Il
y a 37 ans, le plus grand homme de notre histoire disparaissait après
avoir rendu d’immenses services à la France et aux Français. J’ai beau
être né après sa mort et ne l’avoir découvert qu’à 18 ans, à travers de
multiples lectures, je crois que son message est plus que jamais
d’actualité.
Pour moi, le gaullisme est un romantisme politique. Le Général était
commandé par une vision profondément romantique et chevaleresque de la
politique. Comment ne pas qualifier de romantique l’appel du 18 juin
d’un ancien sous-secrétaire qui, seul, disqualifie le gouvernement en
place et prétend incarner son pays, ce qu’il réussira à faire ? Comment
ne pas voir une vision pure et un attachement viscéral à sa mission dans
la résistance homérique qu’il opposa à toutes les tentatives de nos
alliés d’empiéter sur la souveraineté de la France libre pendant la
guerre ? La politique pour lui, c’était être au service de son pays et
ne jamais transiger sur les principes auxquels il croyait. Une quête
d’idéal qui semble tellement étrangère au monde politique d’aujourd’hui,
à quelques exceptions près. Au-delà de cet appel historique, c’est sa
conception même de la politique qui est romantique. Il est frappant de
constater dans les livres consacrés au Général à quel point les petits
jeux politiciens et les ambitions personnelles lui sont étrangères. La
seule chose qui l’anime est l’intérêt du pays et ses convictions
profondes. Nous aurions bien besoin d’avoir plus d’hommes politiques
ayant cette vision de la chose publique.
L’héritage gaulliste, c’est aussi un attachement à la patrie. Le Général
disait que « le patriotisme, c’est aimer son pays, le nationalisme,
c’est détester celui des autres ». Il était profondément patriote. Bien
sûr, avec la déformation du temps et de certains commentateurs, le
patriotisme du Général a été présenté comme du nationalisme cocardier.
Il n’en est rien. Le terme « patrie » évoque la notion de
famille : ne dit on pas la « mère patrie » ? Pour moi, le gaullisme,
c’est voir la nation comme une grande famille. Loin de la nation
rabougrie qu’évoquent certains esprits chagrins, il s’agit du
rassemblement familial d’individus solidaires entre eux, une communauté
de destin qui s’aide comme on peut s’aider dans une famille. Et c’est
cette identité forte qui, loin de nous refermer sur nous-mêmes, nous
permet de nous projeter vers le monde. A mille lieux des cassandres dont
notre histoire est malheureusement remplie, cette vision de la nation
comme une communauté solidaire qui permet à chacun de se dépasser est un
message clé pour que la France affronte sereinement les années à venir.
L’héritage gaulliste, c’est justement une France présente sur la scène
internationale. C’est une France qui refuse d’être le vassal d’une autre
puissance, aussi forte soit-elle et qui s’exprime en toute liberté.
C’est une France tournée vers les autres : le Général fut le premier
dirigeant occidental à visiter la Chine puis l’URSS. C’est une France
qui, si elle porte un message universel de démocratie et d’humanisme,
sait le faire en respectant les autres civilisations sans calquer
bêtement notre modèle occidental sur des pays à la culture complètement
différente. C’est une France qui sait également être ferme. Enfin, c’est
une France qui joue un rôle dans un monde multipolaire, point
d’équilibre entre les blocs pour permettre le dialogue et la détente. Le
monde a besoin de notre pays comme l’épisode de la guerre en Irak l’a
montré : un alignement de la France sur les Etats-Unis aurait pu faire
dégénérer ce conflit en guerre de civilisations, ce qui a heureusement
été évité. Cette vision de notre rôle dans le monde devient chaque jour
plus pertinente sur une planète où l’hyper-puissance américaine est
chaque jour davantage contrebalancée par l’émergence de la Chine et
l’Inde et le retour de la Russie de toujours.
L’héritage gaulliste, c’est aussi l’alliance de la modernisation
économique et de la justice sociale. En des jours où la première ne
semble jamais pouvoir se conjuguer à la seconde voir exige de la
remettre en question, cela est d’autant plus d’actualité. La
modernisation économique, ce fut la Sécurité Sociale, une politique
industrielle vigoureuse (Airbus, TGV, Ariane, la filière nucléaire sont
le fruit d’initiatives des années 60), une très forte croissance du
pouvoir d’achat des ménages qui accédèrent pendant ces années à de
nombreux biens matériels comme l’automobile ou l’électroménager. Le
Général de Gaulle fut constamment animé par le souci de faire progresser
la France tout en s’assurant que tous les Français en profitent. La
politique de la France ne se faisait pas « à la corbeille ». La
participation, initiative qu’il n’a pas pu complètement mener à bien,
est particulièrement significative de cette volonté d’assurer un juste
partage des fruits de la croissance. Aujourd’hui, comme avant la crise
des années 30, l’immense majorité des nouvelles richesses que crée le
système économique vont à une petite minorité et dans les profits des
entreprises. Cela donne une actualité brûlante au gaullisme.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, le message du Général de
Gaulle est plus que jamais actuel. Plus encore, l’évolution de la
situation internationale et l’évolution économique illustrent chaque
jour davantage la pertinence d’un message, qui peut être la boussole
dont la France a besoin pour son avenir.
Laurent Pinsolle
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