Communiqué du 01 mars 2008

 

Sarkozy, ou la fulgurante déception

 
  • Par Nicolas Dupont-Aignan, député-maire de Yerres (Essonne). Après l'état de grâce, vient aujourd'hui l'ère de la défiance des Français à l'égard du président. Au moins cette situation a-t-elle l'avantage de mieux nous préparer aux prochaines élections !

La chute brutale de popularité de Nicolas Sarkozy est d'une gravité extrême car ses causes n'ont rien à voir avec celles qu'ont pu expliquer celle de ses prédécesseurs ! Il ne s'agit pas seulement d'une déception vis-à-vis de la politique menée mais d'une interrogation profonde et justifiée sur la capacité de Nicolas Sarkozy à assumer la charge de Président de la République, et à incarner une « certaine idée » de la France.

Nos compatriotes ont élu Nicolas Sarkozy car ils ont été séduits par son énergie, son volontarisme politique et son programme de rupture avec la pensée unique. Ils doutent aujourd'hui pour trois raisons.


Une fonction sans incarnation
Tout d'abord, pouvaient-ils imaginer que, pour la première fois sous la Vème République, l'heureux élu ne ferait pas, une fois intronisé, sa mue présidentielle ? Tous les Présidents ont su, en effet, se hisser dès leur entrée en fonction à la hauteur de leur suprême mission et faire preuve, quels que fussent leurs faiblesses ou leurs défauts par ailleurs, de dignité, de mesure, en un mot, d'une sorte de « sagesse présidentielle ».

Loin d'être métamorphosé par la fonction, Nicolas Sarkozy a au contraire voulu plier les institutions de la Vème à son égo. Il n'a pas compris que loin d'incarner la rupture, il se privait alors des moyens de la mettre en œuvre. Ce qui a pu un moment séduire les magazines people est vite devenu insupportable aux Français qui, en fait d'un chef de l'Etat, se sont réveillés avec une star de la politique spectacle.

Augmentation inconvenante de son salaire, vacances au frais de milliardaires, étalage de sa vie privée, absence de maîtrise de soi, il n'y a vraiment que le petit milieu parisien blasé de tout qui pouvait tolérer ce comportement. Heureusement la France ne se résume pas à Neuilly !

 
La politique des « coups »

Mais la déception des Français puise ses racines plus loin encore. Nicolas Sarkozy a du talent, il est habile, cela ne fait aucun doute. Pour autant, le Président de la République n'est pas là pour tenir en haleine le pays avec des « coups » politico-médiatiques sans lendemain, à la manière d'un avocat brillant sachant emporter « affaires » sur « affaires ». Le Président de la République est là pour mener dans la durée une action cohérente, suivie, globale, au service de l'intérêt de la France et des Français.

L'esbroufe impressionne sur le moment. Mais, portée aux nues sur le coup, elle se révèle bien souvent contre-productive dès le lendemain. Ainsi, au sommet de Bruxelles de juin dernier, Nicolas Sarkozy a été applaudi par des médias unanimes, pour avoir soi-disant « sauvé l'Europe ». Pourtant, en ce début d'année, nos compatriotes ont fini par découvrir le pot aux roses. Le traité de Lisbonne n'est que le retour de la Constitution européenne qui aggrave les dérives de l'UE, à des années-lumière du « mini-traité » promis. Quant à la ratification parlementaire, elle apparaît au grand jour pour ce qu'elle est : un déni de démocratie pur et simple.

De même le paquet fiscal fut populaire en juillet car il semblait répondre à l'aspiration légitime de nos concitoyens à l'accès à la propriété, mais impopulaire dès septembre car totalement inefficace pour stimuler le pouvoir d'achat. Un jour le rapport Attali, le lendemain la capitulation face aux taxis. Un jour les caisses sont vides, le lendemain 200 euros de plus pour le minimum vieillesse – en parfaite contradiction avec l'annonce faite quelques heures avant par le Premier ministre !
L'activisme s'est transformé en agitation, pour ne pas dire en hyperactivité…


Un modèle loin des aspirations des citoyens
Enfin, à la déception des Français s'ajoute l'inquiétude sur le modèle qui semble inspirer Nicolas Sarkozy et qui avait été soigneusement dissimulé sous des discours de campagne inspirés par Henri Guaino.

En effet, derrière les coups de menton contre Bruxelles et l'OMC, derrière les déclarations martiales voire menaçantes, se dessine un projet politique totalement décalé par rapport aux aspirations profondes des Français. La remise en cause de la laïcité comme la dérive euro-atlantiste en politique étrangère, avec l'engagement accru en Afghanistan (au mépris des déclarations de veille de second tour présidentiel) et la création d'une base à Abou Dhabi, éloignent un peu plus les Français du Président.


Le cumul de ces comportements, de ces déceptions, de ces contradictions, explique sans aucun doute la colère grandissante des Français. La gauche étant incapable d'offrir la moindre alternative sérieuse, l'UMP ayant étouffé les gaullistes et les républicains, le Centre se débattant dans ses guerres picrocholines, il va de soi que notre pays est au devant de grands périls.
Plus que jamais il nous revient de préparer une alternative politique. Dignité dans l'exercice de la fonction présidentielle. Respect de la République, du peuple et des institutions, continuité et cohérence dans l'action, nouvelle voie économique et sociale, reconstruction inévitable de l'Europe.
Les défis de l'après Sarkozy sont déjà là !