"Mes
chers compatriotes,
"En ce 31 décembre, au terme d'une année si pleine pour notre
pays, c'est avec reconnaissance pour la confiance que vous
m'avez témoignée et conscient des devoirs qu'elle m'impose que
je m'adresse à vous.
"Ce soir, j'ai une pensée pour chacun d'entre vous.
"Je pense à vous qui vous préparez à fêter la nouvelle année
avec votre famille, avec vos amis, en oubliant les soucis de la
vie quotidienne.
"Je pense à vous qui êtes obligés de travailler cette nuit au
service des autres et à vous, soldats français en opérations
loin de vos foyers et qui risquez votre vie pour défendre nos
valeurs.
"Je pense aussi à vous qui êtes seuls et pour qui cette soirée
sans personne à qui parler sera une soirée de solitude semblable
à toutes les autres.
"Je pense à vous, que la vie a éprouvés, et que la tristesse ou
la douleur tiennent à l'écart de la fête.
"A chacun de vous je veux adresser un message d'espérance, un
message de foi dans la vie et dans l'avenir. Je voudrais
convaincre même celui qui en doute qu'il n'y a pas de fatalité
du malheur.
"Au milieu des joies et des peines que l'existence réserve à
chacun d'entre nous, nous pouvons, par l'effort de tous, bâtir
une société où la vie sera plus facile, où l'avenir pourra être
regardé avec davantage de confiance.
"C'est la tâche que vous m'avez confiée en m'élisant Président
de la République au mois de mai dernier. Tâche immense tant la
France a pris de retard sur la marche du monde.
"Je sais combien est grande votre attente d'un changement
profond après des années d'efforts et de sacrifices que la
plupart d'entre vous a le sentiment d'avoir consentis en vain.
"Je sais les craintes que beaucoup d'entre vous éprouvent pour
l'avenir de leurs enfants. Je sais l'angoisse qui vous étreint
quand vous avez peur de perdre votre emploi ou quand vous
craignez que l'augmentation du coût de la vie ne vous permette
plus, même en travaillant dur, de faire vivre décemment votre
famille.
"Je sais votre exaspération quand vous voulez entreprendre ou
quand vous voulez travailler davantage et que vous avez le
sentiment que tout est fait pour vous en empêcher.
"Alors, tout ne peut être résolu en un jour ! Mais, croyez-le
bien, ma détermination est sans faille. Malgré les obstacles,
malgré les difficultés, ce que j'ai dit, je le ferai. Je le
ferai tout simplement parce que c'est l'intérêt de la France.
"Depuis que vous m'avez choisi pour présider aux destinées de
notre pays, j'ai voulu tout mettre en œuvre pour tenir la
promesse que je vous avais faite de vous rendre la fierté d'être
Français, de vous donner le sentiment que dans notre vieux pays
tout pourrait devenir possible.
"J'ai, avec François Fillon et tout le gouvernement, engagé
depuis 8 mois beaucoup de changements profonds.
"A ceux qui trouvent que cela n'est pas allé assez vite, je veux
dire que j'ai fait tout ce que je pensais possible de faire en
tenant compte de l'exigence du dialogue social et de la
négociation. Je ne crois pas à la brutalité comme méthode de
gouvernement. Je crois que mon rôle est de convaincre et de
rassembler non de heurter et de diviser. C'est ce à quoi je me
suis efforcé dans le respect de tous.
"A ceux qui pensent que le changement a été trop rapide, je veux
dire qu'il ne faut pas perdre de vue que notre pays a trop
attendu et que le temps presse si nous voulons rester maîtres de
notre destin.
"J'ai voulu mettre chacun face à ses responsabilités. J'ai pris
les miennes. J'ai pu commettre des erreurs. Mais depuis 8 mois,
je n'ai agi qu'avec le souci de défendre les intérêts de la
France et pas un jour ne s'est passé où je ne me sois répété
l'engagement que j'ai pris envers chacun de vous : " Je ne vous
tromperai pas, je ne vous trahirai pas ". Je vous dois la
vérité. Je vous la dirai toujours. Je ne m'autoriserai aucune
hypocrisie.
J'ai mis tout mon cœur, et toute mon énergie à être le Président
de tous les français et pas seulement de ceux qui ont toujours
partagé mes convictions. C'est pourquoi j'ai voulu l'ouverture,
c'est pourquoi je l'ai faite avec des hommes et des femmes de
valeur. Je ne leur ai pas demandé de se renier. Je leur ai
simplement proposé de servir leur pays. Ils l'ont accepté. Je
leur en suis reconnaissant.
