Mouvement gaulliste et républicain présidé par Nicolas Dupont-Aignan, Député-Maire de Yerres (91), candidat à l'élection présidentielle de 2007.

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  • La chronique

Interview: Nicolas Dupont-Aignan (UMP et Debout la France): 'Pourquoi je vais voter contre la DADVSI'

 

Il y eut d'abord un colloque organisé par Nicolas Dupont-Aignan à l'Assemblée Nationale quelques jours avant son nouveau passage devant les députés: un débat large et œcuménique qui vit les tenants et les opposants des DRM et de la "réponse graduée" conserver leurs positions outrageusement opposées. Puis il y eut la discussion parlementaire proprement dite qui reprit et qui aboutit à ce qu'on sait... La loi sera votée 21 mars et elle n'annoncera pas le printemps ... du P2P en France. A moins que les sénateurs ... ou le Conseil Constitutionnel renvoie le Ministre à sa copie (pas privée ...). En marge du débat, nous avons recontré Nicolas Dupont-Aignan, jeune député gaulliste et pourtant opposé aussi bien au projet DADVSI qu'au CPE. Une parole libre et des convictions bien trempées, voici ce qu'on peut dire de NDA (comme disent ses amis). Écoutons-le un peu ...

 

 

 

LaVieNumerique.com - Nicolas Dupont-Aignan, vous avez déclaré être opposé au projet de loi DADVSI tel qu'il est « discuté » à l'Assemblée Nationale, sans réelle concertation et dans l'urgence, pouvez-nous vous éclairer exactement sur votre position, puisqu'à l'instar de Christine Boutin et Alain Suguenot eux aussi opposés au projet de loi, vous êtes membre de l'UMP tout en étant candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2007 ?

Nicolas Dupont-Aignan J'estime que le projet de loi DADVSI, en cherchant à verrouiller le P2P, constitue un combat d'arrière-garde perdu d'avance : non seulement les artistes ne seront pas correctement protégés du fait du contournement permanent des mesures de sécurité, mais en plus ils ne seront pas rémunérés pour l'échange de fichiers sur internet. Plus grave, ce projet de loi semble largement inspiré par l'oligopole des majors qui défend bec et ongles ses intérêts particuliers contre l'intérêt général – c'est à dire aussi bien la multitude des internautes que la démocratisation de l'accès à la culture. Enfin, cette loi implique des dispositifs techniques liberticides qui vont entraver le développement de l'internet en France, criminaliser les internautes et faire ressembler notre pays à la Corée du Nord sur ce terrain. Au passage le droit à la copie privée va être remis en cause et les DRM, qui permettent parfois à des multinationales d'introduire des virus espion dans les ordinateurs des particuliers, vont être légalisés. Enfin, le développement du logiciel libre, enjeu majeur pour l'indépendance des nations et la liberté des particuliers face à Microsoft, va être sérieusement contrecarré. Un comble ! On avait affaire à un débat du XXIème siècle mais on l'entraîne de force vers... le Moyen-âge ! Tout ceci est consternant et inacceptable. Je voterai donc contre ce projet.

N'est-ce pas un risque politique pour vous et votre mouvement « Debout la France », d'autant que – comme l'UDF et Bayrou – vous êtes également contre le CPE ?

Je n'ai jamais conçu mon action politique à l'aune des risques qu'elle pouvait faire courir à ma « carrière ». Avec les gaullistes et les républicains rassemblés dans Debout la République, j'entends au contraire agir au nom des principes et des convictions gaullistes et républicaines qui m'animent. Pour moi, la politique ce n'est pas gérer des problèmes en faisant le moins de vagues possibles, mais tenter de les résoudre, conformément à ce que j'estime être l'intérêt général. Aller à la racine des problèmes sans œillères et proposer des solutions efficaces et justes, voilà ce qui m'intéresse. Tout le reste n'est que de la politique-spectacle. Une politique-spectacle dont les Français ne sont pas dupes et qui ne cesse, hélas, depuis 25 ans de nourrir soit l'abstention, soit les extrêmes.

Le CPE a-t-il servi pour RDDV de bouclier pour faire passer sa loi plus facilement, puisque l'opinion publique et les mass medias sont polarisés par le CPE et les mouvements autour du CPE ?

Il est certain que la focalisation sur le CPE a détourné l'attention médiatique du projet DADVSI. C'est bien dommage, car ses implications sont au moins aussi importantes que celles du CPE, même si elles sont moins spectaculaires au quotidien.

