29  juin
  2009

 

Quand The Economist parle de l’euro…

 
  • Par Laurent Pinsolle

La lecture de l’hebdomadaire anglais ultra-libéral est toujours un exercice intéressant. Les dossiers y sont généralement très fouillés même s’ils sont souvent marqués par un dogmatisme assez incroyable. Et surtout, ils révèlent parfaitement le fond de la pensée néolibérale.

 

Un jugement contrasté sur l’euro

The Economist revient sur la genèse de l’euro et le rapport Delors de 1991 qui annonçait que la mise en place de l’euro nécessiterait des « réformes pour rendre les prix et les salaires plus flexibles (à la baisse ?) ainsi que les travailleurs et le capital plus mobiles ». L’hebdomadaire rappelle également un des arguments des fédéralistes, à savoir que l’euro serait un moyen de forcer les peuples européens à adopter un modèle fédéral, le seul qui permet véritablement de gérer une même monnaie.

En parlant de « one size fits none », l’hebdomadaire anglais résume parfaitement le problème de la zone euro, qui n’est absolument pas une Zone Monétaire Optimale . Il montre bien que la politique de la BCE était trop laxiste pour les pays qu’il regroupe sous le nom PIIGS (Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne en anglais), provoquant une hausse des salaires qui menacent leur compétitivité durablement. Et pourtant, cette même politique était trop restrictive pour des pays comme l’Allemagne ou la France.

Il est bien expliqué que la monnaie unique détraque les mécanismes économiques habituels. Les taux trop bas pour l’Espagne ont provoqué un afflux de financement à bon marché, accélérant l’investissement, la croissance, puis l’inflation et les déficits commerciaux. Mais l’Espagne ne pouvait ni augmenter ses taux d’intérêts ni dévaluer sa monnaie pour en tenir compte. Mais même si le gouvernement a eu la sagesse de conserver un budget en excédant, l’euro a provoqué la bulle immobilière espagnole.

 

L’homme au service de l’économie

Et c’est là que la solution proposée par The Economist fait froid dans le dos : « Aujourd’hui, l’Espagne a besoin d’autres mécanismes d’ajustement : des salaires plus bas pour restaurer la compétitivité prix de ses entreprises et un marché du travail flexible pour accélérer le flot (les licenciements, en langage politiquement correct) des travailleurs des industries du bâtiment, qui avaient généré un boom soutenu par la demande intérieur, aux entreprises qui exportent, pour payer la dette extérieure espagnole. »

En clair, à cause de l’euro, l’Espagne devrait accepter une baisse importante de ses salaires, comme cela se pratique déjà en Irlande ou dans les pays Baltes : la fonction publique irlandaise s’est vue imposée une baisse de son traitement de 7.5%. Un avenir riant… Naturellement, seules les classes populaires, les ouvriers et les employés seraient véritablement concernés…

The Economist regrette alors que « les salaires se soient montrés résistants à la baisse : les travailleurs se montrant réticents à baisser leur salaire, au moins d’un point de vue nominal, ce qui rend les ajustements lents ». Il déplore également que l’abolition des protections de l’emploi rencontre des résistances démocratiques. Le plus navrant est la conclusion du dossier : « la ruée pour rejoindre la zone euro est sûrement un vote de confiance. Elle doit faire quelque chose de bien ».

Voici un portrait intéressant de ce que pourrait être la zone euro : une zone qui pousse ses membres à baisser leurs salaires et favoriser les licenciements. Et attention, ce que The Economist admet sans broncher est bien ce que pensent les technocrates de Bruxelles, voir beaucoup d’hommes politiques.

Source : The Economist 13 juin