Par
Laurent Pinsolle.
L'économiste américain Paul Krugman est sévère avec les pays
européens, dénonçant notamment l’échec du continent à répondre
efficacement à la crise financière. Et remettant en cause le
bien-fondé de la création de l'euro...
Mon collègue Kiwi, Edgar, qui
tient
le blog La lettre volée, a déniché une tribune de Paul
Krugman, prix Nobel d’économie 2008 (plus précisément, du prix
en mémoire d’Alfred Nobel). Une volée de bois vert pour les
dirigeants de l’Europe, gouvernements et BCE inclus.
Le constat du prix Nobel
d’économie
La critique d’un économiste américain à l’égard des dirigeants
européens paraîtra forcément suspecte aux yeux de beaucoup. Mais
Paul Krugman n’est pas un Américain comme les autres. Il passe
pour un dangereux gauchiste pour le parti républicain, voir
auprès de l’aile droite du parti démocrate. Il faut dire que
dans son dernier livre « L’Amérique que nous voulons », il prend
en exemple le système de santé Français, des propos à la limite
du communisme pour certains Américains…
La critique de Paul Krugman est extrêmement sévère. S’il
reconnaît que le système de protection sociale plus protecteur
permet d’amortir la crise, il dénonce « l’échec du continent à
répondre efficacement à la crise financière », « tant d’un point
de vue fiscal que monétaire ». il soutient que
l’Europe « affronte une crise aussi sévère que les Etats-Unis
mais qu’elle fait beaucoup moins pour combattre la récession ».
Il attaque la BCE, « lente à baisser les taux » au contraire de
la Fed.
Coïncidence amusante, la banque centrale Américaine a annoncé
hier un renforcement de son soutien à l’économie. Si elle ne
peut plus baisser ses taux d’intérêt, qui sont quasiment à zéro,
elle agit fortement sur les marchés. Elle a donc annoncé un
programme de rachat de 300 milliards de dollars de bons du
Trésor pour faciliter le financement de l’Etat fédéral et
pousser les taux longs à la baisse. Enfin, elle va racheter
jusqu’à 1250 milliards de titres adossés à des actifs
immobiliers pour fluidifier ce marché.
Pourquoi l’Europe n’est
pas à la hauteur
Son analyse des raisons de la timidité européenne est
particulièrement intéressante. Il dénonce les banquiers centraux
« qui n’ont pas du tout pris la mesure de la profondeur de la
crise » et attaque violemment le ministre des finances Allemand
dont il compare « les diatribes d’ignorant » à celles des
républicains, ce qui n’est pas peu dire pour lui. Paul Krugman
soutient que le problème de l’Europe est le décalage entre une
intégration économique très poussée et l’intégration politique.
On pourrait alors imaginer qu’il appelle à la constitution
rapide d’un gouvernement européen digne de ce nom pour traiter
les problèmes économiques actuels. Mais non, Paul Krugman
soutient en fait que c’est l’intégration économique qui est
allée trop loin. Il soutient notamment que la création de l’euro
a peut-être été une erreur dans la mesure où la seule solution
qu’elle permet à l’Espagne pour sortir de la crise est une
baisse des salaires (au lieu d’une dévaluation), ce qui n’est
pas acceptable.
Le constat du dernier prix Nobel d’économie, est un nouveau
soutien de poids aux idées des partisans de toujours d’une autre
politique, une nouvelle preuve de la pertinence du combat
enclenché par Philippe Séguin et Jean-Pierre Chevènement au
début des années 90.
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