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N° 21 du


14/04/2004

Info-flash spécial

 

Nicolas
DUPONT-AIGNAN

 

Député de l’Essonne

Président de Debout la République

 

 

 

 

 

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Pour une autre Europe

« Rien n’est jamais définitivement perdu dans la vie des peuples, si leurs dirigeants ne s’abandonnent pas aux fausses fatalités de l’histoire. » Charles de Gaulle

 

Après le lourd échec qu’elle a connu aux élections régionales, l’UMP ne peut se permettre d’aborder les élections européennes de juin prochain sans clarifier sa ligne politique sur l’Europe.

Mais quand on débat d’Europe, encore faut-il savoir de quoi on parle ! Evoque-t-on l’idéal de rapprochement des peuples - qui fait l’unanimité - ou le fonctionnement du super Etat en pointillé d’aujourd’hui ? Discute-t-on des politiques communes volontaristes des années 60 ou du marché unique ultra-libéral des années 90 ? Aborde-t-on les règles des traités ou l’application qui en est faite ? La complexité de la construction européenne, ses changements très profonds de degré puis de nature au cours des quarante dernières années, nourrissent une somme de malentendus. Des malentendus qui, malheureusement, empêchent les responsables politiques et les citoyens d’y voir clair et de se prononcer vraiment sur le fond des choses.

 

De même, ayons une fois pour tout l’honnêteté de le reconnaître : compte tenu du haut degré d’intégration européenne auquel nous sommes parvenus, donner sa vision de l’Europe c’est nécessairement livrer sa conception de la France.

 

Ainsi, aller plus loin dans une logique fédérale où la réalité du pouvoir est exercée par des institutions supranationales, c’est accepter que le peuple français perde définitivement la maîtrise de son destin. La chose est défendable mais doit être assumée dans la clarté.

« Honte aux pays où l’on se tait ! » disait Georges Clemenceau.

 

C’est justement parce que nous sommes devant un choix crucial pour l’avenir de l’Europe et de la France que nous avons le devoir d’en débattre entre nous.

La question n’est plus d’être « pour » ou « contre » l’Europe. En effet, après cinquante ans de construction européenne aux effets globalement positifs, qui pourrait sérieusement vouloir revenir aux rivalités nationales du siècle dernier ? La question est plutôt quelle Europe nous voulons. Une Europe qui s’appuie sur les nations démocratiques qui la compose et s’enrichit de ses différences ? Ou une Europe intégrée dotée d’un super Etat qui les nie ?

Au moment où l’impasse fédéraliste est sous nos yeux, allons nous poursuivre dans cette dernière voie, avec un projet de « constitution » et la perspective cachée mais bien réelle de l’adhésion de la Turquie, qui pousseraient à leur paroxysme les dérives d’aujourd’hui ?

 

Une autre Europe respectueuse des Nations peut et doit exister. Saisissons donc la crise actuelle pour lui donner sa chance.

 

L’emballement fédéral a jeté les bases d’un super-Etat antidémocratique et inefficace

Zone de Texte: L’emballement fédéral a jeté les bases d’un super-Etat antidémocratique et inefficace

 

1 La montée en puissance du fédéralisme

 

Depuis ses origines, deux conceptions de l’Europe s’affrontent : la première, confédérale, veut que les Etats européens coopèrent entre eux là où ils gagneraient à le faire mais de manière ponctuelle, sectorielle et révocable (« délégation » de souveraineté nationale). La seconde, fédérale, aspire à une fusion des nations sous la houlette d’un super-Etat qui se substituerait progressivement aux Etats-nations (« transfert » de souveraineté nationale).

 

Durant les années 1960, la France du Général de Gaulle avait veillé à ce que l’esprit confédéral l’emporte, imposant notamment le « compromis de Luxembourg » qui permettait aux Etats de défendre leurs intérêts vitaux grâce à un droit de veto. Mais par la suite, le penchant fédéraliste a repris le dessus pour aboutir, après le banc d’essai de l’Acte unique (1), aux traités supranationaux des années 1990 (Maastricht, Amsterdam, Nice).

