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par Hervé Nathan
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rédacteur en chef économie à
Marianne, qui répond au portrait que son confrère de
Libération Jean Quatremer a consacré au président de la BCE.
Mon cher Jean (Quatremer),
Déclarer
son amour à la Banque centrale européenne, le jour où elle
propulse l'euro à une parité historique avec le dollar, il faut
le faire. Tu l'as fait ! Dans
Libération, en dernière page,
celle des portraits de la jet-set politique, économique,
culturelle. Et avec talent. Permets à celui qui t'a précédé dans
l'exercice de te le dire (le dernier portrait de Trichet dans
Libé est, hélas, de moi). Bravo, donc. Mais tu te goures, mon
cher Jean, au fond sur le caractère profond du président de la
BCE. Bien sûr, il adore la poésie. Bien sûr, il est d'une
politesse exquise. Evidemment, il adore la rhétorique, et aussi
les mathématiques. Il n'est pas aussi bien payé que Daniel
Bouton alors qu'il pourrait demander bien davantage, c'est aussi
vrai. Et que la droite comme la gauche ont « fait » la carrière
de Trichet, oui encore. Mais tu te goures, Jean, lorsque tu nous
contes ce que Trichet aime tant que nous (les journalistes)
disions de lui : des phrases comme « cet ancien de l'ENA a
compris (…) qu'une politique, si bonne soit-elle, ne peut être
un succès que si elle est acceptée par les citoyens ».
Trichet et ses pairs
définissent la politique, les citoyens l'acceptent
N'as tu pas compris au moment
même d'écrire ces mots qu'ils contiennent la vraie nature de
Trichet. Car ils signifient : Trichet (et ses pairs) définissent
la politique, et les citoyens l'acceptent. En une formule, voici
donc les citoyens privés de leur responsabilité. Ils n'ont pas
droit au débat, mais à la pédagogie. D'ailleurs, tu le dis
toi-même : « Il répète à chaque fois les mêmes phrases ». Comme
des enfants, en somme. Comme à des enfants encore, il développe
la fable de la « politique monétaire transpartisane», enrobée
par les sondages favorables. Mais au fait, quel imbécile peut
répondre « oui » à la question : « Voulez-vous que les prix
augmentent et que votre épargne s'évanouisse ? »
Ceci rejoint ce que nous savons
de Jean-Claude Trichet : banquier central, il ne débat
réellement qu'avec les autres maîtres de la finance mondiale. Le
reste, gouvernements, partis politiques, organisations
syndicales, associations, citoyens, n'ont pas voix au chapitre
des grands argentiers. Et le talent du cher Jean-Claude est de
nous faire oublier que nous, les citoyens, devrions exiger ce
pouvoir qu'il nous a confisqué.
Car il s'agit bien de cela, et
tu connais l'histoire mieux que personne. Le Traité de
Maastricht, qui instaurait la monnaie unique, contenait une
promesse : bâtir face à la BCE un pouvoir économique européen.
Qui s'est employé à ce que ce gouvernement économique de l'eurozone
reste dans les limbes, s'appuyant sur des gouvernements acquis à
cette stratégie, notamment les Allemands : Jean-Claude Trichet,
qui a organisé l'anarchie politique au profit de son pouvoir
monétaire, portant un coup terrible à l'idée d'une Europe
politique, ce qui a contribué à donner au non au Traité
établissant une constitution européenne son caractère
majoritaire. Ce n'est donc pas principalement la politique
monétaire de Trichet qui doit nous poser problème (quoique, avec
un euro à 1,53 dollar, on peut se poser des questions…). C'est
que son importance soit faite de notre impotence. Et pour
longtemps encore.
Amicalement. Hervé
Vendredi 07 Mars 2008
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