Communiqué du 25 janvier 2008

 

Didier Maus rompt le tabou de la ratification parlementaire

 

 

Le Parlement peut-il désavouer le peuple ?

 

  • Par Didier Maus, président émérite de l’Association française de droit constitutionnel.

La signature, le 13 décembre 2007, du traité de Lisbonne sur l’Union européenne conduit à soulever une question constitutionnelle : le Parlement peut-il désavouer le peuple ? Les données du problème sont simples et connues :
1.- Par le référendum du 29 mai 2005, le peuple français a refusé la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ;
2.- Le traité de Lisbonne, dont chacun reconnaît qu’il reprend l’essentiel du traité de Rome, constitue une étape très significative du « processus d’intégration européenne » ;
3.- Dans ces conditions, que l’on soit favorable ou défavorable au traité, peut-on passer outre à la décision du peuple de mai 2005 en l’annulant par un vote du Parlement ?

Dans la France contemporaine, le référendum de 2005 est le troisième référendum négatif . Après le référendum du 5 mai 1946, une nouvelle Assemblée constituante a été élue et un nouveau référendum, le 13 octobre 1946, a permis d’adopter la Constitution de la IVe République. Le 27 avril 1969, le peuple français a rejeté le projet présenté par le général de Gaulle à propos de la régionalisation et d’une réforme du Sénat. Le résultat a entraîné, dans les heures qui suivirent, la démission du président de la République. De ce fait, cette réforme est restée lettre morte. La ratification du traité de Lisbonne par le Parlement, suite à un échec référendaire, consisterait donc une première.

D’un strict point de vue constitutionnel, la procédure normale de ratification d’un traité relève du Parlement. Ce n’est que lorsque le traité, sans être contraire à la Constitution, est susceptible d’avoir des conséquences sur les institutions que le président de la République peut demander l’accord du suffrage universel.

Le référendum du 20 septembre 1992 sur le traité de Maastricht était fondé dans la pensée de François Mitterrand sur les conséquences des évolutions politiques et juridiques contenues dans le traité. Un raisonnement identique avait conduit Jacques Chirac à décider le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel.

Le traité de Lisbonne contient non seulement d’importants aménagements et renforcements des politiques sectorielles de l’Union européenne, notamment en matière de justice et de sécurité intérieure, mais reprend les innovations les plus significatives de l’évolution prévues par le traité constitutionnel de 2004 et adopte, même si le lien est moins apparent, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il y aurait donc toutes les raisons de prolonger les raisonnements de 1992 et 2005 et demander au peuple français d’approuver le nouveau traité. Prétendre que ce traité, sous prétexte qu’il comprend désormais un traité de l’Union européenne et un traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, serait un « minitraité » ou un « traité simplifié » relève d’une erreur d’analyse et d’un abus de vocabulaire. Pour éviter de multiples consultations, le référendum pourrait être organisé en même temps que le premier tour des élections municipales, le 9 mars prochain.

À partir du moment où le traité de Lisbonne n’est pas substantiellement différent de celui de 2004, demander au Parlement de désavouer le peuple aurait un double inconvénient : amoindrir la confiance des Français dans leur système politique et constitutionnel ; enfermer l’Europe politique dans le cénacle des spécialistes et lui refuser une véritable légitimité démocratique.

Un nouveau référendum pourrait être à nouveau un grand moment de débat démocratique. Aux partisans du oui d’être convaincants.

Conseiller d'Etat - Professeur associé à l'université de Paris I - Rapporteur général de la commission des archives constitutionnelles de la V République - Conseiller municipal et ancien adjoint au maire de Samois-sur-Seine - Diplômé de l'Institut d'études de Paris, d'études supérieures de droit public et de sciences économiques et licencié en lettres - Chargé par le Président de la République, de publier les "Travaux préparatoires de la Constitution de 1958" (1984 à 2002) - Directeur de cabinet du ministre chargé des relations avec le Parlement (mars 1986) - Enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris (1973 à 1998) - Président de l'Association de droit constitutionnel depuis 1999 - Vice président de l'Association internationale de droit constitutionnel - Membre du conseil d'administration de l'Association française de science politique ( 1998 à 2000) - Fonde et dirige la Revue française de droit constitutionnel en 1990 - Directeur de l'Institut international d'administration publique ( 1993 à 2001) - Auteur de nombreux articles, rapports et conférences sur le droit constitutionnel, les institutions politiques, la pratique institutionnelle de la Ve République et le droit constitutionnel comparé, en France et à l’étranger - A notamment publié "Les grands textes de la pratique constitutionnelle de la Ve République," La Documentation française, 8e éd., 1998, "Le Parlement sous la Ve République", PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e éd., 1996.

Membre de l'Observatoire depuis 2006, en remplacement de Dominique Chagnollaud démissionnaire, suite à sa nomination au Conseil supérieur de la magistrature

Pour comprendre les origines de la Constitution de la Vème République

 

L'écriture de la Constitution de la IV République a été effectuée dans des conditions totalement différentes de celles des précédentes lois fonda-mentales de la République. Entre le 3 juin et le 4 octobre 1958, la nouvelle Constitution a été préparée par le gouvernement du général de Gaulle, étudiée et modifiée par le Comité consultatif constitutionnel et le Conseil d'Etat, et enfin adoptée par le peuple français le 28 septembre avec 80 % de voix positives.

Les conditions de conception, de rédaction et de mise au point de la Constitution ont déjà donné lieu à d'importantes publications documen-taires et scientifiques. A l'occasion d'une rencontre autour de Raymond Janot, conseiller technique chargé des problèmes constitutionnels au cabinet du général de Gaulle en 1958, le Centre de recherche de droit constitutionnel de l'université de Paris I et la Maison de l'Europe de Paris ont réuni des témoins, des juristes et des historiens pour évoquer les conditions concrètes du travail de l'été 1958.

Sous une forme vivante les débats de cette journée ajoutent à notre connaissance de l'écriture de la Constitution de 1958 et représentent un véritable enrichissement de notre, mémoire collective.