Ainsi, s’appuyant sur les nouvelles compétences qu’on leur a accordé et sur leur prédominance dans le jeu des pouvoirs (2) communautaires, les instances supranationales (Commission, Cour européenne de Justice et Parlement européen) ont progressivement pu affirmer leur prédominance sur le Conseil des ministres (organe représentant les Etats) et l’action inter-étatique. Gardienne d’un « intérêt général européen » pour le moins incertain, la Commission s’est surtout lancée dans une boulimie normative et tracassière avec un double objectif : façonner petit à petit par des règles communes un « peuple européen » qui n’existe pas, déréguler les marchés nationaux pour satisfaire son dogme ultra-libéral et les grands intérêts privés, souvent américains et japonais, qui montent la garde à ses portes.

Face aux organes supranationaux, les Etats, entre résistance et complaisance, ont accepté que la règle de la majorité qualifiée s’étendent toujours plus : cela signifie concrètement qu’une majorité d’Etats peut imposer à la minorité, sans aucun espoir de rémission, des mesures dont cette dernière ne veut pas. Récemment, la France a ainsi été mise en minorité sur la politique agricole commune (et a dû avaler une douloureuse réforme), sur le statut de parti politique européen (qui pourrait menacer à terme nos règles de financement de la vie publique), sur la TVA à 5,5% pour l’hôtellerie restauration (la promesse allemande de débloquer la situation en 2006 a largement le temps de ne pas être tenue). L’hypocrisie des gouvernements les a d’ailleurs souvent conduit à se défausser sur l’Europe de la responsabilité de certaines réformes accentuant ainsi la perte de crédibilité des pouvoirs politiques nationaux.

Parallèlement, le contrôle parlementaire est totalement impuissant à enrayer cette mécanique, où des pans entiers de la loi (normalement débattue et votée par le Parlement) sont décidés dans le secret des négociations diplomatiques puis imposées aux assemblées (un refus du Parlement de transposer pouvant mécaniquement aboutir à une mise en cause du pays concerné devant la CJCE). Cela est particulièrement vrai en France, où le parlementarisme rationalisé de la Vème République, détourné de sa vocation première, a perdu toute fonction délibérative et réellement décisionnaire. En témoigne l’adoption par ordonnances, encore tout récemment, de nombreuses directives.

 

Quand le gouvernement est mis en minorité à Bruxelles et quand le Parlement est autant court-circuité, les deux principes fondateurs de notre démocratie sont bafoués : celui de la souveraineté nationale qui n’appartient qu’au peuple et celui de la séparation des pouvoirs qui prémunit contre l’arbitraire.

 

Aujourd’hui le comble est atteint avec la tentative de coup d’Etat fédéral de la Commission contre les Etats. La Commission a déposé plainte contre les Etats auprès de la CJCE pour faire annuler leur décision de geler les mécanismes de sanction du Pacte de stabilité.

Antidémocratique, on le voit bien, ce système n’est même pas efficace, comme en témoigne l’exemple de l’UEM.

 

2 Les ratés de l’Union économique et monétaire

 

On dit souvent que les difficultés de l’Europe économique et monétaire tiennent à une insuffisance d’Europe. Pourtant, les organes supranationaux détiennent d’ores et déjà les principaux leviers de la politique économique : concurrence intérieure, douanes, taux d’intérêt et politique de change, la politique budgétaire laissée aux Etats étant sévèrement encadrée par les traités (Pacte de stabilité). Seule la politique fiscale reste de l’entier ressort des Etats (à l’exception notable de la TVA). Les performances médiocres de cet attelage s’expliquent  par l’entêtement idéologique (mélange d’ultra-libéralisme et de monétarisme) d’institutions bureaucratiques (Commission, BCE, CJCE) qui, par leurs statuts, sont libérées de tout contrôle démocratique. Ainsi, le pouvoir des juges et des experts l’emporte sur celui des citoyens.

La politique de concurrence pratiquée par Bruxelles est bancale : sur le plan intérieur, elle tend à réduire les spécificités nationales au risque de déstabiliser les économies des pays membres (menace sur les services publics à la française, remise en cause des noyaux durs dans l’industrie allemande) et s’oppose excessivement à la mise sur pied de champions industriels européens (Schneider-Legrand) sans s’opposer aux OPA extérieure (Péchiney vendu au canadien Alcan). Elle entrave aussi la nécessaire implication des Etats dans leur tissu économique en période de crise (Alstom, amende de 16,7 millions d’€ aux syndicats professionnels de la filière bovine pour entente illicite, avec l’accord du gouvernement français, lors de la crise de la vache folle, amende de 900 millions d’€ à EDF,…). Sur le plan extérieur, la Commission pratique une politique de démantèlement unilatérale de nos frontières, là où les économies européennes, compte tenu de la guerre commerciale sans merci qui leur est livrée, auraient intérêt à un ajustement douanier permanent, réactif et efficace (comme le font sans complexe les Etats-Unis). Au total, la Commission fait du marché intérieur européen une simple zone du libre-échange mondial, accélérant les délocalisations industrielles.