Economiquement, y'a-t-il une rationalité qui sous-tend le projet DADVSI, car malgré l'argument « d'équilibre » répété comme un leitmotiv par le Ministre et Christian Vanneste, c'est bien la victoire d'un camp contre un autre (celui de l'industrie musicale contre les millions d'internautes), n'est-ce pas ?

On ne peut pas être définitif là-dessus. Néanmoins, c'est bel et bien ce qui apparaît à l'analyse. Vu la pression formidable que l'industrie culturelle a fait peser sur le Parlement, en allant jusqu'à arpenter directement les couloirs de l'Assemblée par exemple, il y a gros à parier que c'est bel et bien le cas. Je trouve choquant que les pouvoirs publics puissent ainsi laisser cet oligopole verrouiller l'Internet à son profit exclusif. Ce l'est d'autant plus que ces majors ont usé et abusé de leur position dominante pour imposer pendant de longues années des prix de vente excessifs pour les disques compact. Dans ces conditions, on voit mal en quoi l'intérêt des artistes est réellement pris en compte dans le projet de loi DADVSI !

L'adoption de l'amendement dit « amendement Vivendi » est-il « retoquable » par le Conseil Constitutionnel, et au-delà, tout le projet ?

C'est difficile à dire. La confusion juridique a enflé à tel point qu'on ne saurait présumer de la position des « sages ». On peut néanmoins l'espérer. De toute façon, le fond du problème n'est qu'accessoirement juridique car il est en réalité politique. Si ce projet de loi passe, la réglementation sera contournée et la loi sera un jour changée en conséquence. Je pense qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans cette loi, car aucun gouvernement de quelque étiquette que ce soit ne pourra vraiment la faire appliquer durablement et efficacement. Les lois injustes et inefficaces ne sont jamais éternelles. Souvenez-vous des radios libres interdites par VGE mais finalement instaurées quelques années plus tard ! De même, je suis persuadé qu'après 2007 la liberté de l'internet sera à nouveau posée.

Si la gauche ne dépose pas de recours devant le Conseil Constitutionnel après le vote du Sénat, seriez-vous prêt à le faire avec des membres de l'UDF, avec Carayon, Suguenot et Boutin ?

Aucune hypothèse n'est à exclure.

En quoi, selon vous, l'utilisation d'une commission ad hoc (le « collège des médiateur ») pour juger de la liberté de faire une, deux ou 5 copies d'un support acquis légalement est-elle attentatoire aux libertés fondamentales ?

J'attends d'en savoir un peu plus sur sa composition, son mode de fonctionnement et sa feuille de route pour me prononcer. Tout ce que je sais, c'est que l'on a tendance ici à dessaisir le législateur – le Parlement – de ses prérogatives. Pourquoi, sinon parce qu'on a peur de sa capacité à débattre et à proposer d'autres solutions ?

Demandez-vous, comme certains organismes excédés par le dialogue de sourds à l'Assemblée, la démission de RDDV ? Que la réponse soit « oui » ou « non », pourquoi ?

Ce serait un excès de plus. Je combats le projet de loi, pour autant je respecte les hommes, quelle que soit leur position.

Si la loi passe et qu'elle n'est pas « retoquée » par le Conseil Constitutionnel, la messe est-elle dite ?

Bien sûr que non ! Quoi qu'en pense les censeurs de l'Internet, la révolution numérique est aussi certainement en marche que le fut en son temps celle de l'imprimerie. Les moines copistes ont eu beau faire de l'obstruction à l'époque de Gutenberg, l'histoire les a finalement balayés. Je suis persuadé que l'élection présidentielle, avec la question du respect du 29 mai, le changement radical de politique économique et sociale en Europe, la lutte contre le communautarisme pour permettre le rétablissement de la cohésion nationale, posera alors la question des droits d'auteurs sur Internet. En tout cas, cette question sera aussi au cœur de mon projet pour la France. Naturellement, comme pour le référendum sur la Constitution européenne, la mobilisation des Français (et notamment des internautes) sera déterminante pour empêcher que le système politico-médiatique dominant ne se referme une fois de plus sur lui-même et ne confisque le débat présidentiel au profit des candidats du pareil au même.

 

Lundi 20 Mars 2006

Propos recueillis par G.CLECH avec l'aide d'A. Valton