Pierre PASCALLON
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Professeur agrégé de Faculté,
maire d’Issoire et ancien député, auteur de Plaidoyer pour
la Constitution de la Ve République,
éd. Economica, 1986
Plaidoyer
pour la constitution
de la Vème République
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On
sait que l’examen du projet de loi constitutionnelle réformant les
institutions est en discussion au Parlement et le gouvernement espère
qu’il pourra être adopté en Congrès (avec trois cinquièmes des voix), le
7 juillet prochain. On sait aussi que, pour l’essentiel, cette réforme
de nos institutions va accorder des prérogatives nouvelles au Parlement,
dont on entend revaloriser le travail en donnant, en particulier, des
fondements constitutionnels aux droits de l’opposition.
On est loin — ce
faisant — de la refonte forte, sinon totale, de la Constitution de la Ve
République telle que la souhaitait Edouard Balladur, président du Comité
de réflexion sur la modernisation des institutions, et par le Chef de
l’Etat, Nicolas Sarkozy, dans le sens d’un régime présidentiel. L’ancien
Premier ministre et l’actuel locataire de l’Elysée voulaient, en effet,
rééquilibrer profondément les institutions en revoyant les pouvoirs
respectifs du Président de la République et du Premier ministre — autour
de la « redéfinition » des articles 5, 20 et 21 de la Constitution :
l’article 21, plus particulièrement —, en confiant, demain, au Chef de
l’Etat, le soin de « déterminer la politique de la nation », à charge
pour le gouvernement de la « conduire ».
Devant les
réticences et les oppositions (y compris dans la majorité) soulevées par
ces orientations pour un nouvel équilibre institutionnel faisant du Chef
de l’Etat un élément plus actif du jeu politique, face à un projet de
réforme qui, en l’état, n’aurait pas manqué de conduire à une
« impasse » constitutionnelle en cas de cohabitation, Nicolas Sarkozy a
été amené à renoncer à modifier la Constitution sur la répartition des
pouvoirs au sein de l’exécutif et à préserver la fonction de Premier
ministre. Les velléités présidentialistes et le basculement vers un
régime présidentiel ne sont pas pour autant complètement enterrés
puisque l’espoir est, au final, pour le Président de la République, de
faire accepter la possibilité de venir s’exprimer devant le Parlement,
une fois par an, « à l’américaine », dans l’esprit, en effet, de ce que
fait le Président des Etats-Unis en prononçant son discours sur l’état
de l’Union devant le Congrès.
On voudrait
s’étonner ici que, dans le cadre de cette réflexion lourde de ces
derniers mois sur la réforme de nos institutions, il n’ait pas été fait
mention — ou de façon très marginale dans ce débat — du problème du
quinquennat qui aurait pourtant dû être au cœur de ce dossier. Rappelons
très brièvement que la réforme du quinquennat a été imposée, en 2000, à
Jacques Chirac — qui n’en voulait pas — sous la pression de Valéry
Giscard d’Estaing.
Les arguments mis en
avant à l’époque sont encore dans nos mémoires. En bref, le septennat
n’est plus adapté à l’accélération du rythme économique, politique,…
d’une époque qui nous habitue à l’instantané : sa durée est trop longue.
Qui plus est et surtout, en réduisant la durée du mandat présidentiel
alignée sur celle du mandat législatif, on a la possibilité de supprimer
les effets délétères des cohabitations à répétition.
A dire le vrai, à
l’expérience — et on commence à l’avoir —, on s’aperçoit que le
quinquennat — on avait dénoncé ces perspectives bien avant son adoption
— est loin d’avoir tous les bienfaits que mettent en avant ses
laudateurs puisqu’il aboutit à une véritable et profonde déformation de
nos institutions, sans supprimer, en l’état, les risques de
cohabitation.
Qui ne voit, en
effet, que le raccourcissement de la durée du mandat présidentiel — le
style et la personnalité de Nicolas Sarkozy n’amoindrissent pas, bien
sûr, cette tendance ! — fait que le Chef de l’Etat doit accélérer la
mise en œuvre de son programme — qui ne bénéficie plus du temps plus
long qu’apportait le septennat — et que l’on est déjà dans la prochaine
élection présidentielle de 2012 (avec les mêmes candidats : Sarkozy,
Royal, Bayrou… à vérifier !). Et surtout et plus, avec le quinquennat et
l’inversion du calendrier électoral qui placent, de fait, le Chef de
l’Etat en chef de l’exécutif, on a modifié profondément la problématique
du couple exécutif — les relations entre le Président de la République
et le Premier ministre — ; on a brouillé — embrouillé — cette
articulation centrale de nos institutions. Oui, avec le quinquennat, on
a dénaturé l’équilibre de nos institutions, la logique du quinquennat
appelant ainsi, de façon irréversible et inéluctable, la mise en place
d’un régime présidentiel.
Si l’on pense — et
on le pense — que le régime présidentiel n’est pas adapté à notre pays,
qui a connu de sérieux déboires chaque fois qu’il a tenté de s’en
rapprocher ; si l’on croit donc — et on le croit —, qu’il faut chercher
à garder au mieux, demain — au-delà de ses cinquante ans —, notre
Constitution de la Ve République, originale,
mi-parlementaire/mi-présidentielle, profondément en phase avec
« l’exception française », on demande alors, de façon indispensable et
urgente, que le chantier institutionnel ne soit pas clos sans une
réflexion approfondie sur le retour au septennat, peut-être au septennat
avec un mandat non renouvelable.
Pierre PASCALLON
mercredi
4 juin 2008
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