Au plan monétaire, la Banque centrale européenne ne se soucie pas de croissance mais est obsédée par la lutte contre une inflation résiduelle. Elle pratique une politique de taux d’intérêt du « trop peu trop tard » (à l’inverse de ce que font toutes les autres banques centrales, notamment américaine). En matière de change, elle se satisfait d’une flambée de l’euro face au dollar qui est pourtant nuisible à l’activité. Conséquence de quoi, les économies européennes hors-zone euro (Grande-Bretagne, Danemark, Suède) se portent bien mieux que celles qui sont dedans ! Prisonnière d’un dogme stupidement inscrit dans les traités, la BCE est en train de tuer à petit feu un euro qu’elle a pourtant en charge de défendre !

 

3 Enfin, cette Europe confuse, brouillonne et peu efficace s’élargit à tout va

 

Si l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale est politiquement nécessaire, ses modalités ne sont guère satisfaisantes. Les conséquences économiques et migratoires de cette réunification ont été largement sous-estimées.

 

Dans ce contexte, la fuite en avant dans l’adhésion de la Turquie à l’UE est une véritable folie qui risque d’ébranler sérieusement la construction européenne et de dresser les peuples contre leurs dirigeants. Peu justifiable à tous les niveaux (malgré ce qu’en disent les bureaux de Bruxelles), la tentation de l’adhésion turque illustre l’irresponsabilité et l’irréalisme de l’Europe à dominante fédérale.


L’inefficacité de cette Europe suscite depuis plusieurs années un fort mécontentement populaire, dans tous les pays, l’Europe s’acharnant à détruire la diversité du continent qui est pourtant sa richesse et ne s’occupant pas des vrais problèmes où les nations gagneraient à unir leurs forces (industrie, infrastructures, recherche scientifique). Or, loin d’inverser cette tendance, le projet de « constitution » européenne l’aggrave.

 

La mystification de la « constitution » européenne, ultime coup de poker du fédéralisme communautaire

Zone de Texte: La mystification de la « constitution » européenne, ultime coup de poker du fédéralisme communautaire

 

On présente souvent le projet de « constitution »(3) comme une sortie par le haut de la crise actuelle. Cela n’est pas exact : la « constitution » (dont le nom constitue tout un programme à lui seul) aggrave les dynamiques fédéralistes, ne résout aucun problème de l’UEM et dépossède grandement les Etats – et à travers eux les citoyens - de ce qui leur reste de souveraineté.

 

1 Les trois dangers de la « constitution »


Avec cette « constitution », l’UE mettrait à sa tête un quasi Etat fédéral, doté des habillages d’une souveraineté propre, d’une capacité d’immixtion juridique sans limite dans la vie des nations, de compétence exclusives et extensives très nombreuses.

 

Premier danger, l’émergence d’un super-Etat : l’UE obtiendrait la personnalité juridique (article 6), c’est à dire qu’elle deviendrait un Etat de plein exercice sur la scène mondiale, représentant un « peuple européen » (qui remplacerait désormais les nations dans les traités). Parallèlement, serait créé un ministre des Affaires étrangères de l’UE (article 15) auquel seraient subordonnées les diplomaties nationales et qui occuperait le futur siège de l’UE au Conseil de sécurité des Nations-Unies (devant à terme remplacer le siège de la France, comme le laisse supposer les conditions d’adoption par le Parlement européen du récent rapport Laschet) (4). L’immixtion permanente de la CJCE dans la vie quotidienne des citoyens consacre la primauté explicite et définitive du droit communautaire sur le droit des Etats (y compris constitutionnel). Ceci sera aggravé par l’intégration de la Charte des droits fondamentaux (partie II) dans la « constitution », perspective qui va jusqu’à effrayer Jacques DELORS lui-même.

