Communiqué du 18 octobre 2008

 

Après la crise ? Encore la crise…

 
  • Par Nicolas Domenach, avec l'Edition spéciale de Canal Plus et Marianne.  www.marianne2.fr


 

Personne n'ose employer les mots qui fâchent : dépression, récession. Mais en privé, à gauche comme à droite, tout le monde le dit : ce sera violent. (Photo Franco Folini-Flickr-cc)


Une crise peut en cacher une autre. Alors que l'on s'obsède des variations boursières quotidiennes, il faudrait aussi avoir un œil, et le bon, sur les répliques économiques et sociales du séisme financier. A la vérité, les pouvoirs publics s'en préoccupent. Et cela ne date pas d'hier, même s'ils s'empresseront de mettre sur le large dos des évènements extérieurs la responsabilité des difficultés à venir. Depuis l'été, c'était alerte orange dans les ministères du Travail, de l'Emploi, ou des PME et même du Commerce extérieur. Les mauvaises nouvelles, s'étaient suffisamment accumulées pour que les services commencent de s'activer et cherchent des réponses face au chômage qui s'aggravait et à la croissance qui s'anémiait. Mais aujourd'hui, c'est alerte rouge.

Sans que l'on puisse chiffrer précisément l'ampleur des dégâts à venir, l'inquiétude est là, l'angoisse même, et la prophétie se révèle noire, à gauche comme à droite, où plus personne n'ose même se souvenir avoir prétendu, que « le paquet fiscal initial nous avait permis d'esquiver ou même d'atténuer la déstabilisation économique venue des Etats Unis ». Ces messieurs évitent d'employer le mot de « récession » , encore plus celui de « dépression », mais en privé, ils ne le cachent pas: « ce sera dur, violent même… ».

Les premiers signaux annonciateurs d'un hiver douloureux sont là, dans l'immobilier et l'automobile : baisse de commandes, licenciements…

Du coup, les prévisions de l'UNEDIC apparaissent même optimistes, alors qu'elles montrent que l'emploi dégringole dans le rouge : en 2008 nous compterions 46 000 chômeurs en plus, alors qu'on en espérait 80 000 en moins! Dégringolade ou dévissage ? On est de toute façon sur une mauvaise pente, qui entraînera les salaires à la baisse.

D'où une perte supplémentaire de pouvoir d'achat, puis des manques de rentrées fiscales, ensuite un creusement des déficits, etc...

La logique récessive infernale que les pouvoirs publics voudraient enrayer. Mais avec quels moyens ? Les autorités reparlent des emplois aidés, qu'il fallait réduire à portion congrue il y a six mois…

 

L'Europe sauvera-t-elle l'emploi comme elle l'a fait pour les banques?

La formation accélérée, le suivi individuel des demandeurs d'emploi, la fusion UNEDIC-ANPE etc…On connaît peu ou prou les remèdes envisagés. Mais seront-ils à la hauteur du mal. L'Europe sera-t-elle capable de se mobiliser pour l'emploi comme elle l'a fait pour les banques ? Pourra-t-on trouver les moyens nécessaires pour affronter le krach social ? Comment les Français, mais aussi les Allemands, les Italiens, les Anglais, etc… pourraient-ils comprendre que les gouvernements aient fait pleuvoir des milliards sur les financiers d'en haut, et que les gouvernants soient incapables de trouver trois francs six sous pour sauver l'emploi des gens d'en bas ? Ceux-là ne mériteraient-ils pas un plan de sauvetage d'une ampleur au moins équivalente ?

On voit d'ici les débats, les polémiques, les conflits qui vont surgir et faire rage. Conflits sociaux à l'horizon donc, et d'autant plus violents qu'il n'y a pas davantage de crédit accordé à la majorité qu'à l'opposition. C'est ce que relevait la note des Directeurs des ressources humaines d'Entreprise et Personnel publiée par les Echos, selon laquelle « la faible adhésion de l'opinion au pouvoir » et « l'absence d'alternative politique crédible » constituaient un mélange explosif au moment où « la crise financière va dramatiser le climat social et restreindre les marges d'action du gouvernement ». Ces DRH recommandent à l'exécutif, pour éviter le pire, de « renouer coûte que coûte la relation de confiance qui existait avec les syndicats ». Mais les dirigeants syndicaux, qui ont été récemment pour le moins méprisés, ont-ils encore toute la confiance de leurs mandants ? Y a-t-il une seule autorité, journalistique compris, qui soit épargnée par la crise de… défiance ?