Communiqué du 03 janvier 2008

 

Les vœux de Nicolas Sarkozy

 
  • allocution télévisée du 31 décembre 2007

"Mes chers compatriotes,
"En ce 31 décembre, au terme d'une année si pleine pour notre pays, c'est avec reconnaissance pour la confiance que vous m'avez témoignée et conscient des devoirs qu'elle m'impose que je m'adresse à vous.

"Ce soir, j'ai une pensée pour chacun d'entre vous.

"Je pense à vous qui vous préparez à fêter la nouvelle année avec votre famille, avec vos amis, en oubliant les soucis de la vie quotidienne.

"Je pense à vous qui êtes obligés de travailler cette nuit au service des autres et à vous, soldats français en opérations loin de vos foyers et qui risquez votre vie pour défendre nos valeurs.

"Je pense aussi à vous qui êtes seuls et pour qui cette soirée sans personne à qui parler sera une soirée de solitude semblable à toutes les autres.

"Je pense à vous, que la vie a éprouvés, et que la tristesse ou la douleur tiennent à l'écart de la fête.

"A chacun de vous je veux adresser un message d'espérance, un message de foi dans la vie et dans l'avenir. Je voudrais convaincre même celui qui en doute qu'il n'y a pas de fatalité du malheur.

"Au milieu des joies et des peines que l'existence réserve à chacun d'entre nous, nous pouvons, par l'effort de tous, bâtir une société où la vie sera plus facile, où l'avenir pourra être regardé avec davantage de confiance.

"C'est la tâche que vous m'avez confiée en m'élisant Président de la République au mois de mai dernier. Tâche immense tant la France a pris de retard sur la marche du monde.

"Je sais combien est grande votre attente d'un changement profond après des années d'efforts et de sacrifices que la plupart d'entre vous a le sentiment d'avoir consentis en vain.

"Je sais les craintes que beaucoup d'entre vous éprouvent pour l'avenir de leurs enfants. Je sais l'angoisse qui vous étreint quand vous avez peur de perdre votre emploi ou quand vous craignez que l'augmentation du coût de la vie ne vous permette plus, même en travaillant dur, de faire vivre décemment votre famille.

"Je sais votre exaspération quand vous voulez entreprendre ou quand vous voulez travailler davantage et que vous avez le sentiment que tout est fait pour vous en empêcher.

"Alors, tout ne peut être résolu en un jour ! Mais, croyez-le bien, ma détermination est sans faille. Malgré les obstacles, malgré les difficultés, ce que j'ai dit, je le ferai. Je le ferai tout simplement parce que c'est l'intérêt de la France.

"Depuis que vous m'avez choisi pour présider aux destinées de notre pays, j'ai voulu tout mettre en œuvre pour tenir la promesse que je vous avais faite de vous rendre la fierté d'être Français, de vous donner le sentiment que dans notre vieux pays tout pourrait devenir possible.

"J'ai, avec François Fillon et tout le gouvernement, engagé depuis 8 mois beaucoup de changements profonds.

"A ceux qui trouvent que cela n'est pas allé assez vite, je veux dire que j'ai fait tout ce que je pensais possible de faire en tenant compte de l'exigence du dialogue social et de la négociation. Je ne crois pas à la brutalité comme méthode de gouvernement. Je crois que mon rôle est de convaincre et de rassembler non de heurter et de diviser. C'est ce à quoi je me suis efforcé dans le respect de tous.

"A ceux qui pensent que le changement a été trop rapide, je veux dire qu'il ne faut pas perdre de vue que notre pays a trop attendu et que le temps presse si nous voulons rester maîtres de notre destin.

"J'ai voulu mettre chacun face à ses responsabilités. J'ai pris les miennes. J'ai pu commettre des erreurs. Mais depuis 8 mois, je n'ai agi qu'avec le souci de défendre les intérêts de la France et pas un jour ne s'est passé où je ne me sois répété l'engagement que j'ai pris envers chacun de vous : " Je ne vous tromperai pas, je ne vous trahirai pas ". Je vous dois la vérité. Je vous la dirai toujours. Je ne m'autoriserai aucune hypocrisie.