 

Deuxième danger, l’architecture et la terminologie retenues dans la « constitution » anticipent celles d’un Etat fédéral. La Commission deviendrait le pivot du système, sorte de gouvernement dont le Président serait investi par le Parlement européen, lui conférant une légitimité d’apparence démocratique. L’intention de conférer une sorte d’apparence démocratique aux institutions européennes se retrouve aussi au niveau du Parlement de Bruxelles, dont le pouvoir de codécision est grandement accru. La terminologie employée est par ailleurs des plus évocatrices : avec la « constitution », les actuelles « directives » de Bruxelles deviendraient des « lois-cadre », les « règlements » des « lois » (article 32),… Avec la généralisation du vote à la majorité qualifiée dans une foule de domaines (une trentaine au total) et la répartition des compétences, le Conseil perdrait progressivement son caractère intergouvernemental pour devenir le futur Sénat de l’UE. L’élection d’un Président du Conseil pour deux ans et demi ne rééquilibrera pas les choses puisque ce dernier risque surtout d’inaugurer les chrysanthèmes.

 

Troisième danger, le projet de « constitution » prévoit une extension très vaste des compétences communautaires, de sorte que désormais l’UE se mêlerait de tout. Le nombre des compétences dévolues exclusivement (article 12) ou prioritairement (article 13) aux instances supranationales augmente. D’une manière générale, tout est fait pour que, une fois la « constitution » adoptée, le fédéralisme puisse aller de l’avant sans révision formelle des traités - c’est-à-dire sans que les peuples aient voix au chapitre – ou en échappant même à la décision des Etats : ainsi, certaines « lois-cadres » pourront être édictées directement par la Commission sans en passer par le Conseil.

Face à lui, les Etats-nations ne pourraient exercer leur souveraineté résiduelle, dans le cadre de coopérations renforcées, que pour aller encore plus loin dans le fédéralisme, en aucun cas pour y déroger (article 17). De même, tous les garde-fous prétendument démocratiques sont soit impraticables (par exemple le droit de sécession) soit factices (par exemple le contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux ou le « droit de pétition » absolument non-contraignants pour la Commission). Au total, la « constitution » apparaît comme une véritable anti-République française.

 

2 Une construction antidémocratique et donc impuissante


Cette « constitution » de nature fédérale rend clairement obsolètes les mécanismes de contrôle des démocraties nationales (plus que jamais, le vote des citoyens ne pourra en rien peser sur les politiques menées). Mais là où le bât blesse vraiment, c’est qu’elle ne substitue pas aux démocraties nationales une démocratie européenne puisque dans la réalité il n’existe pas de « peuple européen » à l’intérieur duquel le jeu normal de la démocratie pourrait avoir lieu.

Les barrières de la culture, de la langue, des traditions diverses, des valeurs différentes rendent tout simplement impossible une vie politique européenne, comme en témoigne l’absence de légitimité populaire du Parlement européen. L’indifférence que soulèvent les élections européennes en est une preuve indéniable. De même, la « constitution » n’a pas été élaborée par une constituante élue par les citoyens, mais par les Etats, les institutions supranationales et les représentants de la « société civile » (les lobbies).

Ce vide démocratique sidéral de l’Europe risque de provoquer la révolte des peuples, privés de l’exercice véritable du suffrage universel, qui devient de plus en plus dans chaque pays une fiction. A ceux qui invoquent une conscience européenne, rappelons que cette conscience s’inscrit plutôt dans un sentiment d’appartenance au monde occidental, dont les limites géographiques dépassent de très loin la seule Europe.

Et, si cette conscience occidentale rassemble les pays d’Europe, elle ne peut pour autant servir de socle de légitimité à l’exercice du pouvoir démocratique (c’est à dire l’acceptation par la minorité de la loi de la majorité) . C’est pourquoi il est illusoire de prétendre bâtir une « Europe-puissance » sur cette base, sur ce fédéralisme au rabais et qui avance masqué. A l’arrivée, l’Europe de la « constitution », si elle devait voir le jour, ressemblerait à une grande Suisse impotente et dépendante des Etats-Unis (le volontarisme de la France étant submergé par l’atlantisme ou le neutralisme de ses partenaires).

Au total, ce projet (baptisé « constitution » pour redorer comme par enchantement la légitimité ternie d’un traité de Maastricht qui a échoué techniquement et politiquement) ne résoudrait en rien la crise de l’Europe mais l’aggraverait. Faut-il alors se résoudre à en rester au traité de Nice ? Le moment paraît venu, au contraire, de tirer les leçons des échecs du passé pour se tourner résolument vers l’avenir et inventer une autre coopération continentale car chaque nation, dans un monde qui change, a évidemment besoin du levier européen.

