22 mars
2009

 

Paul-Marie Coûteaux :  pourquoi je récuse Libertas                                                                                                                                                                      Texte au format PDF

 
  •  Communiqué de Paul-Marie Coûteaux, député français au parlement européen, Président du Rassemblement pour l'Indépendance et la Souveraineté de la France

 

Mémorandum à l'attention de mes amis, cadres
et militants du Mouvement Pour la France.

 

Ma décision de refuser de courir, lors des prochaines européennes, sous les couleurs de l'organisation paneuropéenne Libertas suscite des interprétations si diverses que je me sens tenu de développer les faits et les raisons qui l'ont motivée. L’essentiel de «  l’affaire libertas* » s’étant déroulé à Bruxelles, et peu d’informations vous en ayant été données, je le ferai de façon détaillée, récapitulant notamment plusieurs lettres envoyées à Philippe de Villiers sur ce sujet, et vous donnant toutes les explications que j’estime vous devoir.

 

1. La réunion du groupe « Indépendance et Démocratie » du 18 février.

Comme vous tous, j’ai d'abord trouvé intéressante l'idée d’assortir le nom de nos listes d'une estampille dénommée Libertas, signalant aux électeurs qu’un lien existait à travers l’Europe entre les opposants à la supranationalité. L'engagement de Declan Ganley dans la campagne du Non en Irlande constituait à cet égard une indication favorable. En octobre dernier, j’ai signé, à la demande de Patrick Louis, un engagement dans Libertas, qui se présentait alors comme un simple label.

Dans le courant de l’automne, des rencontres régulières eurent lieu à Bruxelles entre Philippe de Villiers, Declan Ganley, Patrick Louis et Christophe Beaudouin, rencontres auxquelles je ne fus pas associé. Je m’ouvris de temps en temps auprès de Philippe de Villiers des réticences que M. Ganley suscitait parmi les membres de notre groupe Indépendance et démocratie (dont je suis vice-président). En janvier, le président de notre groupe, Nigel Farage, chef de file des députés britanniques UKIP - United Kingdom Independance Party (18,5 % en 2004) - me dit que, n’ayant pu s’entendre avec M. Ganley qu’il jugeait être un «fédéralist», il était scandalisé que Libertas eu. présente partout des candidats contre les siens, au risque de les faire battre. Un point irritait spécialement mes collègues britanniques, le vœu réitéré de M. Ganley de faire élire au suffrage universel un Président de l'Union européenne, le même jour dans tous les pays. Je ne pouvais que partager ces craintes, d'autant que, sur ces entrefaites, j'avais entendu M. Ganley tenir le même propos lors d'une conférence de presse à Bruxelles, propos assorti d'autres sur la Turquie à l'adhésion de laquelle il se montrait favorable, sur le thème « plus nous serons nombreux, plus nous serons forts ». Je rapportais ces propos à Philippe de Villiers, qui m’assura que, Libertas ne se substituant pas à nous, nous tiendrions en France le langage que nous entendions - d’ailleurs celui qu'entendent et qu'attendent nos électeurs.

