Communiqué du 02 mai 2005
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Europe : Ces médias pris la main dans le oui

 
  • Des associations, des syndicats, des journalistes protestent contre «l'omniprésence» des partisans du traité dans toute la presse. Par SERVICE MEDIASpix, samedi 30 avril 2005 (Libération)

Dans les médias «dominants», éditorialistes et chroniqueurs, unanimes, se livrent à une propagande éhontée pour le oui. Dans les journaux télévisés, «les défenseurs de la Constitution accaparent 73 % du temps de parole». La «quasi-totalité des titres de la presse écrite» fait compagne pour le oui. Bref, le débat sur le référendum est biaisé. C'est la conviction de l'Observatoire français des médias (OFM), une association fondée en 2003 dans la foulée du forum social de Porto Alegre et du mouvement de critique des médias. Sous sa houlette, plus de 70 associations, collectifs, syndicats, partis politiques et personnalités viennent de lancer un appel à un «grand rassemblement pour exiger un débat honnête et pluraliste», le 9 mai à Paris (1).

«Négation». Constat objectif ? Ou vision un brin paranoïaque d'une mouvance alter qui s'est toujours méfiée des médias traditionnels ? Toujours est-il qu'une partie de l'opinion s'agace visiblement du traitement réservé au référendum par les médias. C'est sur la tranche d'information du matin de France Inter (le 7-9) que semble se cristalliser ce mécontentement. Mais pas seulement. La presse écrite et la télé sont elles aussi dans le collimateur.

Ainsi le député PS Didier Mathus, partisan du non, a-t-il dénoncé vendredi la façon dont Henri Emmanuelli a été interviewé («interrompu, harcelé, déstabilisé») mardi dernier dans France Europe Express, sur France 3 (2). Au final, estime Mathus dans une lettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'émission a révélé «une négation de la mission d'information impartiale à laquelle devrait s'astreindre le service public».

Une critique de plus contre la télé publique, qui les accumule. D'abord, l'annulation d'un 100 minutes pour convaincre (France 2) dont l'invité principal était José Manuel Barroso. Et ce, officiellement, «dans le souci d'éviter toute polémique sur les temps de parole». Officieusement, c'est Jacques Chirac, furieux de voir le président de la Commission européenne débarquer dans le débat français au risque de faire grimper le non, qui a intimé l'ordre de renoncer à l'invitation. Puis vient l'organisation du show chiraquien sur TF1 : Jean-Luc Delarue et Marc-Olivier Fogiel, animateurs sur France 2 et France 3, sont convoqués pour servir la bonne parole élyséenne. Les sociétés de journalistes et les syndicats des chaînes publiques déplorent «une émission d'apologie du oui». D'autant plus inique que le temps de parole du président de la République n'est pas pris en compte par le CSA : «Une tradition», juge l'instance.

Foudres. C'est l'omniprésence des partisans du oui à la télé qui fédère les mécontents. Selon l'émission Arrêts sur image (France 5), le débat sur la Constitution européenne a été squatté à la télé par 71 % de tenants du oui contre 29 % du non, entre le 1er janvier et le 31 mars. Pourtant, selon le dernier relevé effectué par le CSA, le déséquilibre est moins évident : 59,2 % pour le oui et 40,8 % pour le non (entre le 4 et le 15 avril).

Faut-il de toute façon que le temps d'antenne du non soit égal à celui du oui? Au CSA, on répond non. Ou plutôt on répond «équité». Une notion au centre de la recommandation publiée fin mars, et qui préconise que les télés et radios «veillent à ce que les partis ou groupements politiques bénéficient d'une présentation et d'un accès à l'antenne équitables». Ce sont donc les partis et pas les partisans (du oui ou du non) qui sont pris en compte. Une position qui a valu au CSA les foudres des hérauts socialistes du non. Car, à se baser sur les partis, le camp du oui est mécaniquement privilégié puisque les deux plus gros, l'UMP et le PS, lui sont majoritairement favorables. Face à ces critiques, Dominique Baudis, président du CSA, a cru bon de préciser: «Lorsqu'il y a diversité de points de vue dans tel ou tel mouvement politique, nous demandons également l'équité dans le traitement de cette diversité d'opinions.»

D'accord, mais pour les positions exprimées par les journalistes, chroniqueurs et autres commentateurs ? L'équité, répond imperturbablement le CSA. Les sages ont tout de même reconnu que la notion d'équité était «plus floue» que celle d'égalité : elle tient compte de la représentativité des partis mais aussi de critères tels que «la dynamique créée par les organisations politiques pendant la campagne». Autant dire le barouf.

«Journalistes d'en bas». Et la presse écrite ? Elle est bien sûr traversée par les mêmes débats. Si l'on en croit Marianne, les rédactions seraient coupées en deux : d'un côté les «journalistes d'en bas», de l'autre les éditorialistes. Un rien simpliste, même s'il est vrai qu'à Marianne, Jean-François Kahn a pris position, à titre personnel, pour le oui, alors que la rédaction s'est prononcée à 60 % pour le non dans un référendum interne. A Libération, les conférences de rédaction du matin, ouvertes à tous, sont souvent animées entre partisans du oui et du non (lire l'éditorial). Au Monde, un comité de rédaction, auquel tous les journalistes peuvent assister, s'est tenu la semaine dernière. «Il ne s'agissait pas de voter, mais de débattre et d'avoir une indication avant que Jean-Marie Colombani ne prenne position», explique une représentante de la Société des rédacteurs. Quelques jours plus tard, Colombani s'est prononcé pour le oui. A Prisma Presse, les syndicats se sont élevés contre la volonté du patron, Axel Ganz, de faire campagne, dans ses magazines (Capital, Prima, VSD, etc.), pour le oui. Il a d'ailleurs fait machine arrière depuis.

(1) Rassemblement le 9 mai à partir de 18 heures sur la place de l'Europe, 75008 Paris. Rens. : www.observatoire-medias.info

(2) A laquelle collabore Serge July, PDG de Libération.