 

Construisons

maintenant

l’Europe du bon sens

 

Zone de Texte: Construisons
maintenant 
l’Europe du bon sens
 

 

La difficulté à réformer aujourd’hui en France le montre indiscutablement : sans projet de long terme qui met en perspective les efforts demandés aux uns et aux autres, il n’est pas possible d’entraîner le pays sur la voie du changement. Or, l’Europe n’étant qu’un horizon identitaire lointain, le projet doit d’abord être national. Reconstruire l’Europe sur des bases assainies, c’est donc avant tout permettre une articulation féconde entre le projet national et l’horizon européen. Pour que l’Europe devienne le levier au moyen duquel les nations réussissent mieux ensemble que seules, plusieurs conditions doivent être réunies : instaurer une confédération qui additionne les forces sans les raboter, délimiter l’UE, humaniser l’UEM et lancer l’Europe des défis à géométrie variable.

 

1- La confédération


Renouer avec la logique confédérale permettra avant tout de rétablir un ordre des responsabilités politiques lisible et donc de rendre confiance aux peuples dans leurs dirigeants, notamment en France ainsi que dans les institutions européennes.

Si, pour la gestion marché intérieur, la majorité qualifiée doit être maintenue, c’est bel et bien vers l’Europe à la carte qu’il faut s’engager pour tout le reste.

Une nouvelle architecture institutionnelle replacerait au cœur du système le Conseil européen présidé par un chef d’Etat ou de gouvernement d’une des six principales nations. Concernant les votes à la majorité qualifiée (pour le marché intérieur), une nouvelle pondération serait mise en place sur la base de l’égalité rétablie entre les quatre grandes nations. Le compromis de Luxembourg serait rétabli.

La Commission, quant à elle, redeviendrait la structure administrative de mission chargée de réfléchir aux intérêts communs des Européens et de garantir la diversité culturelle et linguistique. Elle serait composée de commissaires en nombre égal à celui des pays membres, ces derniers étant des fonctionnaires temporairement détachés de leur administration d’origine. Le domaine d’action de la CJCE serait étroitement encadré par traité, et l’institution serait chapeautée par une Cour de Cassation composée de magistrats nationaux pour éviter l’extension sans fin d’une jurisprudence européenne qui n’est pas limitée par les traités. La Banque centrale européenne serait encadrée par un Conseil des ministres de l’euro. Son objectif prioritaire deviendrait celui de la croissance, sa composition serait élargie à des économistes non-dogmatiques, voire à des représentants syndicaux. La BCE conserverait une indépendance relative pour la mise en œuvre des buts conjoncturels que lui fixerait le Conseil.

Une seconde chambre européenne serait instaurée, composée de représentants des Parlements nationaux : elle préparerait et accompagnerait les négociations des Etats membres sur les décisions prises à la majorité qualifiée et aurait le dernier mot sur le Parlement européen en matière de codécision.

 

Concernant, enfin, la France, l’article 88-4 de la Constitution serait renforcé, permettant au Parlement de délimiter plus efficacement le mandat confié aux gouvernements dans le cadre des négociations touchant au domaine de la loi.

Cette délimitation juridique claire et démocratique doit s’accompagner d’une délimitation des frontières externes et internes de l’Union.

 

2 Délimiter l’Union :

 

D’un côté, il convient une fois pour toute de poser que l’Europe s’arrête au Maghreb, aux pays russes, à la Turquie et au Moyen-Orient. Bien entendu, des traités de coopération renforcée entre l’UE et les pays correspondants devront être passés, en particulier avec la Russie.

Quant au processus d’adhésion de la Turquie, il faut cesser l’hypocrisie et revenir sur les décisions hâtives des sommets d’Helsinki et de Copenhague. La France doit avoir le courage de dire clairement que la Turquie ne pourra adhérer à l’UE, non pas parce que les droits de l’Homme n’y sont pas encore suffisamment respectés mais parce que ce pays, pour des raisons géographiques, historiques et démographiques, se situe aux portes de l’Europe. L’UMP ne peut d’un côté se dire hostile à l’entrée de la Turquie en Europe si, de l’autre, le gouvernement et le Président de la République ne remettent pas clairement en cause Helsinki et Copenhague.