De nouveaux épisodes augmentèrent mes préventions : des députés italiens ou polonais se plaignaient notamment de dissensions que Libertas eu. alimentait dans leur pays en mettant en quelque sorte aux enchères le fameux label entre plusieurs partis. Nos collègues hollandais refusèrent tout net tout contact avec M.Ganley, n’imaginant pas courir lors des élections européennes sous une bannière étrangère, et voulant protéger de toute accusation le Non de leur peuple à la Constitution Giscard, Non dont ils s’estiment dépositaires. Mais l’événement essentiel eut lieu le 18 février dernier, lorsque M. Ganley, après plusieurs reports, vint présenter le projet Libertas eu. en réunion plénière de notre groupe. Il commença par laisser pantois beaucoup de nos collègues en répétant : « notre but est que l’UE réussisse, et pour cela, il faut la rendre démocratique », discours fédéraliste typique - un « européisme à visage humain » dit un député polonais, qui s’y connait en communisme du même nom. Quand M. Ganley eut fini de parler, notre président répondit sèchement que « telles n’étaient pas nos positions ». La plus hostile fut la députée danoise Hanne Dahl, qui récusa tout de go, elle aussi, le parrainage de M. Ganley, estimant que le soupçon de financement étranger pourrait détourner les électeurs. Elle fit d’ailleurs un lien entre les sources très américaines, et militaires, du sémillant « milliardaire » et le fait qu’il se soit engagé au cours de la campagne irlandaise pour l’entrée de l’Irlande dans l’OTAN, jetant ainsi le trouble parmi les partisans du Non, en majorité favorables au maintien de la neutralité irlandaise - trouble dont notre collègue irlandaise Cathy Sinnot, qui elle aussi s’entend fort mal avec son compatriote Ganley, se fit aussi l’écho auprès de moi. Un député polonais s’emporta ensuite contre la position plusieurs fois exprimée par l’homme d’affaires en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’UE (il n’était pas encore revenu sur cette position comme il le fait en France, pour la galerie), et déclara refuser tout net le moindre compromis sur ce sujet. Une Polonaise s’étonna ensuite de certaines alliances nouées par Libertas dans différents Etats de l’Est avec des groupes plus ou moins contrôlables, s’inquiétant que cette enseigne commune puisse nous entraîner fort loin : qu’un candidat Libertas fasse ici ou là une bourde sur un sujet tant soit peu sensible, et la presse nous l’opposerait aussitôt. Notre députée suédoise lui reprocha d’introduire partout des divisions en présentant des listes dans des pays où il en existe déjà - Libertas tente en effet de présenter des listes dans les 27 pays, c'est-à-dire souvent contre les partis eurosceptiques existants. Au mot « eurosceptique », M. Ganley déclara que l’on ne pouvait être eurosceptique sur l’Europe ». A ma question : « Comment devons-nous nous nommer ? », il me répondit : « nous sommes pan-européens, nous devons être les vrai Européens », ce qui acheva de me plonger dans le désarroi.

Hanne Dahl me dit en a parte après la réunion que, si l'on voulait jeter la confusion et désorganiser les eurosceptiques à travers toute l'Europe, on ne s'y prendrait pas autrement. Elle me montra un exemplaire du magazine allemand Focus du 15 février, qui publiait un entretien avec D. Ganley (ils sont rares et parcimonieux), où celui ci disait textuellement qu’il était « favorable à l’entrée de tous les pays Européens dans l’OTAN ». Le Rassemblement pour l’Indépendance et la Souveraineté de la France (RIF) que je préside, et qui mène campagne contre le retour de la France dans le commandement intégré se déclara à son tour hostile à toute alliance avec Libertas. J’écrivis alors à Philippe de Villiers pour lui dire que je ne souhaitais pas endosser pareille étiquette, lui déclarant vouloir rester indépendant, (lettre du 20 février : « je tiens à dire solennellement que je n’en poursuivrai pas moins mon combat selon les voies qui me sont propres et dont je me sens entièrement libre »), et décidai d’enquêter plus avant sur M. Ganley et Libertas.

 

