Dans cette lettre quasi-confidentielle, le président Sarkozy
précise aux 25 leaders de l'OTAN les conditions qu'il met à
l'envoi de nouvelles troupes françaises en Afghanistan.
Voici l'intégralité de cette missive qui a été au cœur des
discussions sur l'Otan au sommet du 3 avril à Bucarest.
Source :
Vincent Jauvert, grand reporter au Nouvel Observateur
A
l'approche du sommet de l'Alliance Atlantique à Bucarest, en
avril prochain, je souhaite évoquer avec vous et tous nos
Alliés, le dossier essentiel de notre engagement commun en
Afghanistan.
Comme je l'ai indiqué lors de ma visite à Kaboul en décembre, la
France restera solidaire de ses Alliés et engagée en Afghanistan
aussi longtemps que nécessaire. Je suis conscient, comme vous,
que se jouent dans ce pays, à la fois, la lutte contre le
terrorisme et le trafic de drogue ainsi que la crédibilité de
l'Alliance et sa capacité à intervenir sur deux théâtres
extérieurs.
Six ans après la chute du régime qui avait fait de l'Afghanistan
un sanctuaire du terrorisme international, nous sommes à un
moment crucial. La situation militaire est stabilisée, mais
reste difficile. A cet égard, je rends hommage aux hommes et aux
femmes qui sont engagés en Afghanistan, au service de leur pays,
de notre Alliance et de la paix dans le monde. Leur action
prendra tout son sens si elle permet la reconstruction politique
et économique du pays.
Ce sont les conditions de ce succès dont nous devrons
débattre lorsque nous nous réunirons à Bucarest.
Pour la France, les quatre critères d'un succès sont les
suivants:
L'Alliance doit persuader les Afghans et les terroristes que
rien n'entamera sa détermination et mettre ainsi un terme aux
attentes de ceux qui espèrent son retrait. Nous devons donc tous
clairement réaffirmer à Bucarest que nous maintiendrons nos
efforts dans la durée, pour la sécurité et la paix de
l'Afghanistan et du monde.
L'effort militaire est un volet essentiel d'une politique
globale, qui doit aider les Afghans à poursuivre la
reconstruction de leur pays. La mobilisation de la communauté
internationale s'est déjà traduite par l'engagement de
ressources considérables et par des résultats substantiels, qui
bénéficient à tous les Afghans et à toutes les Afghanes. Elle
exige, pour être efficace, une coordination accrue entre tous
les acteurs. Nous devons le faire en travaillant avec le
gouvernement afghan et les organisations présentes sur le
terrain. La nomination rapide, en accord avec le Président
Karzaï, d'un nouveau haut représentant du Secrétaire général des
Nations Unies, qui aurait la compétence et l'autorité
nécessaire, est un élément clef.
Nous devons inscrire cet engagement civile et militaire dans une
perspective: permettre aux Afghans, maîtres de leur destin, de
vivre en paix dans leur pays. Le transfert progressif des
responsabilités de sécurité aux Afghans eux-mêmes, en commençant
par la capitale, en serait un signal fort. Pour que ce mouvement
puisse être mené à son terme dans un délai raisonnable, nous
devons décider à Bucarest d'accroître notre effort de formation.
Enfin, nous devons élaborer ensemble et adopter à Bucarest une
stratégie politique partagée, dont l'objectif serait un
Afghanistan stabilisé, réconcilié avec lui-même, débarrassé du
terrorisme et du trafic de drogue. Cette stratégie doit
naturellement tenir compte du Pakistan voisin et l'encourager à
accroître ses efforts en ce sens.
Le sommet de l'Alliance devra donc prendre des décisions à la
hauteur des enjeux. La France serait alors seulement en mesure
de confirmer son engagement dans la durée avec ses Alliés, mais
aussi de renforcer sa présence militaire et de s'engager
dans une zone nouvelle dans le cadre d'un dispositif français
cohérent.
Après Bucarest, nous devrons prolonger notre mobilisation dans
le domaine civil. A la demande du Président Karzaï, la France a
accepté d'organiser d'ici l'été une conférence de soutien à
l'Afghanistan. Elle visera à faire mieux connaître les acquis de
six ans d'efforts communs, à réaffirmer l'engagement
international et à établir une feuille de route pour les trois
années à venir.
D'ici au sommet, il revient à nos représentants permanents à
Bruxelles de préparer les décisions que nous devons y prendre.
Il s'agira pour nous non seulement d'assurer le succès de nos
forces sur le terrain, aux côtés des Afghans, mais aussi de
montrer à l'opinion publique les sens profond de cet engagement
collectif.
Nicolas SARKOZY |