"C'est avec le même esprit d'ouverture, avec la même volonté de
tenir mes engagements que j'aborde cette nouvelle année où,
malgré une conjoncture internationale freinée par la crise
financière, les premiers résultats de l'action entreprise
devraient se faire sentir.
"Beaucoup reste à faire, j'en suis bien conscient, pour que les
mesures mises en œuvre se traduisent par des améliorations
visibles dans votre vie quotidienne, pour répondre à toutes les
attentes que vous avez exprimées ou pour que la France retrouve
son rang et son rôle dans le monde.
"En cette fin d'année 2007 une première étape s'achève sur la
voie du changement. Ce fut celle de l'urgence : urgence à
dépasser les vieux clivages partisans. Urgence du choc fiscal et
social pour rétablir la confiance et soutenir l'activité et qui
a permis à notre économie de mieux résister que d'autres au
ralentissement de la conjoncture. Urgence du pouvoir d'achat.
Urgence de l'autonomie des universités. Urgence de réformer les
régimes spéciaux, de libérer et de réhabiliter le travail.
Urgence du service minimum. Urgence de la modernisation de
l'Etat qui commence enfin, urgence des réformes qui attendent
depuis 20 ans ou 30 ans. Urgence que la France devienne
exemplaire en matière d'environnement, de qualité de la vie, de
développement durable. Urgence du traité simplifié pour
débloquer l'Europe, l'Europe dont je n'ai jamais cessé de penser
qu'elle était indispensable. Urgence que la France se remette à
parler avec tout le monde pour qu'elle puisse jouer le rôle qui
doit être le sien au service de la paix et de l'équilibre du
monde, au service de ceux qui souffrent, des enfants et des
femmes martyrisés, des persécutés, de ceux qui attendent au fond
de leurs prisons que la France parle et agisse pour eux.
"Avec 2008, une deuxième étape s'ouvre : celle d'une politique
qui touche davantage encore à l'essentiel, à notre façon d'être
dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre
identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres,
c'est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation.
"Depuis trop longtemps la politique se réduit à la gestion
restant à l'écart des causes réelles de nos maux qui sont
souvent plus profondes. J'ai la conviction que dans l'époque où
nous sommes, nous avons besoin de ce que j'appelle une politique
de civilisation.
"Nous ne résoudrons rien si nous ne bâtissons pas l'école et la
ville du XXIème siècle, si nous ne mettons pas au coeur de la
politique le souci de l'intégration, de la diversité, de la
justice, des droits de l'Homme, de l'environnement, si nous ne
retrouvons pas le goût de l'aventure et du risque, le sens de la
responsabilité en même temps que celui du respect et de la
solidarité, ou si nous n'entreprenons pas de moraliser le
capitalisme financier. Il ne s'agit pas de faire des discours -
on en a tant fait - il s'agit d'agir pour obtenir des résultats.
"Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis
toujours tous les peuples du monde attendent d'elle.
"C'est ce que nous ferons quand la France présidera, à partir du
1er juillet, l'Union Européenne. C'est ce que nous voulons faire
avec l'Union pour la Méditerranée qui est un grand rêve de
civilisation. C'est ce que nous voulons faire partout dans le
monde pour redonner de l'espoir à ceux qui n'en n'ont plus.
C'est ce que, bien sûr, surmontant nos doutes et nos angoisses,
nous devons faire d'abord pour la France elle-même.
"Notre vieux monde a besoin d'une nouvelle Renaissance. Eh bien,
que la France soit l'âme de cette Renaissance ! Voici mon vœu le
plus cher pour cette année qui vient.
"Je souhaite du fond du cœur qu'elle soit pour la France, pour
chacun d'entre vous, pour tous ceux qui vous sont chers une
année de bonheur et de réussite.
Mes chers compatriotes, Vive la République, Vive la France !"
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Raillée par la gauche, la « politique de civilisation » de
Nicolas Sarkozy est le titre d'un ouvrage publié en 1997 par le
sociologue Edgar Morin et le politologue Sami Naïr
La gauche n’a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne
veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n’a pourtant pas
inventé l’expression "politique de civilisation". Il n’a fait
que l’emprunter à Edgar Morin. "Il faut restaurer maintenant une
politique de portée historique, un grand New Deal, que
j’appelle, moi, une politique de civilisation", écrivait Edgar
Morin dès décembre 1995, dans le contexte du mouvement social
contre la réforme Juppé.
