29  juin
  2009

 

Le discours de Sarkozy au congrès de Versailles

 

Le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan a jugé lundi que le discours du président Nicolas Sarkozy au Congrès de Versailles et l’organisation d’un "débat" parlementaire après son départ constituaient une "première ubuesque".

"Cette première institutionnelle depuis la IIe République est assez paradoxale et ubuesque. On nous demande de débattre en réponse du discours du président de la République alors que ce dernier est déjà parti et ne peut donc nous écouter", a lancé le président de Debout la République (DLR) à la tribune du Congrès.

Tout en jugeant "la dérobade du Parti socialiste pas glorieuse", il a estimé que M. Sarkozy avait, avec "de belles paroles", "reproduit un discours de campagne" au lieu de présenter "un remède de cheval" face à la crise.

Le premier des 15 parlementaires non inscrits à en faire la demande a le droit de s’exprimer pendant cinq minutes. François Bayrou (MoDem) avait dégainé le premier avant de décider de passer son tour. C’est donc M. Dupont-Aignan qui a eu le droit de s’exprimer.Voir vidéo a

Otan, Turquie : la tromperie

Nicolas Dupont-Aignan s'est par ailleurs interrogé sur la position de l'exécutif quant à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne après la nomination de Pierre Lellouche (NDLR : pro atlantiste), qui y est favorable, aux Affaires européennes.

"Le président de la République, Nicolas Sarkozy, et sa majorité UMP ont fait toute leur campagne européenne en promettant le refus de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne


Congrès : Discours de Nicolas Dupont-Aignan

 

 et ils choisissent comme ministre des Affaires européennes le parlementaire qui a toujours été le plus engagé en faveur de cette adhésion", a-t-il souligné dans un communiqué.

"Soit M. Lellouche revient rapidement et solennellement sur ses déclarations passées, soit les Français auront compris qu'ils ont été une fois de plus trahis", estime le leader gaulliste.


  • Nicolas Sarkozy, du discours à l'action ? par Laurent de Boissieu

Quelques éléments que j'ai retenus du discours de Nicolas Sarkozy :

- Il y a à peine quelques semaines, le promoteur de la "laïcité positive" soutenait les propos de son homologue américain, Barack Obama, critiquant toute législation sur le port du voile, simple ou intégral. Aujourd'hui, il affirme avec justesse que :

"Le problème de la burka n'est pas un problème religieux. C'est un problème de liberté et de dignité de la femme. Ce n'est pas un signe religieux, c'est un signe d'asservissement, c'est un signe d'abaissement.

Je veux le dire solennellement, la burka n'est pas la bienvenue en France. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons de la dignité de la femme."

- Nicolas Sarkozy voulait rompre avec le modèle républicain et social français. Aujourd'hui, il en vante les vertus (merci Henri Guaino !) :

"Le modèle républicain reste notre référence commune. Et nous rêvons tous de faire coïncider la logique économique avec cette exigence républicaine. Ce rêve nous vient, pourquoi ne pas le dire, du Conseil National de la Résistance qui, dans les heures les plus sombres de notre histoire, a su rassembler toutes les forces politiques pour forger le pacte social qui allait permettre la renaissance française. Cet héritage est notre héritage commun. (...)

... La crise mondiale crée de nouveau des circonstances favorables à cette aspiration française à mettre l'économie au service de l'Homme, et non l'inverse (...)

Au moment même où il redevient évident pour tout le monde que le développement économique ne peut être durable que s'il respecte l'Homme et s'il respecte la nature; au moment même où le monde redécouvre les limites d'une logique exclusivement marchande; au moment même où s'impose à tous la nécessité de réguler la mondialisation et les marchés; le modèle français a de nouveau sa chance. La crise a remis le modèle français à la mode. Hier décrié (par Nicolas Sarkozy !, ndlr), il se trouve aujourd'hui reconnu pour son rôle d'amortisseur social."

Question : Nicolas Sarkozy va-t-il, afin de mettre sa politique en cohérence avec son discours, exiger de l'Union européenne l'abrogation des directives de libéralisation, préalable à toute refondation des services publics (il a insisté deux fois dans son discours sur ces derniers) ?

- Nicolas Sarkozy a séparé le "mauvais déficit" (grosso modo les dépenses de fonctionnement) du "bon déficit" (les dépenses d'investissement, qu'"il n'est pas anormal de financer par l'emprunt"), auxquels il ajoute un déficit "imputable à la crise", annonçant - au-delà du Plan de relance en réponse à la crise - une politique keynésienne d'investissements publics (depuis longtemps réclamée par les tenants d'une "autre politique" : merci encore Henri Guaino !) :

"Cette crise doit être pour nous l'opportunité de rattraper nos retards d'investissements et de prendre de l'avance. Il est beaucoup de domaines très importants pour notre avenir comme l'aménagement du territoire, l'éducation, la formation professionnelle, la recherche, l'innovation... qui demanderont des moyens considérables. Nous ne pourrons pas les satisfaire dans le strict cadre budgétaire annuel. Si nous ne changeons pas nos pratiques, nous continuerons à scander des priorités sans pouvoir les réaliser. Mercredi, avec le Premier ministre nous procéderons à un remaniement du gouvernement. Son premier travail sera de réfléchir à nos priorités nationales et à la mise en place d'un emprunt pour les financer.

Ces priorités nationales je ne les fixerai pas seul. Elles doivent nous permettre de préparer au mieux l'avenir de la France. Elles concernent le pays tout entier. Le Parlement sera associé à leur définition. Les partenaires sociaux y seront associés. J'en parlerai avec eux dès le premier juillet. Les responsables économiques, les acteurs du monde de la culture, de la recherche, de l'éducation seront consultés. Pendant trois mois nous en discuterons tous ensemble. Les décisions ne seront prises qu'au terme de ce débat."

Question : Nicolas Sarkozy va-t-il, afin de mettre sa politique en cohérence avec son discours, dénoncer le traité de Maastricht[1] et le Pacte européen de stabilité et de croissance ?

Bref, si Nicolas Sarkozy a séparé l'Union européenne de la politique intérieure française ("J'ai déjà eu l'occasion de parler de la politique européenne de la France et de ce qu'elle souhaitait pour réguler la mondialisation. Aujourd'hui c'est de notre pays, de l'avenir qu'il peut se construire dont je suis venu vous parler"), le seul moyen de passer du discours à l'action, c'est de lier les deux. Faute de quoi, il continuera à scander des priorités sans pouvoir les réaliser. Sans préjuger de la pertinence de ces choix, au moins que Nicolas Sarkozy soit cohérent !

[1] Tout au moins en partie, le problème étant que l'Allemagne n'a accepté l'euro qu'en échange d'une gestion monétariste de le monnaie unique et néolibérale des finances publiques nationales