Communiqué du 05 mars 2008

 

"Caisse noire" et provocation

 
  • JULES CLAUWAERT

Comme on interrogeait un jour François Mauriac sur ses rapports avec l’argent, il utilisa le filet de voix qui rendait suaves ses propos les plus acides, pour répondre que ce n’était pas un problème, à condition d’en posséder assez pour n’avoir pas à y penser... À coup sûr, dans sa thébaïde de Malagar, il ne connaissait pas de soucis de fin de mois. Mais on ne l’imaginait pas choisissant de préférence la compagnie de ceux qui faisaient étalage de leur réussite en affaires, ou dans la carrière politique. À quelques-uns parmi eux, il réservait ses billets d’humeur les plus féroces.

Est-ce à dire qu’il participerait aujourd’hui à la danse du scalp, qui n’a pas tardé à succéder à celle des canards, autour d’un nouveau Président qui s’était apparemment juré de nous étonner ? Il serait de mauvais goût de mêler aujourd’hui un défunt, polémiste de talent s’il en fut, à quelque cortège de partisans ou d’adversaires de Nicolas Sarkozy.

Mais l’écrivain, resté compagnon fidèle de Charles de Gaulle, partageait à coup sûr le jugement laconique de celui-ci sur une partie des ralliés de la vingt-cinquième heure : "Ils aiment trop l’argent"... Quelques mots qui en disaient long, pour cette génération qui se faisait une aussi haute idée de la France, et puis de son rôle en Europe, et dans le Monde.

Quelques mots qui faisaient peur, à quelques catégories, dès lors que le Grand Charles voyait dans la "participation" des travailleurs au sein des entreprises, l’une des solutions, pour régler la question sociale.

Ceux-là, pour qui "la seule bataille qui vaille est celle de l’homme"[1], auraient-ils admis que les structures politiques d’une démocratie soient impuissantes devant les impératifs du marché, et du capitalisme financier ? Et comment rendre possibles les réformes qu’exige le simple principe de réalité, si la distorsion entre les revenus d’une minorité et ceux des salariés du bas de l’échelle, interdit le minimum de consensus nécessaire pour construire un "vivre ensemble" et un avenir meilleurs ?

La moindre exigence, aujourd’hui est de réclamer un minimum de transparence, quand le président de l’une des plus importantes branches du Medef doit rendre compte en Justice de l’utilisation d’une "caisse noire", au profit d’on ne sait qui ? Comment ne pas crier à la provocation, quand on apprend que le même responsable "négocie" en millions d’euros son indemnité de départ, et la prise en charge financière d’une éventuelle condamnation ? De quelle solidarité parle-t-on, quand des bénévoles se dévouent chaque jour pour soulager la pauvreté honteuse ? 

www.nordeclair.fr

 

[1] Précision d'Objectif-France : citation du général de Gaulle