2. Qui est Declan Ganley ?

 Né à Londres il y a 40 ans, il vint en Irlande lorsque ses parents s’y installèrent douze ans plus tard - mais garda la nationalité britannique. Plus tard, il épousera une citoyenne américaine et vit depuis lors à Washington D.C., tout en possédant en Irlande un manoir sur la devanture duquel flottent ensemble le drapeau irlandais et la bannière de l'U.E. Engagé en politique dès l’adolescence, il milita au Fianna Fail et soutint ardemment le Traité de Nice. Mais il se consacra assez vite aux affaires, accumulant en quelques années une immense fortune, qui lui valut dans Fortune le surnom de “Ganley le magnifique”. Dans les années 90, il se consacra d’abord au commerce de l’aluminium et du bois russes, achetant d’immense forêts dont il vendit le bois en “occident” du temps que la Russie désorganisée était ouverte à tous les appétits) ; puis il se consacra à la technologie des télécommunications, se spécialisant dans les “réseaux protégés” et la “téléphonie d’urgence”; M. Ganley est actuellement président - « Chief Exécutif » - de Rivada networks, entreprise dont Wikipedia précise qu’elle est « spécialisée dans les systèmes de télécommunications des armées » ; parmi les directeurs de Nevada Network, on trouve MM. James Loy, ancien secrétaire à la Sécurité intérieure, Denis Mac Carthy, ancien chef d’état major de la Marine, plusieurs dignitaires du Pentagone et diverses figures de ce qu’il est convenu d’appeler « le complexe militaro industriel ». Rivada Networks a ainsi obtenu plusieurs contrats du Gouvernement américain - d’abord pour la reconstruction de la Louisiane après Kathrina, puis un autre,  avec une jeune entreprise implantée en Alaska, Nana Pacific, pour sécuriser les télécoms de la garde Nationale. En 2007, Rivada Networks, dont la stratégie n'est pas sans rappeler le modèle du fonds d'investissement Carlyle, recrute comme vice-président l'Assistant Secretary au commerce, à la communication et à l'information de G.W. Bush, John Kneuer.

A la fin des années 90, « Ganley International », créa un fonds, « The Anglo-Adriatic Investment Fund », sis en Albanie et destiné à « réaliser des investissements dans la région » - notamment au Kossovo, qui n’était point encore tout à fait "américano-indépendant". En Europe, M. Ganley a aussi pris un pied dans  Broadnet - revendu depuis lors 50 millions d'euros, selon l'Irish Times. Pour accroître son influence, M. Ganley sponsorise un « forum pour la sécurité publique en Europe et en Amérique du nord », “think tank” où l’on réfléchit à la sécurité commune de l’Atlantique. Il a aussi créé sur notre continent plusieurs entreprises, souvent en partenariat avec des sociétés états-uniennes, dont une de téléphonie continentale, toutes choses qui ne le portent certes pas à l’hostilité envers les instruments de la supranationalité européenne. Il répète d'ailleurs « qu'il n'est pas raisonnable, quand on fait des affaires à l'échelle de toute l'Europe de devoir s'entendre avec 30 gouvernements », autre discours fédéral type...

Pour s'en tenir à sa fortune, je relève que, en septembre dernier, la conférence des présidents du Parlement européen demanda officiellement au Congrès américain des éclaircissements sur ses origines - demande à laquelle notre groupe politique s’est associé… Le Congrès américain répondit, comme il était à prévoir, par le traditionnel non possumus (“nous ne pouvons pas”)…

 

3. Qu'est ce que Libertas eu. ?

Un an après sa création, Libertas est assez doté pour louer de spacieux bureaux à Bruxelles où sont employés une quinzaine de permanents, sans compter les personnes appointées ailleurs. Les financements seraient assurés, selon M. Ganley, non par ses fonds propres, mais par des « donations », notamment « celles que l’on trouve sur le marché de l’art » a-t-il précisé dans son entretien précité au magazine Focus, ainsi que des « soirées de bienfaisance » (type « Found raising»), organisées on ne sait où, ainsi que dit-il, « des social events, comme l’a fait Barack Obama pendant sa campagne », ce qui, transposé en France, n’est pas très clair.

Sur son site, Libertas eu. se présente comme « un mouvement paneuropéen voué à la création d'une nouvelle Union européenne, démocratique et ouverte ». Je note au passage que ce  mot « ouverte » consonne assez bien avec le refus réitéré, et obsessionnel, de M. Ganley de tout protectionnisme - de sorte qu’'il récuse même l’idée de préférence communautaire, et demande le démantèlement de la bête noire de l’OMC, la PAC - point qui m'a été rapporté mais que je n'ai pu vérifier, les déclarations diverses de M. Ganley étant plus souvent orales qu'écrites, et de surcroît à géométrie variable. Au fond, Libertas eu. milite pour une Europe supranationale que la démocratie et la « transparency » rendraient plus efficace, et qui serait ainsi le pilier européen d’une Union euro-atlantique, thème souvent évoqué par l’avocat d’affaires international, ancien chef de cabinet de François Léotard et ancien député UMP de Nice, présentement directeur de campagne de Libertas France, Jérôme Rivière (voir l’entretien accordé par celui-ci au Monde le 2 février 2005, où il dit sans ambages : « je suis un atlantiste », et, se réclamant explicitement de Jean Monnet, déclare « qu’il est pour un Non de droite parce qu’il faut plus d’Europe », toutes choses qui disent assez le point de confusion intellectuelle où nous en sommes arrivés). A noter que le thème de l’union euro-atlantique est souvent utilisé par le directeur de campagne des listes Libertas eu. - car il y a aussi un directeur de campagne à Bruxelles, celui-ci étant curieusement un Australien.

