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Par
Nicolas Dupont-Aignan,
député-maire de Yerres (Essonne). Après l'état de grâce,
vient aujourd'hui l'ère de la défiance des Français à
l'égard du président. Au moins cette situation a-t-elle
l'avantage de mieux nous préparer aux prochaines élections !
La
chute brutale de popularité de Nicolas Sarkozy est d'une gravité
extrême car ses causes n'ont rien à voir avec celles qu'ont pu
expliquer celle de ses prédécesseurs ! Il ne s'agit pas
seulement d'une déception vis-à-vis de la politique menée mais
d'une interrogation profonde et justifiée sur la capacité de
Nicolas Sarkozy à assumer la charge de Président de la
République, et à incarner une « certaine idée » de la France.
Nos compatriotes ont élu Nicolas Sarkozy car ils ont été séduits
par son énergie, son volontarisme politique et son programme de
rupture avec la pensée unique. Ils doutent aujourd'hui pour
trois raisons.
Une fonction sans
incarnation
Tout d'abord, pouvaient-ils imaginer que, pour la première fois
sous la Vème République, l'heureux élu ne ferait pas, une fois
intronisé, sa mue présidentielle ? Tous les Présidents ont su,
en effet, se hisser dès leur entrée en fonction à la hauteur de
leur suprême mission et faire preuve, quels que fussent leurs
faiblesses ou leurs défauts par ailleurs, de dignité, de mesure,
en un mot, d'une sorte de « sagesse présidentielle ».
Loin d'être métamorphosé par la fonction, Nicolas Sarkozy a au
contraire voulu plier les institutions de la Vème à son égo. Il
n'a pas compris que loin d'incarner la rupture, il se privait
alors des moyens de la mettre en œuvre. Ce qui a pu un moment
séduire les magazines people est vite devenu insupportable aux
Français qui, en fait d'un chef de l'Etat, se sont réveillés
avec une star de la politique spectacle.
Augmentation inconvenante de son salaire, vacances au frais de
milliardaires, étalage de sa vie privée, absence de maîtrise de
soi, il n'y a vraiment que le petit milieu parisien blasé de
tout qui pouvait tolérer ce comportement. Heureusement la France
ne se résume pas à Neuilly !
La politique des « coups »
Mais la déception des Français puise ses racines plus loin
encore. Nicolas Sarkozy a du talent, il est habile, cela ne fait
aucun doute. Pour autant, le Président de la République n'est
pas là pour tenir en haleine le pays avec des « coups »
politico-médiatiques sans lendemain, à la manière d'un avocat
brillant sachant emporter « affaires » sur « affaires ». Le
Président de la République est là pour mener dans la durée une
action cohérente, suivie, globale, au service de l'intérêt de la
France et des Français.
L'esbroufe impressionne sur le moment. Mais, portée aux nues sur
le coup, elle se révèle bien souvent contre-productive dès le
lendemain. Ainsi, au sommet de Bruxelles de juin dernier,
Nicolas Sarkozy a été applaudi par des médias unanimes, pour
avoir soi-disant « sauvé l'Europe ». Pourtant, en ce début
d'année, nos compatriotes ont fini par découvrir le pot aux
roses. Le traité de Lisbonne n'est que le retour de la
Constitution européenne qui aggrave les dérives de l'UE, à des
années-lumière du « mini-traité » promis. Quant à la
ratification parlementaire, elle apparaît au grand jour pour ce
qu'elle est : un déni de démocratie pur et simple.
De même le paquet fiscal fut populaire en juillet car il
semblait répondre à l'aspiration légitime de nos concitoyens à
l'accès à la propriété, mais impopulaire dès septembre car
totalement inefficace pour stimuler le pouvoir d'achat. Un jour
le rapport Attali, le lendemain la capitulation face aux taxis.
Un jour les caisses sont vides, le lendemain 200 euros de plus
pour le minimum vieillesse – en parfaite contradiction avec
l'annonce faite quelques heures avant par le Premier ministre !
L'activisme s'est transformé en agitation, pour ne pas dire en
hyperactivité…
Un modèle loin des
aspirations des citoyens
Enfin, à la déception des
Français s'ajoute l'inquiétude sur le modèle qui semble inspirer
Nicolas Sarkozy et qui avait été soigneusement dissimulé sous
des discours de campagne inspirés par Henri Guaino.
En effet, derrière les coups de menton contre Bruxelles et
l'OMC, derrière les déclarations martiales voire menaçantes, se
dessine un projet politique totalement décalé par rapport aux
aspirations profondes des Français. La remise en cause de la
laïcité comme la dérive euro-atlantiste en politique étrangère,
avec l'engagement accru en Afghanistan (au mépris des
déclarations de veille de second tour présidentiel) et la
création d'une base à Abou Dhabi, éloignent un peu plus les
Français du Président.
Le cumul de ces comportements, de ces déceptions, de ces
contradictions, explique sans aucun doute la colère grandissante
des Français. La gauche étant incapable d'offrir la moindre
alternative sérieuse, l'UMP ayant étouffé les gaullistes et les
républicains, le Centre se débattant dans ses guerres
picrocholines, il va de soi que notre pays est au devant de
grands périls.
Plus que jamais il nous revient de préparer une alternative
politique. Dignité dans l'exercice de la fonction
présidentielle. Respect de la République, du peuple et des
institutions, continuité et cohérence dans l'action, nouvelle
voie économique et sociale, reconstruction inévitable de
l'Europe.
Les défis de l'après Sarkozy sont déjà là !
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