On
va célébrer le 50 e anniversaire de la V e République au moment où
Nicolas Sarkozy propose une refonte de la Constitution. Pierre Mazeaud,
président de la Fondation Charles De Gaulle, ancien président du Conseil
constitutionnel, analyse cette actualité.
Le 40 e anniversaire de Mai 68 fait la une de tous
les journaux depuis des semaines. Les 50 ans de la V e République ne
sont-ils pas un événement d'une autre importance ?
C'est incontestable. Nous fêtons cette année le
cinquantenaire d'une Constitution qui a fait ses preuves. Les
institutions ont résisté à l'affaire algérienne, mais aussi aux
événements de Mai 68. Certes, cette Constitution a été quelque peu, et
par trop, modifiée. On envisage encore aujourd'hui quelques
bouleversements. Mais l'essentiel tient à la structure, à savoir la
division claire entre exécutif et législatif.
Nicolas Sarkozy
initie une réforme de la Constitution. L'idée du Président de renforcer
les pouvoirs du Parlement n'induit-elle pas un retour au « régime des
partis » que stigmatisait le général De Gaulle ?
Ayant fait partie de la commission Balladur, je
suis à même de mesurer l'importance des modifications proposées. Je ne
suis pas d'accord sur tout. Loin de là. Mais l'essentiel est que la
France conserve le régime que les électeurs ont massivement choisi en
octobre 1958. Cela étant, avant de donner davantage de prérogatives au
Parlement, il faudrait que les parlementaires commencent par user
vraiment des prérogatives qui leur sont déjà reconnues par la
Constitution, les lois organiques et les règlements des deux assemblées.
Pour avoir moi-même longtemps siégé au palais Bourbon, je sais que c'est
possible. Je regrette de constater que chaque fois que les choses ne
vont pas bien, on estime nécessaire d'accroître les pouvoirs du
Parlement. Or, les élus disposent de prérogatives non négligeables.
Cinquante ans après le retour du général au
pouvoir, que reste-t-il du gaullisme ? Est-ce une nostalgie de la
grandeur ou est-ce un exemple ?
Il est incontestable qu'il y a de la nostalgie,
même si celle-ci s'estompe peu à peu dans la mesure où ceux qui ont eu
l'honneur de le servir et, surtout, la joie d'être à ses côtés,
disparaissent peu à peu. Au-delà de la nostalgie, il y a
incontestablement un exemple. Je constate d'ailleurs que toutes les
formations politiques quelles qu'elles soient se réclament du général,
qu'il s'agisse de politique intérieure ou de politique extérieure. Il
reste également un exemple dans la mesure où le fondateur de la V e
République nous transmet un certain nombre de valeurs. Pour ma part, je
retiens que l'essentiel tient au sens de l'intérêt général et au sens de
l'État.
Que reste-t-il de la politique d'indépendance
nationale mise en œuvre par le général De Gaulle ?
Il est vrai que De Gaulle a affirmé en de
nombreuses occasions son souci de l'indépendance de la France et du
respect de la souveraineté nationale. Il me semble que ces deux éléments
ont quand même été maintenus par les différents successeurs du général.
J'attire cependant l'attention des présidents et des gouvernements -
quels qu'ils soient - sur la nécessité de veiller à ce qu'il n'y ait
aucun recul en matière d'indépendance et de souveraineté. Or, hélas, il
y a eu des retraits et des abandons, notamment du fait des traités
européens.
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