Communiqué du 17 janvier 2008

 

Dupont-Aignan contre le «coup d'Etat simplifié» de Sarkozy

 
  • A paraître aux éditions du Rocher, le 24 janvier 2008

 

A l'occasion de son livre Le coup d'Etat simplifié, à paraître le 24 janvier aux éditions du Rocher, le député gaulliste Nicolas Dupont-Aignan revient sur la façon dont Sarkozy a étouffé l'option référendaire et nier le débat sur l'Europe. Marianne2 vous en livre des extraits inédits.

Sylvain Lapoix

Extrait 1 : Une entaille dans la souveraineté nationale

En 1998, Jean-Claude Barreau publiait un livre intitulé Le coup d'Etat invisible, où il écrivait : "Dans le nouvel ordre européen, les élections au suffrage universel dans le cadre national sont donc bien devenues des « pièges à cons » puisque les citoyens élisent des députés qui ne font plus la loi. […] Le drame c'est qu'à cause d'une propagande insistante, universelle et habile, les citoyens n'ont pas réellement conscience de ce putsch masqué. […] L'Europe est ainsi devenue le grand alibi, le suprême espoir d'une caste qui ne réussit plus à gouverner la Nation, mais déploie en revanche une énergie sans faille pour construire une Europe imaginaire."

Charge salutaire contre la démolition à petits pas, mais avec les apparences de la légalité, de la démocratie française par la faute de la discrète abdication de ses propres élites, ce livre choc n'a pas, dix ans plus tard, pris une ride. Ou plutôt si, une seule : avec l'incroyable affaire du traité européen « simplifié » que Nicolas Sarkozy fait approuver, le coup d'Etat n'est plus invisible. Sans complexe depuis qu'il a berné l'électorat populaire, le président de la République demande au Parlement de ratifier un traité refusé par le peuple deux ans auparavant. Et pour la première fois depuis la Libération, des dispositions institutionnelles majeures ne seront pas soumises au peuple français. La représentation parlementaire, dans un silence organisé, entame profondément la souveraineté nationale dont le peuple est pourtant le seul détenteur.

Il est vrai que depuis la douche froide du référendum sur Maastricht en 1992, l'abandon de la souveraineté française aux autorités administratives bruxelloises s'était opéré le plus possible dans le respect apparent des formes de la démocratie et de la République, mais sans plus demander son avis au peuple. C'est la raison qui explique la voie parlementaire pour la ratification des traités d'Amsterdam et Nice. Mais ces deux traités, qui ont certes provoqué de nouveaux et graves abandons de souveraineté (je les ai combattus), demeuraient encore trop timides et timorés au regard de l'objectif final des européistes d'instaurer un super-Etat intégré, bâti sur la démolition définitive des démocraties nationales. Ils ne permirent en somme qu'une victoire limitée et partielle contre la liberté des peuples, renvoyant toujours à plus tard une offensive décisive qu'on ne savait pas comment déclencher sans qu'elle apparaisse au grand jour pour ce qu'elle était en réalité. L'éternelle et lancinante hésitation devant le Rubicon…


Extrait 2 : Le traité de Lisbonne, si différent que ça du Traité constitutionnel ?

On pourra difficilement douter de la similitude entre ce traité et la Constitution Giscard. Seuls les dirigeants du Parti Socialiste français soulignent ses prétendues insuffisances pour minimiser le fait qu'ils vont laisser ratifier par le Parlement, au mépris de leurs promesses, ce que le suffrage universel a refusé. Mais pour l'ensemble des observateurs, ces traités sont identiques.

A commencer par ses inspirateurs ou signataires :

Valéry Giscard d'Estaing : "Le nouveau texte ne devait pas ressembler trop au traité constitutionnel. Les gouvernements européens se sont ainsi mis d'accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu'elle soit plus facile à avaler. » Audition au Parlement européen, 17 juillet 2007

Angela Merkel : « La substance de la Constitution est maintenue. C'est un fait." The Daily Telegraph, 29 juin 2007

Jose Luis Zapatero : "Nous n'avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution… C'est sans aucun doute bien plus qu'un traité. C'est un projet de caractère fondateur, un traité pour une nouvelle Europe." Discours du 27 juin 2007

Valéry Giscard d'Estaing encore : « Une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du Traité constitutionnel, et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l'objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un Traité devenu incolore et indolore. L'ensemble de ces textes serait adressé aux Parlements, qui se prononceraient par des votes séparés. Ainsi l'opinion publique serait-elle conduite à adopter, sans le savoir, les dispositions que l'on n'ose pas lui présenter "en direct". » Le Monde, 14 juin 2007 et Sunday Telegraph, 1er juillet 2007.