Pour le sociologue, tout l’enjeu consistait alors à concilier le
"double impératif d’intégration européenne et de maintien de la
spécificité française", à réformer le "service public à la
française" sans qu’il soit « dilué dans un libéralisme
économique européen généralisé ».
Ce n’est pas un hasard si ce thème trouvait alors écho chez les
promoteurs d’une "autre politique" contre la "pensée unique"
sous entendu "néolibérale et monétariste" (politique du franc
fort). En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le
politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré Une
politique de civilisation (Éditions Arléa).
"Ce qu’il nous faut, c’est une politique de civilisation et pas
seulement une politique économique ou sociale", reprenait en
écho en 2002 l’économiste Henri Guaino, interrogé par le club
séguiniste Appel d’R, rallié à la candidature de Jean-Pierre
Chevènement.
Reste à savoir ce que pense Edgar Morin...
Durant
ces années, Nicolas Sarkozy appartenait, lui, plutôt au "cercle
de la raison" qu’Alain Minc opposait aux tenants de l’"autre
politique ". Durant la précampagne électorale de 2007, il
n’était ainsi pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la
"spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un
modèle social français dépassé". Mais c’était avant qu’Henri
Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du
nouveau président de la République…
Reste à savoir ce que pense Edgar Morin
de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de
"politique de civilisation". En mai-juin 2007, le réseau
"Intelligence de la complexité" a publié, sous le titre Pour
une politique de la civilisation, les choix d’Edgar Morin
s’il était à l’Élysée. Pas sûr, pour le moins, que le président
de la République soit prêt à reprendre toutes les idées
développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales.
"Je constituerai deux comités permanents visant à réduire les
ruptures sociales", écrivait notamment Edgar Morin avant de
proposer une "politique des grands travaux" en France et une
ambition écologique planétaire. Concluant : "Cette voie nous
pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire
adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un
exemple, elle nous permettra d’indiquer la voie du salut
planétaire." Une conclusion reprise en substance et sans
complexe, lundi soir, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la
France montre la voie ! C’est ce que depuis toujours tous les
peuples du monde attendent d’elle."
Laurent DE BOISSIEU - La croix
-
Lors de ses vœux
télévisés, lundi soir, le chef de l'Etat avait repris
l'expression du sociologue. "Je ne peux exclure que
Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a
pas montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe",
lui répond ce dernier.
Que connaissent-ils de mes
thèses ?", s'interroge le sociologue et philosophe Edgar Morin,
mercredi 2 janvier, au sujet de la "politique de civilisation"
prônée par Nicolas Sarkozy dans ses vœux télévisés, lundi soir.
Avec cette expression, le
président de la République s'est approprié un concept développé
dans un livre d'Edgar Morin, "Pour une politique de
civilisation" (éd. Arléa, 2002). "M. Sarkozy a repris le mot,
mais que connaissent-ils de mes thèses, lui ou Henri Guaino ?
Est-ce une expression reprise au vol ou une référence à mes
idées ? Rien dans le contexte dans lequel il l'emploie ne
l'indique", commente d'Edgar Morin dans Le Monde.
"Aucun signe"
"Lorsque j'ai parlé de
'politique de civilisation', je partais du constat que si notre
civilisation occidentale avait produit des bienfaits, elle avait
aussi généré des maux qui sont de plus en plus importants",
poursuit le sociologue. "Je m'attachais à voir dans quelle
mesure on peut remédier à ces maux sans perdre les bienfaits de
notre civilisation."
Edgar Morin explique encore
qu'il avait fait des propositions concrètes aux candidats à la
présidentielle en fonction de ce diagnostic, et "notamment sur
le terrain du rétablissement des solidarités, de la création de
maisons de solidarité ou d'un service civil ad hoc".
"Je ne peux exclure que M.
Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l'a pas
montré jusqu'à présent et n'en donne aucun signe", poursuit
Edgar Morin. "Si sa reprise du thème de la 'politique de
civilisation' pouvait éveiller l'intérêt, notamment de la
gauche, non pour l'expression mais pour le fond, ce ne serait
que souhaitable."
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