Inauguré le 22 février
prochain, l'Historial retrace l'itinéraire du Général avec un
parcours audiovisuel et interactif.
L'Historial
aménagé sous les Invalides en hommage à l'homme du 18 juin et au
fondateur de la Ve République plonge le visiteur dans un bain
d'images interactives. Signé Alain Moatti et Henri Rivière, il
sera inauguré le 22 février prochain.
La surprise est de taille
lorsque, après avoir passé les habituelles enfilades de
hallebardes et d'uniformes, on plonge dans les profondeurs du
Musée des Invalides. Creusé sous la cour de la Valeur, invisible
en surface, l'Historial Charles-de-Gaulle est un musée de 2 500
m², qui aura coûté 18 M€, sans aucun objet ! «Cela ne pouvait
être autrement, dit Sharon Elbaz, responsable de l'endroit et
directeur adjoint de la Fondation Charles-de-Gaulle. Le Général
a toujours refusé le culte des reliques. En revanche son action
a toujours été filmée.»
C'est donc l'image, fixe ou
animée, image d'archives, de témoins ou de commentateurs, image
accompagnée de sons explicatifs ou illustratifs, qui occupe ici
tout l'espace, voulu en 2002 par Jacques Chirac.
Elle enveloppe d'emblée le
visiteur. Face à lui, dès l'entrée, une mosaïque de 80 portraits
photo de Charles de Gaulle. Pour éviter de donner le tournis aux
anciens et fixer des repères aux plus jeunes, chacun est invité,
par groupe de 200, à visionner un film pédagogique de 25
minutes. Un spectacle en huit langues, inspiré de la polyvision
d'Abel Gance, signé Olivier Brunet. Avec un texte de Maurice
Druon dit par Francis Huster et une musique de Bruno Coulais
(trois césars dont celui de la musique de Microcosmos, le peuple
de l'herbe, en 1997). Il sera diffusé sur un jeu de cinq écrans
dans une salle en forme de sphère servant de cœur au dispositif.
Les sièges y semblent posés sur un dôme inversé, clin d'œil des
architectes Alain Moatti et Henri Rivière à la coupole de
l'église des Invalides signée Jules-Hardouin Mansart. Les parois
sont faites d'alvéoles de 8 700 pièces en bois de merisier dans
lesquelles ont été installées 2 400 diodes. Au-delà de cette
coupole de lumière posée à dix mètres de profondeur, tout le
reste est flottement d'images. On tourne autour, dans le sens
des aiguilles d'une montre, le long d'un « anneau de l'histoire
» évoquant sur ses écrans de verre translucide la marche du XXe
siècle, des Années folles au premier pas de l'homme sur la Lune.
La promenade est composée de
trois séquences, trois «portes» conduisant à des «alvéoles
didactiques» l'Appel, la Libération et la Constitution.
Originalité : la moitié de ces 2 500 m², d'une capacité totale
de 400 personnes, est consacrée à l'après-guerre. On y aborde
donc, et cela sans tabou, la décolonisation, la traversée du
désert, la naissance de la Ve (sol bleu blanc rouge), Mai 68 (un
tunnel rouge tapissé de caricatures et de slogans)…
À l'intérieur de ces espaces,
chacun aura tout le loisir de poser les questions qu'il
souhaite. Les réponses sont apportées par de nombreux écrans
tactiles individuels ou par des cartes et des livres interactifs
(dont ceux des Mémoires). On pilote une «sphère de
rétroprojection » résumant la politique étrangère du Général
dans les années 1960, on interroge les historiens de son choix,
hologrammés sur des «bornes miroirs». Ou bien encore une caméra
capte le mouvement de la main du visiteur, qui peut ainsi
convoquer les documentaires de son choix sur un «dynamic wall»
Sur nos oreilles, un audioguide français-anglais se déclenche
dès que l'on stationne à proximité d'une archive ou d'un
chapitre.
Vision stéréotypée et décryptage
Avec quelque 400 documents,
souvent issus du fonds de l'Institut national de l'audiovisuel,
et plus de vingt heures de commentaires, il est bien sûr
impossible de tout considérer en une visite. Il est recommandé
de choisir plutôt que de zapper si l'on veut éviter l'effet de
bombardement d'images. Peut-on reprocher cette densité aux
concepteurs? «L'endroit n'est pas qu'un lieu de mémoire. C'est
aussi un lieu de transmission du savoir et qui doit séduire le
plus grand nombre, se défend Sharon Elbaz. Pour les Invalides,
qui accueillent chaque année 1,5 million de visiteurs dont plus
de 80% sont des étrangers, l'enjeu est de relancer le flux des
Français, notamment les jeunes.»
Séduire pour mieux transmettre ?
Voilà de la rhétorique bien pensée. « À partir d'une grande
image animée et émouvante comme, par exemple, la descente des
Champs-Élysées, nous présentons systématiquement son contexte,
ce qui nous permet d'expliquer la communion avec la nation.
Pourquoi le Général, lorsqu'il arrive à Paris, va d'abord au
ministère de la Guerre, qu'il a quitté quatre ans plus tôt ?
Pour dire qu'il y a une continuité de l'État et signifier que
Vichy n'est plus. Ainsi, derrière le geste, l'image d'Épinal, il
y a toujours une politique cohérente, parfois complexe. C'est
elle que nous voulons transmettre. Il s'agit toujours d'aller de
la vision stéréotypée à son décryptage, de voir ce qu'il y a
derrière le voile de l'histoire. »
Et Alain Moatti de conclure que
son Historial est « comme un cédérom géant et en trois
dimensions dans lequel vous êtes convié à entrer pour vous
immerger dans l'épaisseur de l'histoire. J'ai voulu différentes
profondeurs d'images, des images qui se répondent, qui forment
des raccourcis. Un musée qui ne soit pas une suite de salles
blanches et de vitrines mais un lieu de mémoire, avec un centre
inoubliable, cette grande salle qui est un objet unique, et des
films traités comme des mirages flottants, des souvenirs que
l'on peut convoquer à sa guise. Cela aussi est unique et
spectaculaire ». Ils nous appartiennent.
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