En conclusion, on voit combien le « succès » attribué à Nicolas Sarkozy est en réalité celui d'une oligarchie européenne qui n'a rien lâché sur le contenu de la Constitution européenne, aidée en cela par l'Allemagne et la Grande-Bretagne qui ont habilement manœuvré pour promouvoir leurs propres intérêts. Ainsi, si on a accusé pendant deux ans la France de vouloir imposer sa vision des choses à l'Europe, c'était en réalité, tout au contraire, pour mieux permettre à d'autres de lui imposer la sienne, au prix d'un reniement complet.


Extrait 3 : Les responsabilités du Parti socialiste

En 2007, le coup d'Etat simplifié de Nicolas Sarkozy attaque lui aussi la démocratie dans son point faible, ses élites. Les corps constitués, les institutions qui devraient la défendre, soit resteront l'arme au pied, soit se comporteront en 5ème colonne ouvrant le passage à l'assaillant.

On vient de le voir, les médias en font partie puisque, relayant par complaisance le discours dominant qui sème la confusion, ils ont en même temps abdiqué leur mission de « 4ème pouvoir », de contre-pouvoir face à un club de dirigeants français et européens qui prétendent dicter leur loi au peuple. Car à la différence de mai 1940, on assiste moins aujourd'hui à un affrontement entre l'Allemagne et la France qu'à une tentative de mise au pas des peuples par leurs élites.

Mais que dire des partis de gouvernement engagés il y a encore quelques mois dans une campagne présidentielle où les engagements européens ne manquèrent pas ?

Le Parti Socialiste est la seule force politique parlementaire à pouvoir s'opposer efficacement au coup d'Etat simplifié. Tout devrait l'y pousser : un électorat majoritairement hostile aux dérives de l'Union européenne, la promesse de sa candidate à l'élection présidentielle d'organiser un nouveau référendum, un statut d'opposant qui ne peut que l'inciter à résister au pouvoir en place et plus encore à ses abus, une identité politique qui gagnerait, au-delà de la question européenne, à se refonder autour de la défense d'une démocratie effectivement en péril.

Pourtant, c'est avec soulagement sinon enthousiasme que les élus du PS, toute honte bue, voteront très majoritairement la révision constitutionnelle et la ratification de la Constitution-bis de Nicolas Sarkozy.

Pourquoi ce qu'il faut bien appeler une telle trahison ? Les arguments invoqués sonnent aussi faux que ceux des partisans de la ratification parlementaire, ils sont même parfois identiques ! Ainsi François Hollande, qui affirme que les Français ne souhaitent pas de référendum puisqu'ils ont élu Nicolas Sarkozy à l'Elysée, lequel aurait annoncé la couleur à propos de la ratification parlementaire. Mais à cette aune, pourquoi ne pas voter toutes les réformes soutenues par la majorité ? Mieux, pourquoi ne pas proposer la création d'un parti unique regroupant la gauche et la droite qui soutiendrait tous les futurs présidents de la République, quel que soit leur bord ? C'est se moquer du monde… On entend aussi que le fond (le traité) doit l'emporter sur la forme (son mode de ratification), que le PS doit préserver son unité (laquelle a de nouveau volé en éclats lors de son Bureau National consacré à la question), qu'il doit contribuer à sortir l'Europe de la crise,…

