24/05/2005


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Pierre Hillard, Doctorant en science politique, brillant connaisseur de l’Allemagne et des affaires européennes

 

 

Auteur de l'ouvrage :

 "la décomposition des Nations européennes"

 


Interview exclusive de Pierre Hillard

à Objectif-France Magazine
 

 

Objectif-France (OF) - Le projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe » contient 448 articles, 2 protocoles, des déclarations et des annexes, ces suppléments doublant le volume initial. Cette profusion n’induit-elle pas un risque majeur : marginaliser les citoyens des différents Etats membres dans ce processus européen ? Dans le cadre de la campagne référendaire, les politiques, en fonction de leur positionnement, qualifient le projet de : fédéral, supranational, fédération d’Etats-nation, de libéral, d’ultralibéral …

Et vous, comment l’identifiez-vous ?

 

P. HILLARD (PH) - Au moment de la Révolution française ou, plus exactement, à la fin du Directoire, l’abbé Sieyès souhaitait mettre en place une constitution. Ceci fit dire à Charles-Maurice de Talleyrand : « Une constitution doit être courte … mais surtout obscure ». Dans le cas de la constitution européenne, celle-ci cumule toutes les tares ; elle est interminable et d’un abord fort rebutant. Une chose est sûre. Elle reconnaît la supériorité du droit européen sur le droit national (article I-6), donc exit de la souveraineté des Etats, et officialise les principes ethniques (articles I-2, II-81, II-82). Avec ces textes, les citoyens des Etats nationaux se fondent dans le magma européen. Cette constitution est supranationale dans son organisation politique et libérale dans son organisation interne. Elle favorise une régionalisation traitant directement avec Bruxelles. Les lobbies en tout genre, et anglo-saxons entre autres, vont pouvoir s’en donner à cœur joie.

 

OF – En cas de victoire du oui, à quelles évolutions peut-on s’attendre concernant la place de la France dans l’Europe et dans le monde ? Que pensez-vous de la création d’un poste de Ministre des Affaires étrangères ? Par ailleurs, est-il exact que ce projet nous impose une mainmise de l’OTAN sur notre défense ?

 

PH - Si le oui l’emporte le 29 mai, on peut affirmer que la France quitte la scène internationale au profit de cet Etat européen. L’article I-7 est très clair : « L’Union a la personnalité juridique ». Ceci signifie que l’Union pourra négocier et signer des traités en son nom propre au dépens des Etats. Dans la foulée, l’émergence d’un poste de ministre des Affaires étrangères est logique puisqu’il impulserait la politique de cet Etat européen nouvellement formé. Ce dernier serait à la remorque de l’OTAN, c’est-à-dire des Etats-Unis, puisque l’article I-41 affirme sans détours que « La politique de l’Union (…) respecte les obligations découlant du Traité de l’Atlantique Nord (…) ». Autant dire que l’Union européenne deviendrait la « légion étrangère » du Pentagone.

 

OF – En cas de victoire du non, comment voyez-vous l’après référendum ? Y a-t-il un risque de chaos ? La France sera-t-elle le mouton noir de l’Europe ?

 

PH - Si le non l’emporte, le projet européiste sera momentanément arrêté. Certes, cela sera une victoire pour les tenants de la cause nationale. Cependant, nous ne devrons pas nous bercer d’illusions. L’arrêt du processus européiste ne signifierait pas une victoire complète. Nous serons toujours pris dans l’étau du moloch bruxellois dans le cadre du Traité de Nice. Le véritable changement est celui qui consiste à divorcer de l’Union européenne afin de retrouver notre indépendance politique. Par la suite, nous pourrions entretenir des coopérations étroites avec d’autres Etats dans différents domaines comme nous le pratiquons déjà pour Airbus ou Ariane. Loin d’être le chaos, c’est une renaissance qui attendrait la France et, par ricochet, les autres pays de l’Union qui pourraient faire sécession. La France deviendrait la figure de proue du renouveau des Etats mais aussi de la civilisation européenne.

 

OF – Le fantôme du général de Gaulle plane, une fois de plus, sur cette période de campagne. Si l’on se réfère uniquement à ses actions, à ses prises de position, à ses discours, à ses écrits, qu’elle est le positionnement qui répond le mieux au qualificatif de gaulliste ? Pourquoi ?

 

PH - Le terme qui répond le mieux au qualificatif de gaulliste est, à mon avis, celui de résistant. La politique du général de Gaulle a toujours été de s’opposer au principe de l’Empire. L’Union européenne est un Empire en formation destructeur de la nation France. Le général de Gaulle se serait élevé contre cet Empire germano-anglo-saxon inféodé à Washington. Le grand malheur pour la France est de ne pas avoir un grand homme, un politique véritable, à la tête du pays. Cependant, nous ne devons pas désespérer. En histoire, la roue tourne.

 

OF – Pour ce qui vous concerne, que ferez-vous le 29 mai ?

 

PH - Devinez …