Communiqué du 04 octobre 2008

 

Drôle de présidence de l'Europe

 
  • Jouyet s'éloigne, Sarkozy sèche un meeting

Jean-Pierre Jouyet (photo), secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, a suggéré qu'il abandonnerait son poste. Nicolas Sarkozy a laissé en plan 12.000 apprentis européens réunis à Bercy. Des signes d'un abandon de la grande ambition européenne du Président ?

La présidence française de l'Union européenne (PFUE) était censée être l'événement de 2008, elle sera peut-être l'un des plus gros flop du quinquennat. En l'espace d'une semaine, deux signes violents ont marqué la fragilité du projet européen du Président : les doutes exprimés par son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes dans Le Parisien du mercredi 1er octobre et l'absence de Nicolas Sarkozy a un meeting européen vendredi 3.

Jouyet : le mal aimé doute de sa vocation

Il a démenti partout, sur France Inter, sur son blog et auprès de tous les journalistes, mais les mots publiés dans Le Parisien sont restés : selon lui, le président de la République rentrera après la fin de la présidence française de l'Union « dans une phase où il aura besoin de gens engagés politiquement, dans la perspective des européennes. Or, ce n'est pas mon cas. »

Censé être le ministre de la PFUE (comme Borloo fut celui du Grenelle et Hirsch celui du RSA), le secrétaire d'Etat a disparu dans la machine élyséenne : « tout se décide à l'Elysée, Jouyet est complètement désinvesti, » explique un responsable de la majorité. Certes, il continue d'inaugurer les chrysanthèmes et d'être très présent à Bruxelles mais, d'après certains observateurs, son rôle d'alibi commence à le lasser.

L'annonce n'est pas anodine : déclarer à mi-chemin de la présidence française de l'Union que sa mission s'arrêtera là sonne comme un aveu d'échec. Quant à l'excuse politicienne, vu l'intérêt que le Président porte aux élections européennes, elle ne tient guère la route : « les nominations pour les Européennes seront déterminées par la direction de l'UMP à la mi-janvier », précise Alain Lamassoure, secrétaire national du parti aux questions européennes. Déterminer les candidats quatre mois et demi avant un scrutin, ce n'est pas ce qu'on peut appeler de l'obsession électorale !

Meeting des apprentis européens : Sarkozy a-t-il boudé ?

Deux jours plus tard, alors que 12.000 apprentis venus des 27 pays de l'UE bondissent à Bercy, Nicolas Sarkozy leur fait faux bond. Serait-ce à cause des milliers de jeunes qui ont hué le nom du président du Conseil européen lors de l'annonce de son arrivée ? Tout le gouvernement s'efforce de soutenir que non : « le Président était en entretien téléphonique avec Angela Merkel et d'autres chefs d'Etat européens pour la réunion d'urgence de demain, explique-t-on chez Hervé Novelli, l'organisateur de l'événement. Il avait une réunion d'urgence avec plusieurs ministres à la mi-journée, il n'a pas pu se libérer. » Parmi les organisateurs, on soutient même que Nicolas Sarkozy ne devait pas intervenir à la tribune.

Mais le programme disponible sur le site de la PFUE apporte un démenti formel à deux excuses : programmé à 10h15, le président du Conseil européen devait prononcer un discours de 45 minutes et il était suivi à 12h30 par Christine Lagarde, un des ministres convoqués à la fameuse réunion d'urgence et qui est pourtant montée à la tribune parler aux apprentis.

Etrange également, le manque de courtoisie du Président qui fait annoncer son arrivée puis se décommande sans excuses. Pas très sympa pour le cabinet d'Hervé Novelli, où l'on assure que cette réunion a constitué un « travail énorme » débuté en février 2008, ni pour les cinq ministres venus assister au show.

Eviter de perdre la face à la veille du mini sommet

On peut raisonnablement penser que l'éventualité pour le président en exercice du Conseil de l'UE de se faire siffler publiquement à la veille du mini sommet européen sur la crise financière a pu inquiéter. Surtout après que l'Etat français ait été plus ou moins mouché par l'Allemagne sur sa proposition officieuse de constitution d'un fonds d'urgence de 300 milliards d'euros pour lutter contre la crise financière. Vaut-il mieux dès lors sauver la face auprès de 12.000 apprentis européens ou éviter de la perdre aux yeux des chefs des Etats membres ?

Sylvain Lapoix
www.marianne2.fr