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La France glisse  vers son naufrage sans que la population,
dans ses profondeurs, en ait une claire notion.

Devant ce constat, vingt cinq associations et des personnalités significatives se sont rassemblées et ont approuvé les termes du texte ci dessous, présenté par le Général Gallois, initiateur de notre force de frappe nucléaire et l’Ambassadeur de France Pierre Maillard, conseiller diplomatique du Général de Gaulle. Le Forum pour la France a été créé et les membres fondateurs ont demandé à Henri Fouquereau d’en assurer le secrétariat Général.

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Il y a d’abord un phénomène sociologique (qui d’ailleurs ne concerne pas seulement la France), à savoir le développement d’un individualisme débordant largement les limites que lui avait assignées l’époque des Lumières. Il engendre la dénaturation du  concept de liberté, une forme d’anarchie, et l’amoindrissement du sentiment de solidarité nationale, l’idée de nation s’effaçant peu à peu.

Il y a en second lieu le phénomène de mondialisation. Abolissant  les frontières, il suscite une perte des repères fournis pour chaque peuple par son histoire spécifique, et en quelque sorte une  conscience « apatride ». Sous-tendu d’autre part, sur le plan économique par la doctrine d’ultra libéralisme, excluant toute régulation réelle, il est source  pour un certain nombre de pays, dont la France, d’une déperdition programmée de son capital productif autonome, dont témoignent abondamment la multiplication des OPA, les transferts d’activité, les délocalisations, engendrant elles-mêmes chômage, inégalités croissantes, pauvreté, dislocation de la cohésion sociale.

Il y a troisièmement une immigration massive et incontrôlée qui aggrave encore les effets des processus ci-dessus décrits. Du fait qu’elle n’ait plus – ou très peu – d’origine européenne, son intégration, aussi bien ethnique que morale, est rendue beaucoup plus précaire. D’où un risque accru pour le maintien d’une cohésion sociale déjà ébranlée, et surtout une tentation de dérive vers une conception communautaire de la nation.

Un 4ème facteur de déclin résulte des lourdes contraintes acceptées, voire recherchées sur le plan international, et avant tout européen. Nos concitoyens ont à peine conscience de la perte de souveraineté déjà subie par la nation dans des domaines essentiels, par le simple jeu des traités ou de ce qu’on désigne du terme obscur de « droits dérivés ». Le rôle démesuré joué par la Commission de Bruxelles, celui non moins envahissant joué par la Cour de Justice des Communautés, le transfert à la BCE des pouvoirs monétaires et budgétaires des États réalisent d’ores et déjà une dépossession de toutes les prérogatives traditionnelles des pouvoirs nationaux et consacre la marche délibérée vers un super État fédéral, et la réduction de la France à une collectivité subordonnée. Quand on entend dire que le gouvernement français est « sommé » par Bruxelles de réduire son déficit dans les plus cours délais, ou de mettre en vigueur tel ou tel taux de TVA, on mesure le degré de dépendance où est tombée la France et que complète sur le plan transatlantique la prédominance de l’OTAN.

A tous ces facteurs s’ajoute enfin une critique programmée du rôle de l’État. L’État est mis en question à l’extérieur par la vague d’internationalisation qui déferle sur le monde (les institutions européennes en sont une des manifestations) et il l’est aussi sur le plan intérieur par la montée en puissance de multiples contre-pouvoirs : les syndicats, la magistrature, la nomenklatura des medias. Il l’est encore par la contestation croissante de son rôle dans la création et dans la gestion des grandes entreprises économiques qui ont assuré après la guerre dans les secteurs de pointe le relèvement et la puissance de la France, ainsi que son indépendance. Il l’est enfin par la dérive des institutions, telles que voulues par le général de Gaulle, au détriment du pouvoir exécutif. Les conditions dans lesquelles se déroule l’élection du chef de l’État, la cohabitation et le quinquennat ont témoigné de cette dérive, à laquelle s’ajoutent encore le mouvement régionaliste et le transfert aux régions de compétences de plus en plus nombreuses.

Les conséquences de tous ces constats apparaissent déjà clairement dans des domaines essentiels : crise de l’éducation et de l’école, exode des élites, amoindrissement du patrimoine productif national, perte d’autorité de l’État. Elles sont patentes pour ce qui concerne la défense et l’armée, qui se retrouvent réduites tant sur le plan du personnel que des matériels à un déficit affligeant de capacités. Elles ne  sont pas moins graves dans un domaine que l’on oublie trop, la recherche, fondamentale non seulement pour l’illustration de la nation mais pour son avenir, étant donné ses multiples prolongements tant économiques que militaires.