 

3 Humaniser l’UEM pour la dynamiser


Le marché intérieur et l’euro doivent constituer un « plus » pour tous les pays
, y compris ceux les plus avancés dont les normes sociales et fiscales sont malmenées par un scandaleux dumping social et fiscal. De ce point de vue, la France a eu tort d’accepter la majorité qualifiée sur la gestion du marché unique sans avoir obtenu préalablement une raisonnable harmonisation fiscale et sociale. Sur ces terrains difficiles, la France ne devra pas hésiter à pratiquer la politique de la chaise vide. Croit-on que de Gaulle aurait obtenu la PAC sans agir de la sorte ?

 

Au plan macro-économique et monétaire, il faudra inverser les priorités pour favoriser réellement la reprise et la croissance. La remise à plat du pacte de stabilité et du traité de Maastricht sera bien entendu nécessaire. Mobiliser l’épargne des Français dans l’économie productive (maintien de PEA préférentiel pour les entreprises françaises), relancer la participation pour articuler la justice sociale et la performance de l’entreprise, tout en protégeant notre tissu économique,  remettre l’aménagement du territoire et le maintien de services publics modernisés au cœur de l’action de l’Etat, autant de chantiers que l’Europe ne doit plus contrarier mais épauler.


4 L’Europe des projets

 

Quatre défis se posent au continent que nous devons relever sous peine de décliner.

 

Enrayer l’effondrement démographique qui laisse de marbre la Commission. La situation est catastrophique : l’Italie pourrait perdre ainsi, d’ici à 2025, le tiers de sa population ! La France est mieux lotie mais ne se donne pas les moyens de mieux faire. Elle en est dissuadée par les sirènes malthusiennes de Bruxelles qui, sensible aux desiderata de certains lobbies patronaux, ne jure que par l’ouverture des vannes migratoires, qui crée pourtant des ghettos ethniques à l’américaine. La France ne doit plus renoncer à certains aspects de sa politique familiale du fait des orientations de la Commission ou des arrêts de la CJCE. Parallèlement, il faudra relancer une vraie coopération d’aide au développement en faveur du Sud pour que les forces vives de ces pays y demeurent et contribuent efficacement à leur enrichissement.

 

Recherche et industrie : aujourd’hui, 400 000 chercheurs européens (formés aux frais des contribuables) travaillent aux Etats-Unis, tandis que l’euroland connaît un taux de chômage qui avoisine les 10%. Cherchez l’erreur ! La coopération inter étatique doit être puissamment relancée et épaulée par l’Union. La multiplicité des arrière-plans culturels et des apprentissages (qui reflète la diversité nationale de l’Europe) pourrait se révéler un atout majeur. De même, les programmes industriels et d’infrastructure ambitieux devront être enfin mis en œuvre (on en parle depuis plus de 10 ans !). La méthode inter étatique est la bonne, comme l’ont démontré les succès d’Airbus et d’Ariane. Pour financer tout cela (qui sera basé sur le volontarisme des Etats, non sur la contrainte), la BCE pourra apporter une contribution sous la forme de grands emprunts.

 

L’Europe de la sécurité et de la défense : la mise sur pied d’une Europe de la défense passe avant tout par la coopération en matière d’armement et par une alliance défensive entre les pays de l’UE qui le souhaitent. Celle-ci aurait vocation à prendre progressivement le pas sur une OTAN qui a de moins en moins de raisons d’être en tant qu’alliance primordiale en Europe.

Enfin, l’Europe de la culture doit être notre horizon : promouvoir la force de l’ensemble des faits culturels en Europe n’est pas le signe d’un enfermement sur soi-même, tout au contraire le moyen le plus efficace d’échanger avec les autres. Rendre au français sa place dans l’Europe communautaire, rejeter une fois pour toute les funestes projets de « brevets » communautaire ou européen qui menacent notre langue, renforcer les échanges techniques et universitaires entre pays membres, etc…

*****

La perspective de l’Europe fédérale ne servira pas l’idéal européen dans la mesure où celle-ci est foncièrement antidémocratique dans ses modalités et son contenu. D’ores et déjà, certains défenseurs de ce traité récusent le peuple français pour le ratifier, préférant la réunion paisible du Congrès à un débat référendaire franc et sincère. Notre démocratie ne survivrait pas au coup de force d’une « constitution » ratifiée d’en haut, dépossédant les citoyens de leur liberté de choisir et de sanctionner mais s’imposant à eux en leur propre nom alors même qu’ils n’y auraient jamais été associés. Notre parti doit donc, dès maintenant, se prononcer solennellement pour l’organisation d’un référendum sur le projet de « constitution » européenne.

