de sa propre prospérité et de ses propres progrès. Elle doit servir de noyau à l’union finale de tous les hommes libres" (14).Et pour cette union finale, qui sera à sa tête ?
 

Epilogue

En 2009, nous allons voter pour les élections européennes. De nouveau, pour reprendre une expression de Pierre Mendès France, les "mystiques européens" seront à l’œuvre. Le grand cirque avec ses clowns et ses prestidigitateurs va recommencer. M. Bayrou -qui est parfaitement au courant des événements- nous parlera encore d’une Europe européenne. Le PS avec Mme Royal ou un(e) autre nous ressortira l’éternel couplet sur l’Europe sociale, démocratique, nous protégeant des délocalisations comme lors du dernier débat présidentiel (voir vidéo, à 1min22s). M. Cohn-Bendit vociféra contre l’Etat-Nation, la République et fera comme d’habitude l’amalgame avec le nationalisme. Les amis de M. Sarkozy vont nous préparer quant à eux notre entrée dans le « nouveau monde ». Cette gouvernance mondiale si chère à M. Attali qui, déjà en 1999 dans un document consultable sur un site du gouvernement (« Europe 2020 : pour une Union plurielle ») , envisageait que  :"« L’Union atlantique » serait la constitution d’un ensemble euro-américain par la mise en commun des compétences de l’U.E. et de celles de l’OTAN. Ce scénario, le plus probable pour l’auteur, semble réunir le plus grand consensus malgré son caractère invraisemblable pour certains ". Une bonne crise financière et économique provoquée par les puissants de ce monde pourrait enlever son caractère invraisemblable pour certains…

 

 

(1) " Balladur, missionnaire de l’« Union occidentale » ", article de Roman Bernard, marianne2.fr, le 17/09/08.

(2) "Facs européennes et américaines veulent renforcer leurs liens", article de Brigitte Perucca, journal Le Monde, le 07/01/09.

(3) Rapport d’étude pour le ministère des Affaires étrangères, analyse du processus de sélection des Young Leaders français pour la période 1981-2005, French American Foundation, Paris et New-York, 2006, p.4.

(4) Matrix I : réplique de Morphéus à Néo. Source : http://sergecar.club.fr/cinema/matrix.htm

(5) Document de la Commission européenne datant de juin 2006, "L’Union européenne et les Etats-Unis, des partenaires mondiaux, des responsabilités mondiales", p.10.

(6) "Création d’un Conseil économique transatlantique", article d’Elisa Drago, sur rfi.fr, le 30/04/07.

(7) "UE-USA : Réunion du Conseil économique transatlantique" du journal leconomiste.com.

(8) idem que (6)

(9) "Les députés souhaitent renforcer le partenariat transatlantique UE/Etats-Unis", Parlement européen, Relations extérieures, le 01/06/06.

(10) idem que (5)

(11) "La Charte européenne des langues régionales et minoritaires : une régression", par Anicet Le Pors

(12) Dans le document de M. Pierre Hillard, la carte de l’Europe des régions de la Waffen SS n’est plus présente. Vous pourrez la trouver sur le site du Comité Valmy.

(13) Dossier de Gaulle et l’Europe
(14) Source : La marche irrésistible du nouvel ordre mondial, destination Babel, de Pierre Hillard, p.84, édition François-Xavier de Guibert, Paris, 2007.