On ne peut certes totalement revenir sur l’ensemble de ces conséquences. Certaines sont hélas déjà irréversibles, notamment celles qui résultent de l’immigration subie. Un tel constat ne peut cependant condamner à la résignation, qui serait désespoir. Certains remèdes existent, à supposer qu’il y ait une volonté politique forte pour les mettre en œuvre. Essayons de les décrire :

1°) Il importe d’abord de réaffirmer les valeurs et surtout l’actualité du concept  de nation. On a dit la dévalorisation qu’il subit au bénéfice de constructions impériales ou supranationales, dont l’Europe de Jean Monnet est un des avatars. Mais ce discrédit – accompagné de griefs d’impuissance ou d’anachronisme, correspond à une campagne de désinformation et ne se fonde sur aucune réalité. Ce sont les aspects de cette réalité que l’on doit aujourd’hui faire ressortir par une argumentation appropriée en mentionnant notamment l’aspiration des peuples à la sauvegarde de leur identité, leur rejet constant de la domination anonyme des puissances financières internationales, l’incapacité enfin de celles-ci, ou des organisations internationales qui se sont multipliées à apporter une solution sérieuse aux problèmes du monde sans oublier l’exemple de  nationalisme ombrageux, voire belliqueux que nous donnent aujourd’hui les Etats-Unis.

2°) La lutte non pas contre la mondialisation (qui est une donnée de fait), mais contre le mondialisme (qui représente une idéologie nouvelle) doit être le corollaire de l’affirmation du fait national. Elle constitue (elle aussi) un impératif qui doit s’accompagner de la contestation de l’ultra-libéralisme,   devenu doctrine et qui s’éloigne gravement de la pensée libérale classique. Même contestation à l’égard du socialisme  La participation constituerait la troisième voie nécessaire au redressement et à l’apaisement des conflits sociaux . Cette contestation ne doit pas bien sûr, signifier une volonté (d’ailleurs impossible) de retour au protectionnisme d’antan, mais elle exige la recherche urgente des mesures indispensables pour sauvegarder ou restaurer les équilibres nécessaires entre les nations, compte tenu de leurs disparités évidentes et en même temps de leurs potentialités inégales, équilibre qui ne peut être réalisé que par l’introduction, dans le jeu des forces économiques ou financières mondiales, d’un pouvoir politique suffisamment fort entre les mains des États.

3°) On a souligné ci-dessus les graves contraintes auxquelles sont d’ores et déjà soumis les États européens et notamment la France. Il est clair que l’assouplissement, sinon la totale levée de ces contraintes est la condition de toute récupération, même partielle, de toute politique d’indépendance, en même temps que de toute solution aux problèmes ci-dessus évoqués.

Il est certes difficile d’envisager la révision immédiate et totale des traités qui, surtout depuis 1990, ont créé ces contraintes (que le Traité de Rome n’avait pas instaurées). Vu la pression des intérêts impliqués, et les moyens de désinformation entre les mains de la nomenklatura politique, des conséquences préjudiciables pourraient en résulter pour la France, qu’elle n’aurait sans doute ni les moyens, ni la volonté d’affronter.

Tout à fait possible en revanche, serait une procédure de contournement, voire de report de ce qui dans ces traités apparaît le plus contraire à l’exigence de souveraineté, ou dangereux dans ses effets. Aucun traité n’a jamais été éternel ni immuable. L’application de la fameuse clause « rebus sic stantibus » peut autoriser bien des dérogations ou mesures dilatoire, a fortiori appuyées sur les arguments de poids que constituent tant la situation économique présente de l’Europe, que son élargissement programmé, à coup sûr incompatible avec une marche forcée vers l’uniformisation des statuts, et la fin des particularités nationales. Un exemple de ces « retouches » pragmatiques, éventuellement camouflées derrière les protestations d’orthodoxie d’ailleurs, vient d’être donné par la France et l’Allemagne à propos des dispositions du pacte de stabilité pourtant châtiment lié à Maëstricht. Un autre en avait été donné dans le passé récent, par le report, exigé par certains États, des prescriptions de la Convention de Schengen. Les faits, comme disait Lénine, sont têtus, et l’invocation des réalités peut dans de nombreux domaines (et a fortiori dans ceux où la souveraineté de la nation est impliquée au premier degré) percer la cuirasse des doctrines les plus invétérées.