J'ai mis tout mon cœur, et toute mon énergie à être le Président de tous les français et pas seulement de ceux qui ont toujours partagé mes convictions. C'est pourquoi j'ai voulu l'ouverture, c'est pourquoi je l'ai faite avec des hommes et des femmes de valeur. Je ne leur ai pas demandé de se renier. Je leur ai simplement proposé de servir leur pays. Ils l'ont accepté. Je leur en suis reconnaissant.

"C'est avec le même esprit d'ouverture, avec la même volonté de tenir mes engagements que j'aborde cette nouvelle année où, malgré une conjoncture internationale freinée par la crise financière, les premiers résultats de l'action entreprise devraient se faire sentir.

"Beaucoup reste à faire, j'en suis bien conscient, pour que les mesures mises en œuvre se traduisent par des améliorations visibles dans votre vie quotidienne, pour répondre à toutes les attentes que vous avez exprimées ou pour que la France retrouve son rang et son rôle dans le monde.

"En cette fin d'année 2007 une première étape s'achève sur la voie du changement. Ce fut celle de l'urgence : urgence à dépasser les vieux clivages partisans. Urgence du choc fiscal et social pour rétablir la confiance et soutenir l'activité et qui a permis à notre économie de mieux résister que d'autres au ralentissement de la conjoncture. Urgence du pouvoir d'achat. Urgence de l'autonomie des universités. Urgence de réformer les régimes spéciaux, de libérer et de réhabiliter le travail. Urgence du service minimum. Urgence de la modernisation de l'Etat qui commence enfin, urgence des réformes qui attendent depuis 20 ans ou 30 ans. Urgence que la France devienne exemplaire en matière d'environnement, de qualité de la vie, de développement durable. Urgence du traité simplifié pour débloquer l'Europe, l'Europe dont je n'ai jamais cessé de penser qu'elle était indispensable. Urgence que la France se remette à parler avec tout le monde pour qu'elle puisse jouer le rôle qui doit être le sien au service de la paix et de l'équilibre du monde, au service de ceux qui souffrent, des enfants et des femmes martyrisés, des persécutés, de ceux qui attendent au fond de leurs prisons que la France parle et agisse pour eux.

"Avec 2008, une deuxième étape s'ouvre : celle d'une politique qui touche davantage encore à l'essentiel, à notre façon d'être dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres, c'est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation.

"Depuis trop longtemps la politique se réduit à la gestion restant à l'écart des causes réelles de nos maux qui sont souvent plus profondes. J'ai la conviction que dans l'époque où nous sommes, nous avons besoin de ce que j'appelle une politique de civilisation.
"Nous ne résoudrons rien si nous ne bâtissons pas l'école et la ville du XXIème siècle, si nous ne mettons pas au coeur de la politique le souci de l'intégration, de la diversité, de la justice, des droits de l'Homme, de l'environnement, si nous ne retrouvons pas le goût de l'aventure et du risque, le sens de la responsabilité en même temps que celui du respect et de la solidarité, ou si nous n'entreprenons pas de moraliser le capitalisme financier. Il ne s'agit pas de faire des discours - on en a tant fait - il s'agit d'agir pour obtenir des résultats.

"Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle.

"C'est ce que nous ferons quand la France présidera, à partir du 1er juillet, l'Union Européenne. C'est ce que nous voulons faire avec l'Union pour la Méditerranée qui est un grand rêve de civilisation. C'est ce que nous voulons faire partout dans le monde pour redonner de l'espoir à ceux qui n'en n'ont plus. C'est ce que, bien sûr, surmontant nos doutes et nos angoisses, nous devons faire d'abord pour la France elle-même.

"Notre vieux monde a besoin d'une nouvelle Renaissance. Eh bien, que la France soit l'âme de cette Renaissance ! Voici mon vœu le plus cher pour cette année qui vient.

"Je souhaite du fond du cœur qu'elle soit pour la France, pour chacun d'entre vous, pour tous ceux qui vous sont chers une année de bonheur et de réussite.

Mes chers compatriotes, Vive la République, Vive la France !"

