Mesdames
et Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs,
J'adresse à tous les
peuples que vous représentez le salut fraternel de la France.
Monsieur le Secrétaire
Général des Nations Unies,
Votre responsabilité est
immense. La France vous fait confiance.
C'est la première fois
que je m'exprime au nom de la France à cette tribune. Il s'agit pour moi
d'un instant solennel, d'un instant émouvant. Je ne peux m'empêcher de
penser à tous ces hommes, avant nous tous, et toutes ces femmes qui,
dans un des moments les plus tragiques pour l'humanité, où le monde
risquait de sombrer dans la barbarie, des femmes et des hommes, trouvant
cette fatalité insupportable, ont su opposer à la force, à la violence,
à la barbarie, la justice et la paix.
C'est alors que naquit
l'Organisation des Nations Unies.
L'Organisation des
Nations Unies, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, ce
n'est pas une simple construction politique, ce n'est pas une simple
construction juridique, c'est un réveil de la conscience humaine contre
tout ce qui menace de détruire l'humanité.
Je n'ai jamais cru que
l'ONU pourrait un jour extirper la violence qui est dans l'Homme. Mais
ce que je sais au plus profond de moi c'est malgré tous nos échecs, sans
l'ONU, nous n'aurions jamais pu mettre un terme à des conflits qui
paraissaient sans issue. Souvenez-vous, Mesdames et Messieurs, le
génocide du Cambodge, ce peuple martyrisé par ses bourreaux,
l'indépendance de la Namibie, l'indépendance de Timor. Regardez la
région des Grands Lacs et en Afrique de l'Ouest sans l'ONU le monde
aurait peut-être connu une troisième guerre mondiale sans doute plus
effroyable encore que les deux précédentes.
La France est convaincue
que l'ONU est le seul remède que nous ayons à dresser contre
l'aveuglement et la folie qui parfois s'emparent des hommes.
Le message que je veux
vous adresser au nom de la France est simple : dans ce monde où le sort
de chacun de nous dépend de celui des autres, l'ONU ne doit pas être
affaiblie, l'ONU doit être renforcée. Et la réforme de l'ONU, pour
l'adapter aux réalités de ce monde est, pour la France, une priorité
absolue. Nous n'avons pas le temps d'attendre.
C'est à l'échelle
planétaire qu'il faut poser et résoudre les problèmes du monde.
Personne sur la Terre ne
peut se mettre tout seul à l'abri des conséquences du réchauffement
climatique, du choc des civilisations, des grandes épidémies.
Contre les égoïsmes,
contre les fanatismes, contre la haine, nous avons le devoir de
renouveler l'appel à la conscience universelle qui a déjà permis que
pour la première fois dans l'Histoire tous les peuples du monde, toutes
les nations acceptent de se réunir dans une enceinte commune pour se
parler par-delà tout ce qui nous divise.
Cet appel à la conscience
universelle, c'est un appel à la paix. C'est un appel à l'ouverture.
C'est un appel à la diversité. C'est un appel à la responsabilité. Et
c'est un appel à la justice.
La France a toujours
cherché à être plus grande pour les hommes que pour elle-même.
La France comme toutes
les nations a, au cours de sa longue histoire, commis des erreurs et
même parfois des fautes. Mais le peuple français a toujours choisi le
camp de la liberté et celui de la démocratie.
La France est fidèle à
ses amis et aux valeurs qu'elle partage avec eux. Mais la France veut
dire que cette fidélité n'est pas une soumission, cette fidélité n'est
pas un enfermement. Cette fidélité, la France veut la mettre au service
de l'ouverture aux autres.
Je veux dire au monde que
la France restera disponible pour parler avec chacun dans le monde, sur
tous les continents.
Je veux dire aussi que
l'ouverture n'est pas la démission, que la compréhension ce n'est pas la
faiblesse. La faiblesse et la démission ne sont pas des facteurs de paix
mais des facteurs de guerre. La France et l'Europe en ont éprouvé jadis
les conséquences tragiques pour elles-mêmes et pour le monde. Quand on
est faible et soumis, alors on se prépare à accepter la guerre. Et nous
avons tous le devoir de faire en sorte que cela ne recommence jamais.
Il n'y aura pas de paix
dans le monde si la communauté internationale transige avec le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes et avec les droits de l'homme.
Il n'y aura pas de paix
dans le monde si la communauté internationale n'a pas une volonté
farouche de lutter contre le terrorisme.
Il n'y aura pas de paix
dans le monde si la communauté internationale n'est pas unie dans la
volonté d'en finir avec les guerres au Moyen-Orient, dans la volonté
d'en finir avec l'horreur du Darfour, avec la tragédie libanaise ou avec
le drame humanitaire de la Somalie.
Je veux le dire en pesant
mes mots, il n'y aura pas de paix dans le monde si la communauté
internationale fait preuve de faiblesse face à la prolifération des
armements nucléaires. L'Iran a droit à l'énergie nucléaire à des fins
civiles. Mais en laissant l'Iran se doter de l'arme nucléaire, nous
ferions courir un risque inacceptable à la stabilité de la région et à
la stabilité du monde. Je veux dire au nom de la France que cette crise
ne sera résolue que si la fermeté et le dialogue vont de pair.
C'est dans cet esprit que
la France agira.
Je veux dire, au nom de
la France, qu'à la volonté de puissance qui sans cesse menace de rompre
l'équilibre si fragile de la paix, la communauté internationale a le
devoir d'opposer son unité sans faille et sa détermination à faire
prévaloir le droit.