Il va de soi également que toute nouvelle progression vers un système authentiquement fédéral doit faire l’objet de notre plus vive résistance sous réserve d’un examen critique approfondi, les conclusions provisoires de la Convention sur la prétendue « Constitution » européenne, ou en tout cas certaines d’entre elles, paraissent une fois de plus hautement dangereuses, ce que confirment les éloges qui d’ores et déjà leurs sont décernés par les milieux fédéralistes.  En particulier celles abolissant le droit de veto et soumettant les décisions politiques du Conseil à la majorité qualifiée. Que serait-il advenu de notre politique à propos de l’Irak si ce régime avait  d’ores et déjà été appliqué ? Et quelles en seraient les conséquences dans la perpétuation de notre siège au sein du Conseil de Sécurité ?

De ces observations ne doit pas cependant découler, surtout pour une opinion largement soumise à l’action des lobbies,  l’accusation d’anti-européisme. Il doit être souligné que ce que nous combattons ce n’est pas ce que préconisait déjà le Général de Gaulle, le rapprochement systématique des peuples d’Europe, mais bien une vision de l’Europe conçue comme un super État fédéral abolissant, nonobstant l’illusoire principe de subsidiarité, les souverainetés nationales. Contrairement à cette union, il importe d’affirmer la valeur du principe d’association respectueux de ces souverainetés, mais pouvant cependant comporter des engagements étroits et réciproques, dont certaines grandes entreprises européennes ont révélé, depuis trente ans, l’efficacité.

4°) Revenant à la France elle-même, l’instauration du rôle de l’État s’impose non seulement  sur ce qui incarne ses fonctions régaliennes, mais pour la gestion d’un certain nombre de services publics maintenus, actuellement fâcheusement soumis à la tentation de la privatisation. La notion de service public est peut-être une « exception » française mais elle doit être impérativement sauvegardée, et éventuellement même, s’agissant de telle ou telle grande entreprise essentielle à l’indépendance de la France, motiver une renationalisation.

Il est scandaleux que le service public devienne source de profits pour l’entreprise privée, et que celle-ci prospère sur le dos des citoyens grâce aux prélèvements fiscaux obligatoires. C’est à l’État de gérer la santé publique, la formation des citoyens, la recherche fondamentale, la communication, les transports nationaux, l’énergie, l’eau, le patrimoine, etc.

Et bien entendu le combat doit continuer sur le chapitre de la décentralisation, que ne justifie nullement, au siècle où nous sommes, le souci de rapprocher les citoyens du pouvoir. La décentralisation systématique n‘aura pour conséquence que le développement de nouvelles féodalités et l’accroissement parallèle de la fiscalité locale.

Il faut à tout prix sauvegarder la tradition républicaine qui garantit l’égalité de chacun, et assurer la solidarité aussi bien entre les générations qu’entre les hommes. Ces conditions étant impérativement nécessaires pour rassembler les Français sur la France en la soudant en une seule nation.

5°) Institutions : On a dit leur importance pour le maintien d’un pouvoir étatique fort et souligné le lien entre ce pouvoir et l’indépendance nationale, sans pour autant, bien entendu, que soit mis en cause le caractère démocratique de nos institutions.

Indépendamment des graves menaces que fait peser la « construction » européenne sur ces institutions, ci-dessus évoquées, la question du pouvoir présidentiel est au cœur de la problématique en cause. Certes, on ne peut nier que l’élection du Président de la République au suffrage universel avait conféré, en principe, une légitimité accrue. On a dit cependant combien l’intervention des partis avait dénaturé l’institution et affecté la liberté, encore réduite par l’innovation du quinquennat dont le nombre dérisoire des votants permet d’ailleurs de contester sérieusement la légitimité.

Revenir sur le mode d’élection n’est certainement pas souhaitable. Mais il serait  possible et hautement souhaitable d’abolir la possibilité de sa réélection, ce qui, une fois élu, mettrait le titulaire à l’abri de toute pression ou tentation démagogique. Cette disposition devrait alors être elle-même complétée par le rétablissement du septennat.

La notion de pouvoirs « réservés » - qui ne figure d’ailleurs pas dans la constitution de 1958, devrait être également précisée et expressément limitée – tout ce qui concerne l’unité, l’indépendance de la Nation et naturellement sa souveraineté ainsi que sa défense. Missions d’ailleurs traditionnelles pour tout chef d’Etat et, au surplus, au regard des perspectives   de la construction européenne, particulièrement d’actualité.

6°) Immigration : Il est vrai qu’une partie des dégâts causés par l’immigration est irréversible. Serait-il hors des possibilités de freiner au moins sa poursuite ?

Il conviendrait d’abord de mettre en regard du concept des droits de l’homme, soumis à une interprétation de plus en plus « laxiste », le concept des droits de la nation, et les nécessités pouvant découler de sa sécurité et de son intégrité, sans pour autant que cette dernière motivation conduise à tomber dans une vision chauvine.