  • La "politique de civilisation", un concept emprunté à un essai du sociologue Edgar Morin

Raillée par la gauche, la « politique de civilisation » de Nicolas Sarkozy est le titre d'un ouvrage publié en 1997 par le sociologue Edgar Morin et le politologue Sami Naïr

La gauche n’a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n’a pourtant pas inventé l’expression "politique de civilisation". Il n’a fait que l’emprunter à Edgar Morin. "Il faut restaurer maintenant une politique de portée historique, un grand New Deal, que j’appelle, moi, une politique de civilisation", écrivait Edgar Morin dès décembre 1995, dans le contexte du mouvement social contre la réforme Juppé.

Pour le sociologue, tout l’enjeu consistait alors à concilier le "double impératif d’intégration européenne et de maintien de la spécificité française", à réformer le "service public à la française" sans qu’il soit « dilué dans un libéralisme économique européen généralisé ».

Ce n’est pas un hasard si ce thème trouvait alors écho chez les promoteurs d’une "autre politique" contre la "pensée unique" sous entendu "néolibérale et monétariste" (politique du franc fort). En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré Une politique de civilisation (Éditions Arléa).

"Ce qu’il nous faut, c’est une politique de civilisation et pas seulement une politique économique ou sociale", reprenait en écho en 2002 l’économiste Henri Guaino, interrogé par le club séguiniste Appel d’R, rallié à la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin...

Durant ces années, Nicolas Sarkozy appartenait, lui, plutôt au "cercle de la raison" qu’Alain Minc opposait aux tenants de l’"autre politique ". Durant la précampagne électorale de 2007, il n’était ainsi pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la "spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un modèle social français dépassé". Mais c’était avant qu’Henri Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du nouveau président de la République…

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de "politique de civilisation". En mai-juin 2007, le réseau "Intelligence de la complexité" a publié, sous le titre Pour une politique de la civilisation, les choix d’Edgar Morin s’il était à l’Élysée. Pas sûr, pour le moins, que le président de la République soit prêt à reprendre toutes les idées développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales.
"Je constituerai deux comités permanents visant à réduire les ruptures sociales", écrivait notamment Edgar Morin avant de proposer une "politique des grands travaux" en France et une ambition écologique planétaire. Concluant : "Cette voie nous pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un exemple, elle nous permettra d’indiquer la voie du salut planétaire." Une conclusion reprise en substance et sans complexe, lundi soir, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la France montre la voie ! C’est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d’elle."


Laurent DE BOISSIEU - La croix

 


  • Lors de ses vœux télévisés, lundi soir, le chef de l'Etat avait repris l'expression du sociologue. "Je ne peux exclure que Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe", lui répond ce dernier.

Que connaissent-ils de mes thèses ?", s'interroge le sociologue et philosophe Edgar Morin, mercredi 2 janvier, au sujet de la "politique de civilisation" prônée par Nicolas Sarkozy dans ses vœux télévisés, lundi soir.

Avec cette expression, le président de la République s'est approprié un concept développé dans un livre d'Edgar Morin, "Pour une politique de civilisation" (éd. Arléa, 2002). "M. Sarkozy a repris le mot, mais que connaissent-ils de mes thèses, lui ou Henri Guaino ? Est-ce une expression reprise au vol ou une référence à mes idées ? Rien dans le contexte dans lequel il l'emploie ne l'indique", commente d'Edgar Morin dans Le Monde.

"Aucun signe"

"Lorsque j'ai parlé de 'politique de civilisation', je partais du constat que si notre civilisation occidentale avait produit des bienfaits, elle avait aussi généré des maux qui sont de plus en plus importants", poursuit le sociologue. "Je m'attachais à voir dans quelle mesure on peut remédier à ces maux sans perdre les bienfaits de notre civilisation."

Edgar Morin explique encore qu'il avait fait des propositions concrètes aux candidats à la présidentielle en fonction de ce diagnostic, et "notamment sur le terrain du rétablissement des solidarités, de la création de maisons de solidarité ou d'un service civil ad hoc".

"Je ne peux exclure que M. Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe", poursuit Edgar Morin. "Si sa reprise du thème de la 'politique de civilisation' pouvait éveiller l'intérêt, notamment de la gauche, non pour l'expression mais pour le fond, ce ne serait que souhaitable."
Nouvel'Obs.com