Communiqué du 08 avril 2008

 

Afghanistan et Otan : la missive du Chef de l'Etat

 

 

Dans cette lettre quasi-confidentielle, le président Sarkozy précise aux 25 leaders de l'OTAN les conditions qu'il met à l'envoi de nouvelles troupes françaises en Afghanistan.

Voici l'intégralité de cette missive qui a été au cœur des discussions sur l'Otan au sommet du 3 avril à Bucarest.

Source : Vincent Jauvert, grand reporter au Nouvel Observateur
 

  •  Paris, le 27 février 2008

A l'approche du sommet de l'Alliance Atlantique à Bucarest, en avril prochain, je souhaite évoquer avec vous et tous nos Alliés, le dossier essentiel de notre engagement commun en Afghanistan.

Comme je l'ai indiqué lors de ma visite à Kaboul en décembre, la France restera solidaire de ses Alliés et engagée en Afghanistan aussi longtemps que nécessaire. Je suis conscient, comme vous, que se jouent dans ce pays, à la fois, la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue ainsi que la crédibilité de l'Alliance et sa capacité à intervenir sur deux théâtres extérieurs.

Six ans après la chute du régime qui avait fait de l'Afghanistan un sanctuaire du terrorisme international, nous sommes à un moment crucial. La situation militaire est stabilisée, mais reste difficile. A cet égard, je rends hommage aux hommes et aux femmes qui sont engagés en Afghanistan, au service de leur pays, de notre Alliance et de la paix dans le monde. Leur action prendra tout son sens si elle permet la reconstruction politique et économique du pays.

Ce sont les conditions de ce succès dont nous devrons débattre lorsque nous nous réunirons à Bucarest.

Pour la France, les quatre critères d'un succès sont les suivants:

L'Alliance doit persuader les Afghans et les terroristes que rien n'entamera sa détermination et mettre ainsi un terme aux attentes de ceux qui espèrent son retrait. Nous devons donc tous clairement réaffirmer à Bucarest que nous maintiendrons nos efforts dans la durée, pour la sécurité et la paix de l'Afghanistan et du monde. 

L'effort militaire est un volet essentiel d'une politique globale, qui doit aider les Afghans à poursuivre la reconstruction de leur pays. La mobilisation de la communauté internationale s'est déjà traduite par l'engagement de ressources considérables et par des résultats substantiels, qui bénéficient à tous les Afghans et à toutes les Afghanes. Elle exige, pour être efficace, une coordination accrue entre tous les acteurs. Nous devons le faire en travaillant avec le gouvernement afghan et les organisations présentes sur le terrain. La nomination rapide, en accord avec le Président Karzaï, d'un nouveau haut représentant du Secrétaire général des Nations Unies, qui aurait la compétence et l'autorité nécessaire, est un élément clef.

Nous devons inscrire cet engagement civile et militaire dans une perspective: permettre aux Afghans, maîtres de leur destin, de vivre en paix dans leur pays. Le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux Afghans eux-mêmes, en commençant par la capitale, en serait un signal fort. Pour que ce mouvement puisse être mené à son terme dans un délai raisonnable, nous devons décider à Bucarest d'accroître notre effort de formation.

Enfin, nous devons élaborer ensemble et adopter à Bucarest une stratégie politique partagée, dont l'objectif serait un Afghanistan stabilisé, réconcilié avec lui-même, débarrassé du terrorisme et du trafic de drogue. Cette stratégie doit naturellement tenir compte du Pakistan voisin et l'encourager à accroître ses efforts en ce sens.

Le sommet de l'Alliance devra donc prendre des décisions à la hauteur des enjeux. La France serait alors seulement en mesure de confirmer son engagement dans la durée avec ses Alliés, mais aussi de renforcer sa présence militaire et de s'engager dans une zone nouvelle dans le cadre d'un dispositif français cohérent.

Après Bucarest, nous devrons prolonger notre mobilisation dans le domaine civil. A la demande du Président Karzaï, la France a accepté d'organiser d'ici l'été une conférence de soutien à l'Afghanistan. Elle visera à faire mieux connaître les acquis de six ans d'efforts communs, à réaffirmer l'engagement international et à établir une feuille de route pour les trois années à venir.

D'ici au sommet, il revient à nos représentants permanents à Bruxelles de préparer les décisions que nous devons y prendre. Il s'agira pour nous non seulement d'assurer le succès de nos forces sur le terrain, aux côtés des Afghans, mais aussi de montrer à l'opinion publique les sens profond de cet engagement collectif.

                                                                                                                     Nicolas SARKOZY