De même, des règles suffisamment précises quoique relativement généreuses, devraient être posées touchant l’intégration des individus concernés, ainsi que l’octroi de la nationalité, par exemple par un certain panachage du droit du sol et du droit du sang, le critère de la durée de présence, du type d’activité, et avant tout, celui de la possession de la langue française et d’une claire conscience des droits et des devoirs qu’implique l’acquisition de la nationalité française.

7°) Défense et armée : S’étant trop souvent résignés à répondre aux injonctions de nos partenaires d’outre-Atlantique, nos dirigeants n’ont cessé de mener une politique d’abandons, ce qui ramène la France à sa dépendance militaire d’antan et la classe dans le rang des puissances sous-moyennes. La refonte complète de notre système de défense, tant  au vu des innovations technologiques que du type de menaces auxquelles nous devons faire face s’impose, toujours dans la perspective de l’indépendance de la nation et de la multipolarité.

Se posent à cet égard la question de notre appartenance à l’OTAN et des éventuels liens aux divers projets de défense européenne dont ne saurait non plus être absente la préoccupation de nos intérêts spécifiques, même si, un degré de coopération avec les pays voisins,  notamment touchant les moyens de rassembler, peut demeurer utile.

8°) Politique étrangère : La lutte pour la reconquête de notre indépendance nationale passe par la mise en œuvre d’une nouvelle politique étrangère. Il importe d’entreprendre la révision des dispositions intervenues au cours des dernières années, et, pour l’Europe, de ne plus considérer comme aboli le compromis de Luxembourg qui doit rester la garantie suprême de ce qui doit nous rester de souveraineté dans de multiples domaines.

La mission de la France est de préserver un équilibre mondial. En favorisant la multipolarité face aux tentations hégémoniques de quelques-uns. Elle doit dépasser le carcan européen et retrouver sa place sur la scène mondiale, par l’établissement de convergences d’action avec les pays, grands ou petits, qui s’efforcent de recouvrer une liberté de mouvements, et de mener une politique de non-alignement à l’égard de telle ou telle grande puissance et de sauvegarde de notre autonomie dans tous les domaines.

9°) Francophonie : La sauvegarde de la langue française est enfin un autre domaine, non moins important, où se pose le défi de l’indépendance. En effet, la langue n’est pas un simple instrument de communication. Elle est un creuset dans lequel s’est forgé au cours des siècles l’unité nationale, non seulement sur le plan d’une  identité culturelle, mais aussi sur le plan politique. Cet élément de notre souveraineté et de notre identité paraît négligeable à beaucoup parce qu’il constitue une habitude acquise, qui ne paraît devoir changer. Son importance doit néanmoins être soulignée face à la menace que constitue l’invasion des vocables anglo-américains, accompagnée du déclin de notre langue sur le plan international. Tous phénomènes résultant eux-mêmes de la domination économique, voire politique acquise par les Etats-Unis.

10°) L’information : Enfin il est patent que l’information, surtout télévisée, mais aussi la radio et la presse sont devenues les facteurs déterminants de la formation de l’opinion, voire des décisions du pouvoir. Or, la plupart des sources de la soi-disant information, sinon leur totalité, est aux mains d’importants groupes financiers, ou économiques, ne laissant qu’une place des plus étroites à l’expression indépendante et autorisant toute manipulation. Dans un pays qui se dit démocratique, cette situation appelle impérativement des correctifs, sans pour autant, certes, que ceux-ci entravent la diversité des point de vue. Il faut envisager une déontologie beaucoup plus exigeante, au demeurant très nécessaire, par exemple, au point de vue des mœurs, ou de l’examen critiques des faits relatés. L’État devrait aussi pouvoir disposer d’au moins deux chaînes publiques totalement libérées de la sujétion de la publicité, où pourraient s’exprimer, de façon équitable, toutes les tendances de l’opinion. Des mesures fiscales ou autres devraient enfin faciliter l’existence d’une presse libre et indépendante. Le sujet est vaste mais de telles dispositions sont un élément essentiel non seulement pour le maintien d’un régime  réellement démocratique mais pour la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de la nation.

Ces mesures sont de l’ordre du possible et il reste aux Français de les imposer. Pour les aider des commissions ont été créées au sein du Forum pour la France, elles traitent de la politique étrangère, de la réforme du S.M.I, de la défense nationale, de la participation, de l’économie, de la monnaie, de l’éducation nationale, de la défense de la langue française, de la francophonie, de la TVA sociale, de l’immigration, de la coopération, des Dom-Tom, de la défense des brevets.

 

Forum pour la France : mdffouquereau@free.fr