18/06/03


Les syndicats sont-ils légitimes ?

 

  • Marc BLONDEL, Secrétaire Général de FO... irresponsabilité chronique!

 

 

  • François CHEREQUE, Secrétaire Général de la CFDT... courageux, mais isolé.

 

  • Bernard Thibault, Secrétaire Général de la CGT... s'accoquine avec le PS et appelle le privé au secours de la fonction publique.

 

Le monde syndical souffre. Les Français s’y reconnaissent si peu qu’il faut bien se poser le question essentielle : à quoi servent les syndicats ?

 

Le cadre législatif relatif aux élections professionnelles nous donne une première réponse :

 

  • Les délégués du personnel (DP).

Ils ont un rôle spécifique et sont élus sur une liste nominative. Leur impact personnel est plus important que l’étiquette syndicale qu’ils véhiculent, d’autant plus que, dans la majorité des cas, les candidats se présentent comme non-syndiqués.

En tout état de cause, cette élection ne leur donne aucun mandat de négociation.

 

  • Les comités d’entreprise (CE)

Comme les délégués du personnel, la mission des élus est déterminée par le code du travail. Pour les grandes entreprises, l’étiquette syndicale représente un argument électoral plus porteur que pour les délégués du personnel. Néanmoins il reste globalement faible dans la mesure où les élus non-syndiqués représentent une majorité d’entre eux.

En tout état de cause, cette élection ne leur donne aucun mandat de négociation.

 

  • Les CHSCT(s)

Les membres des CHSCT(s) sont élus au second degré par un collège électoral composé des élus DP et du CE. Ils sont, en définitif, cooptés et donc plus représentatifs de leur appartenance syndicale quand ils sont syndiqués.

Leurs prérogatives concernant, en application du code du travail, donc de la loi, les conditions d’hygiène, de sécurité et de travail des salariés, à l’image des DP et des membres du CE, cette élection ne leur donne aucun mandat de négociation.

 

  • L'élection prud'homale est particulièrement spécifique et l'abstention y est si importante qu'elle ne fait que confirmer, de plus en plus, l'ampleur du vide syndical.

 

Reste alors le plus important.

Qui peut octroyer aux syndicats la légitimité si nécessaire à une bonne négociation au nom des salariés ? Les salariés eux-mêmes doit-on s’exclamer naturellement ! C’est une logique incontournable. L’adhésion est l’acte fondamental du salarié qui confie, par cette démarche personnelle et réfléchie, à l’organisation syndicale le soin de défendre « ses intérêts matériels et moraux ». Les statuts syndicaux sont ainsi libellés.

Mais cette approche idéale se heurte, frontalement, à la réalité sociale de notre pays.

 

En définitif, 7 à 8% de syndiqués parlent, par l’intermédiaire de leurs syndicats, au nom des 93% de non-syndiqués. Il convient alors d’affirmer : les syndicats français sont illégitimes à représenter l’ensemble des salariés.

 

En l’absence d’organisations syndicales mandatées pour négocier au nom des salariés, c’est le pouvoir politique qui désigne ceux d’entre eux qui auront cette faveur : ces syndicats sont qualifiés représentatifs par le fait du prince. En d’autres mots, une partie s’arroge le droit de désigner ses interlocuteurs. Ceci est la deuxième réponse.

Depuis très longtemps, ce système « pourrit » les relations sociales et édulcore les responsabilités de nos leaders syndicaux. Ces derniers ne représentent qu’eux mêmes.

Il n’est donc pas étonnant, qu’à chaque occasion, ils soient débordés et contournés par les grévistes « d’en bas ».

 

Cette illégitimité est confortée, de plus, par les règles de la négociation « à la française » : accord valable avec la signature d’une seule organisation syndicale, fût-elle la plus insignifiante, aucune obligation ne liant les partis quant à la paix sociale qui devrait découler de tout compromis. C’est la troisième réponse.

Bien entendu, les clauses de l’accord sont appliquées, mais les organisations syndicales ne sont pas contraintes par la loi d’assurer la paix sociale sur les thèmes abordés dans la négociation et sur la durée dudit accord. Il n’est pas rare de signer aujourd’hui un compromis sur les salaires et de revendiquer, dès le lendemain, une nouvelle augmentation, de manifester pour appuyer cette nouvelle démarche, et souvent d’aboutir à un nouveau conflit avant que les clauses de l’accord en cours d’exécution ne soient mises en place. « Ce qui est pris n’est plus à prendre, continuons le combat » ! Telle est la règle syndicale française.

 

Qui aura le courage de dénoncer une telle imposture et insulte à la plus élémentaire démocratie ? Ne doit-on pas, avant de traiter du « service minimum » qui en est la conséquence inéluctable, rebâtir un système de relations sociales en donnant aux salariés le pouvoir de désigner ceux qui auront en charge la défense réelle de leurs intérêts ?

 

Alain KERHERVE