Pour finir sur Libertas, je relèverai deux anecdotes qui montrent que cette organisation est loin de se cantonner au rôle de label sous les traits duquel elle nous fut vendue. Lors d’un déplacement de notre groupe à Prague pour une audience auprès du président Klaus, le 4 mars, mon collègue tchèque Vladimir Zelezny m’expliqua qu’un différent était né entre Libertas eu. et lui à propos d’une de ses affiches de campagne sur laquelle il avait fait figurer en gros le nom de son parti et, plus petit dans un coin, le prétendu label Libertas. Il essuya un brutal rappel à l’ordre de Bruxelles (plus exactement du siège de Libertas eu) lui rappelant qu’il ne devait utiliser dans sa communication aucun autre nom que celui de Libertas - dont il se dit prêt, dans ces conditions, à se passer. A l’aéroport de Prague, un autre de mes collègues du groupe, le Danois Niels Lungreen, me raconta que, « la base » de son parti (le Mouvement de Juin), ayant récusé à une très large majorité l’accord avec M. Ganley, principalement pour ne pas être pas accusé de recevoir l’aide d’un milliardaire américain - on sait que, dans tous les pays du monde, il est assez facile de financer une campagne électorale par des voies détournées, ne serait-ce qu’en abondant le compte de certains candidats, ou en fournissant des « services », ce dont ces souverainistes-là ne voulaient pas être soupçonnés. Or, peu de temps après, l’état major du « Mouvement de juin » se vit proposer par un délégué de Libertas eu. la somme de 900 000 euros pour accepter malgré cela le fameux « label ». Bien étrange label dont il faut payer les bénéficiaires pour qu’ils l’acceptent…

 

4. Que va devenir le MPF ?

Vous n’avez pas reçu grande information sur l’accord avec Libertas que vous avez, selon le mot utilisé dans un article du Figaro en date du 9 mars dernier, « entériné » lors du (très court) « Conseil national » du samedi 7 mars dans les locaux de « Libertas France » - entériner serait beaucoup dire, selon la relation que plusieurs présidents de fédération m’en ont faite ensuite (deux d’entre eux me disant dans les même termes, sans certainement se consulter, que « le MPF était le dernier parti bolchévique d’Europe »), d’autant que les trois seules personnes qui ont osé intervenir se sont entendu répondre que quiconque avait des objections serait mieux avisé de rester chez lui. Sans doute, aurai-je dû vous informer plus tôt de mes scrupules : mais, outre que je ne me suis résolu qu’au mois de février à me dégager de toute référence à la si mal nommée Libertas, et que j’ai longtemps cru qu’il serait possible de laisser ce label dans un coin, je ne voulais pas, en laissant circuler trop d’informations, prendre le risque de porter à la connaissance de nos concurrents de juin des arguments qui pourraient se retourner contre nos candidats. Par dessus tout, j’ai longtemps pensé pouvoir faire comprendre à M. de Villiers le piège dans lequel son nouvel entourage le précipitait –ce piège qu’ont déjoué nos collègues les uns après les autres ; je pensais que le président du MPF était de taille à se dégager (après tout, lors des dernières européennes, notre directeur de campagne était, encore en mars, Aymeric Chauprade...). C’est ainsi que j’écrivis ces dernières semaines plusieurs lettres à Philippe de Villiers, dont, respectant les hiérarchies, je donnai copies à Patrick Louis, secrétaire général du MPF - lequel me répondit chaque fois avec une demi-approbation embarrassée, me conseillant de rester tranquille pour ne pas perdre mon siège », conseil de bonne mais courte vue : du moins un conseiller s’appliquait-il pour une fois à lui même le conseil qu’il donnait aux autres.

