Comme
on interrogeait un jour François Mauriac sur ses rapports avec
l’argent, il utilisa le filet de voix qui rendait suaves ses
propos les plus acides, pour répondre que ce n’était pas un
problème, à condition d’en posséder assez pour n’avoir pas à y
penser... À coup sûr, dans sa thébaïde de Malagar, il ne
connaissait pas de soucis de fin de mois. Mais on ne l’imaginait
pas choisissant de préférence la compagnie de ceux qui faisaient
étalage de leur réussite en affaires, ou dans la carrière
politique. À quelques-uns parmi eux, il réservait ses billets
d’humeur les plus féroces.
Est-ce à dire qu’il participerait
aujourd’hui à la danse du scalp, qui n’a pas tardé à succéder à
celle des canards, autour d’un nouveau Président qui s’était
apparemment juré de nous étonner ? Il serait de mauvais goût de
mêler aujourd’hui un défunt, polémiste de talent s’il en fut, à
quelque cortège de partisans ou d’adversaires de Nicolas
Sarkozy.
Mais l’écrivain, resté compagnon
fidèle de Charles de Gaulle, partageait à coup sûr le jugement
laconique de celui-ci sur une partie des ralliés de la
vingt-cinquième heure : "Ils aiment trop l’argent"...
Quelques mots qui en disaient long, pour cette génération qui se
faisait une aussi haute idée de la France, et puis de son rôle
en Europe, et dans le Monde.
Quelques mots qui faisaient peur,
à quelques catégories, dès lors que le Grand Charles voyait dans
la "participation" des travailleurs au sein des entreprises,
l’une des solutions, pour régler la question sociale.
Ceux-là, pour qui "la seule
bataille qui vaille est celle de l’homme"[1],
auraient-ils admis que les structures politiques d’une
démocratie soient impuissantes devant les impératifs du marché,
et du capitalisme financier ? Et comment rendre possibles les
réformes qu’exige le simple principe de réalité, si la
distorsion entre les revenus d’une minorité et ceux des salariés
du bas de l’échelle, interdit le minimum de consensus nécessaire
pour construire un "vivre ensemble" et un avenir meilleurs ?
La moindre exigence, aujourd’hui
est de réclamer un minimum de transparence, quand le président
de l’une des plus importantes branches du Medef doit rendre
compte en Justice de l’utilisation d’une "caisse noire", au
profit d’on ne sait qui ? Comment ne pas crier à la provocation,
quand on apprend que le même responsable "négocie" en millions
d’euros son indemnité de départ, et la prise en charge
financière d’une éventuelle condamnation ? De quelle solidarité
parle-t-on, quand des bénévoles se dévouent chaque jour pour
soulager la pauvreté honteuse ?
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[1] Précision
d'Objectif-France : citation du général de Gaulle
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