La manière dont Ségolène Royal a retourné sa veste, moins de six mois après avoir fait campagne pour un nouveau référendum, fut à cet égard d'un mépris et d'une lâcheté comme on n'en avait pas vu depuis des décennies : au milieu d'une interview fleuve accordée au quotidien Libération, lequel se garda bien de lui poser des questions qui fâchent, celle qui se voyait avant mai 2007 comme une sorte de nouvelle Jeanne d'Arc ou l'Evita Perron de l'Hexagone, explique en trois coups de cuillère à pot qu'il « vaut mieux un compromis plutôt que rien. L'intégration de la Charte européenne des droits fondamentaux est une avancée très importante. C'est pourquoi nous devons faire bloc avec les socialistes portugais, espagnols, allemands et les autres, et adopter ce texte au plus vite pour passer à l'étape suivante : la préparation du traité social. La question de la procédure d'adoption, parlementaire ou référendaire, n'est plus une question de principe. Nous n'avons pas de temps à perdre à nous diviser. » Ces affirmations à la sauvette, cœur de cette interview enrobé dans plus de trois pages consacrées à sa stratégie de conquête du PS et d'alliance avec François Bayrou, sont un tissu de mensonge et de reniement. De quelle « intégration de la Charte » parle-t-elle, cette dernière étant déjà inscrite dans la Constitution Giscard rejetée en 2005 ? Quel est donc ce « compromis » par lequel 90 à 100% du précédent traité se retrouve dans le texte signé à Lisbonne ? Quant à la tarte à la crème du « traité social », s'imagine-t-elle que ses électeurs sont à ce point des imbéciles ou des amnésiques qu'ils en auraient oublié qu'on les balade depuis 15 ans très exactement avec cette mauvaise plaisanterie ? Quelle ignominie de résumer l'existence, ou non, de la démocratie dans notre pays à une simple question de « procédure d'adoption » (« d'adoption » bien sûr, pas le choix !), à une simple « question de principe qui n'en est plus une » (on se demande bien pourquoi) relégable au deuxième ou troisième plan derrière l'unité prétendument retrouvée du Parti Socialiste ! Enfin, le devoir de celui ou celle qui brigue la charge suprême de la République est-il de « faire bloc avec les socialistes portugais, espagnols et allemands » ou avec… le peuple français ?


Extrait 4 : L'Europe, un plan B avec les Etats-nations ?

Sauf à considérer que la France est une notion dépassée, l'Europe ne doit servir à faire à plusieurs, avec un minimum de contrainte, que ce que l'on ferait moins bien tout seul et ce, bien sûr, sans jamais sacrifier ses intérêts supérieurs (à commencer par la souveraineté nationale). L'erreur fondamentale de l'actuelle construction européenne est de poser des objectifs abstraits ou irréalisables, puis d'imposer des politiques à marche forcée pour les atteindre artificiellement. Construire la seule Europe qui soit vraiment réaliste impliquera de rompre absolument avec cet état d'esprit idéologique et vaniteux, qui prétend faire abstraction des réalités tangibles et sensibles pour créer au forceps une nation improbable (à tout le moins). Quand comprendra-t-on que « construire l'Europe » au détriment des nations, c'est en fin de compte se priver et des nations et de l'Europe ?

Le temps paraît donc venu de sortir de l'impasse communautaire actuelle (niveleuse, impotente et moins-disante) pour choisir clairement entre un fédéralisme franc - qui se donnerait les moyens d'une réelle solidarité continentale mais reste invraisemblable politiquement - et une nouvelle construction européenne respectueuse des nations, qui soit à la fois plus réaliste dans sa finalité, plus ambitieuse dans son contenu et plus souple dans ses modalités.

Quant à la finalité, posons d'emblée que l'objet de toute coopération européenne véritablement démocratique et réaliste doit être de rapprocher progressivement les peuples européens au travers de partenariats solides et librement consentis, mais sans jamais leur ôter leur personnalité propre. La défense affirmée des intérêts nationaux (plutôt que la recherche contrainte d'un improbable compromis par le bas) devrait permettre d'avancer de manière solide et assumée, sans drame ni tension excessive. Promouvoir l'Europe sur une telle base, c'est ainsi donner un chance supplémentaire à chacun des peuples qui la forme et c'est la seule manière de bâtir une « Europe-puissance » qui, en aucun cas, ne peut reposer sur des nations affaiblies, contraintes d'assumer des responsabilités mondiales dont elles ne voudraient pas ou à l'inverse obligées d'y renoncer pour complaire aux Etats-Unis.