Dans la dernière lettre que, dictée de Prague le 3 mars, j’adressais à Philippe de Villiers, je lui disais : « Cher Philippe, je vous demande d'ouvrir les yeux ; Declan Ganley et son traducteur en français n'ont, au mieux, rien à voir avec le souverainisme : c'est le vieux discours UDF qu’on veut nous faire endosser - raison pour laquelle vient d‘être nommée au service de presse de campagne une nouvelle venue chargée de « l’argumentaire », comme si, d’argumentaire, nous étions dépourvus. Philippe, je vous demande de vous reprendre et de changer votre dispositif de campagne, tant qu'il en est encore temps. Le MPF est constitué de femmes et d'hommes conscients des enjeux politiques, dévoués et remarquablement fidèles, bien que vous ne les connaissiez et les rencontriez que fort peu. Comment voulez-vous qu'ils endossent tout à coup, après un si long temps d'interrogations et de silence, un discours si éloigné de celui qu'ils ont élaboré, défendu, tenu avec vous pendant si longtemps ? Je regrette d'ailleurs qu'on paraisse vouloir les laisser à l'écart ces temps-ci, au point que le site Libertas eu. a fait paraître en février cette curieuse annonce “Pour la France, Libertas recherche des candidats de haut niveau pour les élections de juin 2009” ; c’est à rêver ! Ces candidats d'un nouveau type seraient, aux dernières nouvelles, présentés avec tous les candidats Libertas d'Europe à Rome, le 25 mars prochain pour fêter l'anniversaire du Traité de 57. La chose est d'autant plus incongrue que l'on songe, au siège de Libertas eu. (qui décidemment prend toute la campagne en mains), à vêtir tous ces candidats de T-shirts orange où serait écrit : " A new Team For Europe" ! Cher Philippe, je n'ai pas écrit ce que j'ai écrit depuis Maastricht pour célébrer à Rome dans cet accoutrement le traité de Jean Monnet. Ouvrez enfin les yeux : il me paraît probable que les forces qui s'emparent de vous soient celles-là même qu'Alexandre Varaut dénonçait comme ourdissant un complot contre vous dans le si mauvais procès qui vous accable et accable votre famille depuis deux ans. Sortez de ces remugles ! Vous comprenez mon souci de m’ouvrir à vous, ne serait-ce que pour que vous soyez conscient de tous les éléments de la situation. Croyez bien, cher Philippe, que je le fais comme toujours dans un esprit de fidélité et d’indépendance, c‘est-à- dire de confiance».

J’obtins pour toute réponse un coup de téléphone me demandant de ne pas me rendre au Conseil national du 7 mars, et la proposition de dîner à Strasbourg le 9 mars. Du moins donnai-je, en prévision de ce Conseil, quelques informations à certains de mes amis cadres du MPF (dont tous les présidents de fédération de l’Ile de France dont je suis l’élu), et dinai le 6 mars au soir avec Edouard Delorme, dîner auquel Jean-Louis Millet devait se joindre. Puis, vint le dîner de Strasbourg ; l’atmosphère était rendue lourde par la parution le matin dans le Figaro d'une information selon laquelle la liste dite Libertas en Ile de France serait confiée à Jérôme Rivière, ce qui m’étonna, car cette information était contraire aux assurances que m’avait constamment données M. de Villiers. Je savais certes « JR » assez lié à M. Ganley pour avoir été nommé directeur de la campagne, mais demandai à Philippe de Villiers de désavouer cette curieuse annonce de candidature. Il me répondit qu'il ne le pouvait pas, Patrick Louis finissant par admettre qu'elle venait en effet directement de… Libertas eu. : ainsi, c’est de Bruxelles qu’on annonçait désormais nos candidats, le MPF ayant bel et bien disparu ! Je dis alors que, si le MPF et son président restaient les jouets d’une manipulation honteuse, je sortirai des équivoques en annonçant dès le lendemain ma candidature, partant enfin en campagne, devoir naturel et légitime d’un député sortant qui n’entend pas se retirer. Conscient que certains esprits bas de plafond présenteraient mes préventions publiques contre l’opération Libertas comme consécutives au dépit d’être écarté, alors que la vérité était exactement inverse, conscient aussi des campagnes et contre-feux auxquels je m’exposais, je n’en pris pas moins mes résolutions dans la nuit.