Et ce, d’autant plus que de la « constitution » européenne n’émergera aucune démocratie européenne digne de ce nom. Pour vraiment réduire le « déficit démocratique » européen, il faut maintenant rendre la parole aux peuples dont on les a méthodiquement dépossédés.

Seule la confédération, claire, franche, responsable (en un mot démocratique) peut encore sauver l’Union d’une grave crise. La France y retrouverait une grandeur sans laquelle elle n’est pas grand chose et qui n’est pas aussi fanée qu’on le chante depuis 12 ans (l’exemple de l’Irak le démontre amplement).

Il faut donc en finir avec les lubies idéologiques hautaines et mégalomaniaques qui prétendent créer un « peuple » européen par décret. Le monde s’est débarrassé par la grande porte de l’idéologie antinationale avec la disparition de l’Union soviétique. Il serait ahurissant et irresponsable de la laisser rentrer par la fenêtre avec un fédéralisme européen au rabais, qui ne veut pas dire son nom mais prétend s’imposer aux peuples avec ou sans leur consentement. Les amoureux de l’Europe ont raison de vouloir dépasser les rivalités nationales. Mais ils ont tort d’oublier que « pour être obéi de la nature, il faut d’abord s’y soumettre ».

 

texte soutenu par

par Nicolas Dupont-Aignan, député maire de Yerres, Président de Debout la République ; Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte, Président du cercle Nation et République ; Patrick Labaune, député de la Drôme, Vice-Président de Debout la République ; Jean-Jacques Guillet, député des Hauts-de-Seine ; Etienne Mourrut, député-maire du Grau-du-Roi ; Lionel Luca, député des Alpes-Maritimes ; François-Xavier Villain, député-maire de Cambrai ; Bernard Fournier ; sénateur de la Loire ; Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle et Didier Julia, député de Seine et Marne

  

 

(1) L’interprétation faite par les instances supranationales de l’Acte unique (1987) qui a instauré le marché unique est allé bien au delà de ce qu’autorisaient les traités. Hélas, les Etats-nations, en particulier la France, ont laissé faire.

 

(2) La Commission détient un monopole d’initiative en matière de propositions à soumettre aux Etats et décide du « qui fait quoi en Europe » (principe de subsidiarité). Quant à elle, la CJCE a peu à peu imposé sa jurisprudence aux droits nationaux, dans un sens très souvent fédéraliste et ultra-libéral. 

 

(3) Pour les « courageux », l’intégralité du projet de « constitution » (commenté) se trouve sur le site internet de Debout la République (www.deboutlarepublique.com), rubrique « Europe ».  

  

(4) Une majorité du PPE-DE (comme du PSE) a rejeté un amendement britannique prévoyant le maintien explicite des sièges et veto anglais et français ; l’ensemble des députés britanniques (y compris de gauche) ont soutenu cet amendement, tandis que les eurodéputés UMP l’ont rejeté.

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(1) L’interprétation faite par les instances supranationales de l’Acte unique (1987) qui a instauré le marché unique est allé bien au delà de ce qu’autorisaient les traités. Hélas, les Etats-nations, en particulier la France, ont laissé faire.
 
(2) La Commission détient un monopole d’initiative en matière de propositions à soumettre aux Etats et décide du « qui fait quoi en Europe » (principe de subsidiarité). Quant à elle, la CJCE a peu à peu imposé sa jurisprudence aux droits nationaux, dans un sens très souvent fédéraliste et ultra-libéral. 
 
(3) Pour les « courageux », l’intégralité du projet de « constitution » (commenté) se trouve sur le site internet de Debout la République (www.deboutlarepublique.com), rubrique « Europe ».  
   
(4) Une majorité du PPE-DE (comme du PSE) a rejeté un amendement britannique prévoyant le maintien explicite des sièges et veto anglais et français ; l’ensemble des députés britanniques (y compris de gauche) ont soutenu cet amendement, tandis que les eurodéputés UMP l’ont rejeté.