Je veux dire au nom de la
France qu'il n'y aura pas de paix dans le monde sans le respect de la
diversité, sans le respect des identités nationales, sans le respect,
-j'ose le mot, -des religions et des croyances, sans le respect des
cultures.
L'attachement à sa foi, à
son identité, à sa langue, à sa culture, à une façon de vivre, de
penser, de croire, c'est légitime et c'est profondément humain. Le nier,
c'est nourrir l'humiliation. Ce serait donner raison au nationalisme, au
fanatisme, au terrorisme.
On n'évitera pas le choc
des civilisations en imposant à tous les peuples de penser et de croire
la même chose. La France entend poursuivre avec tous les hommes de bonne
volonté le combat pour construire le nouvel ordre mondial du XXIe
siècle. Nous voulons un Liban qui puisse vivre indépendant et nous
disons que la France sera toujours aux côtés du Liban dans sa volonté
d'indépendance
Nous voulons que demain
Israéliens et Palestiniens trouvent en eux-mêmes la force de vivre en
paix. La paix est possible. Elle est possible maintenant et nous y
mettrons toute notre énergie.
Nous voulons la
coexistence pacifique des grandes religions pour vaincre les intégrismes
et les fanatismes.
Mais je veux dire avec
gravité qu'il y a trop d'injustices dans le monde pour que le monde
puisse espérer vivre en paix.
Les fondateurs de l'ONU
savaient qu'on lit l'avenir du monde dans le regard de l'enfant
martyrisé, de l'enfant qui a faim, de l'enfant qui voit ses parents
humiliés, de l'enfant qui depuis sa naissance n'a connu que la guerre,
de l'enfant qu'on a arraché à sa maison, à sa patrie, à sa famille.
Parce que dans le regard
désespéré de cet enfant là, il n'y a pas simplement de la souffrance, il
y a toutes les guerres, toutes les révoltes qui demain ensanglanteront
le monde.
Regardons notre monde tel
qu'il est. Regardons ce que nous en avons fait.
Avons-nous assez voulu
que notre monde devienne plus juste ?
La réponse est non.
Avons-nous assez agi pour
cette justice ? La réponse c'est non
Lorsque le mur de Berlin
est tombé, nous avons tous rêvé que l'histoire cesserait d'être
tragique.
Regardons notre monde tel
qu'il est afin de le rendre meilleur. Jugeons notre monde à l'aune de la
justice.
La justice c'est que les
Palestiniens retrouvent un pays, et construisent un Etat.
La justice c'est que le
peuple israélien ait le droit de vivre en sécurité.
La justice c'est que le
peuple libanais retrouve sa liberté.
La justice c'est que le
peuple irakien dans sa diversité trouve en lui-même le chemin de la
réconciliation, et de la démocratie.
La justice c'est que le
pays en développement auquel on voudrait imposer des règles
environnementales alors que les habitants ont à peine de quoi manger
soit aidé pour les mettre en place.
La justice c'est qu'on ne
puisse pas exploiter les ressources d'un pays sans en payer le juste
prix.
Regardons notre monde en
face. Jamais il n'y a eu autant de phénomènes de rente qui concentrent
autant de profits sur quelques grands groupes.
Il y a dans le monde et
jusque dans les pays les plus riches, une multitude d'hommes et de
femmes, qui même plus l'espoir de sortir un jour de leur détresse
matérielle et morale.
Alors pour terminer, je
veux m'adresser à la conscience de tous ceux qui ont une responsabilité
dans la conduite des affaires du monde.
Parce que si nous ne le
faisons pas, les pauvres et les exploités se révolteront un jour contre
l'injustice qui leur est faite.
C'est d'un nouvel état
d'esprit dont le monde a besoin. C'est un véritable New Deal à l'échelle
planétaire qui est nécessaire. Un New Deal écologique et économique.
Au nom de la France,
j'appelle tous les Etats à se réunir pour fonder le nouvel ordre mondial
du 21ème siècle sur cette idée forte que les biens communs de l'humanité
doivent être placés sous la responsabilité de l'humanité toute entière.
Au nom de la France, je
lance un appel solennel aux Nations Unies pour que, dans ce siècle
marqué par le retour de la rareté, elles se donnent les moyens d'assurer
à tous les hommes à travers le monde l'accès aux ressources vitales, de
l'eau, de l'énergie, de l'alimentation, des médicaments, et de la
connaissance.
Je lance un appel
solennel aux Nations Unies pour qu'elles prennent en main la question
d'une plus juste répartition des profits, de la rente des matières
premières, des rentes technologiques.
Je lance un appel
solennel aux Nations Unies pour qu'elles prennent en main la
moralisation du capitalisme financier.
Je lance un appel aux
Nations Unies pour aller plus loin dans la lutte contre la corruption
qui mine des pays qui souffrent et qui sont trop pauvres.
Mesdames et Messieurs,
Il faut que les choses
changent, que les mentalités changent, que les comportements changent.
C'est notre responsabilité. C'est notre responsabilité maintenant parce
que demain il sera trop tard, parce que sinon nous verrons ressurgir
toutes les menaces que les hommes de l'après-guerre croyaient avoir
conjurées. Ne prenons pas ce risque à la légère.
Peuples du monde,
ensemble nous pouvons construire un avenir meilleur pour tous les
hommes.
Il ne dépend que de nous,
de notre capacité à être fidèles aux valeurs au nom desquelles nous
sommes réunis ici aujourd'hui.
Vous l'avez compris, la
France pense que nous n'avons plus le temps d'attendre. La France
demande l'action, la France encourage l'action, la France sera au
rendez-vous de l'action au service de la paix dans le monde.
Je vous remercie.
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