 Je demande à présent aux présidents de fédération du MPF d’ouvrir les yeux et de s’informer : si le MPF ne le faisait pas, il disparaitrait tôt ou tard, et avec lui les principes de la souveraineté nationale qu’il incarne. Au reste, les souverainistes ont-ils besoin de Libertas ? S’il s’agit d’obtenir un financement, je rappelle que la chose est interdite, tout camouflage, s’il est hélas possible (et, je crains bien, envisagé), nous exposant à de lourdes rétorsions : en somme, nous aurons le soupçon sans avoir la chose. De surcroit, ce prétendu « label » est d’ores et déjà démonétisé, les candidats recrutés par internet à travers l’Europe pouvant à tout moment le rendre fort toxique : en un mot, c’est un boulet, et l’opération Libertas est un échec ; en France, elle le sera d’autant plus que nos adversaires et concurrents, de part et d’autre, glosent sur l’étonnante bannière étrangère sous laquelle les souverainistes français font campagne, ce qui en effet contrarie notre message à angle droit. Des députés de notre groupe sont requis pour apporter des témoignages sur « le piège Libertas ». Dans le contexte présent, où d’ores et déjà deux listes opposées à la supranationalité sont (malgré tous mes efforts) entrées en concurrence, il est certain que, à moins de changer de stratégie, aucun candidat Libertas ne sera élu (sinon Philippe de Villiers), et que, en particulier, le siège d’Ile-de-France, dont je m’estime comptable, nous échappera –il n’est même pas sûr que tout candidat Libertas dans cette région obtienne 3%. L’heure n’est pas à la passivité ; il est encore temps ; mais ce temps presse. A tout le moins, je suggère qu’un authentique Conseil national se réunisse et, après une véritable information, réexamine sérieusement l’accord avec l’équivoque Libertas.

Mettons nous en campagne, sans attendre que soit prête cette opération Libertas Europe qui est loin de l’être. Pourquoi ceux qui ont le plus à dire sur l’Europe se condamneraient-ils à se taire, alors qu’une occasion leur est donnée de prendre la parole ? La situation n'est pas mauvaise aujourd'hui pour ceux qui ont su, comme nous, dénoncer un échafaudage supranational qui partout vacille. Si nous savons illustrer haut et clair le discours qui fut le nôtre sur l’Europe (compétence générale des Nations/Coopération organisée entre Etats souverains), nous attirerons à nous bien des Français, si déboussolés par ce qu’il est convenu d’appeler la crise et qui, sans une politique nationale hardie, pourrait devenir une longue et irrémédiable décadence. Dans ces circonstances, cherchons donc l'union avec l’ensemble des forces authentiquement nationales plutôt qu'avec de mystérieux magnats : il est encore temps de faire un excellent résultat en juin, de sauver le MPF tant qu’il en est encore temps, et de faire en sorte qu’il joigne ses forces aux efforts du Rassemblement pour l’Indépendance et la Souveraineté de la France (RIF), organisation que j’ai l’honneur de présider et qui vous est proche, pour réaliser l’unité des opposants à la supranationalité, à l’intégration de la France dans l’Union européenne et dans l’OTAN, c’est à dire, en fin de compte à la désagrégation de l’Etat, de la Nation et finalement de la Civilisation française. C’est dans cet esprit, et dans cet espoir, que je vous prie de me croire votre amicalement et fidèlement dévoué,          

 

Paul-Marie Coûteaux


  • Un ouvrage commun Paul-Marie Coûteaux - Nicolas Dupont-Aignan