Communiqué du 09 octobre 2008

 

La Vème République : la légitimité du peuple tout entier

 
  •  par Thibaud de La Hosseraye

L’ambition de la Vème République était de prémunir la démocratie contre deux risques inverses de confusion des pouvoirs : celui du régime présidentiel, où le chef de l’exécutif se confond avec le chef de la majorité législative, et celui du régime d’assemblée, où l’exécutif se réduit à n’être qu’un exécutant du Parlement.

Il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui que ce à quoi s’oppose la Vème République, c’est à toute assimilation l’une à l’autre des fonctions du chef de l’Etat et du chef du gouvernement qui tendrait, à terme, à une confusion entre majorités présidentielle et législative et donc à un effacement de la séparation de l’exécutif et du législatif, que ce soit dans le sens du présidentialisme ou du parlementarisme : ces deux dérives revenant, en fait, à limiter, sur des modes symétriques, et la stabilité de l’Etat, et l’éventail des possibilités ouvertes au libre choix des électeurs (car les partis ont alors intérêt, au gré de leurs combinaisons en vue d’entrer au gouvernement, à n’offrir aux électeurs que des alternatives en cohérence avec leur seul intérêt, ce qui est précisément le « régime exclusif des partis » que de Gaulle dénonçait dans la IVème République).

C’est pourquoi une spécificité de la Vème République est de distinguer entre, d’une part, les grandes orientations de long terme, dévolues à la fonction présidentielle (en charge des fins), où il y va du destin de la Nation tout entière et qui, pour cette raison, requiert une légitimation par le peuple tout entier, et, d’autre part, en cohérence avec ces orientations, la responsabilité gouvernementale (en charge des moyens) de la gestion de la société, en fonction de l’évolution des rapports de forces qui ne cessent de l’animer.

Ce que signifie cette originalité de notre Constitution que le chef de l’Etat ne s’y confonde pas avec le chef de la majorité législative, qu’ils soient libres l’un de l’autre, c’est que, pour parvenir aux objectifs qu’il s’est donnés (en choisissant telle option présidentielle), notre peuple demeure libre des moyens (en choisissant telle ou telle option législative). C’est pourquoi, dans notre cadre institutionnel, il n’y a pas, quoi qu’on en dise, à choisir entre une candidature à l’élection présidentielle (qui vise à offrir à la nation le choix des objectifs) et l’appartenance à une majorité législative (qui vise à offrir à la nation le choix des moyens), puisqu’à un même objectif peut convenir plusieurs moyens. C’est même une vertu de la cohabitation de rappeler que, pour atteindre les objectifs fixés à la Nation lors de l’élection présidentielle, les Français peuvent choisir des moyens différents de ceux que lui propose la majorité présidentielle.

En adoptant le point de vue contraire, on accepte la dénaturation des institutions de la Vème République visée par Sarkozy : c’est-à-dire la double assimilation de l’exécutif et du législatif, d’une part, et des fonctions du chef de l’Etat et du premier ministre, d’autre part, le chef de l’Etat se confondant du même coup avec le chef de la majorité législative, conformément à la stratégie politique générale qui consiste à concevoir le gouvernement comme celui d’une majorité contre une minorité, du plus fort contre le plus faible, et à diviser la France contre elle-même, sans aucun surplomb d’une instance présidentielle représentant l’ensemble de la nation, au-delà de tout clivage partisan. C’est une dérive catastrophique.

En dépit des apparences, jamais n’aura été aussi forte la tentation du retour à l’inertie : celle du régime des partis, de la confusion des pouvoirs, de l’assimilation des fonctions du chef de l’Etat et du chef du gouvernement et ainsi de la réduction du Président de la République (que la Vème veut au-dessus des partis et des variations de la majorité de l’Assemblée) à un simple gouverneur de l’un des Etats-membres d’une supra-nation européenne qui serait alors seule à en assumer l’autorité présidentielle, par ailleurs aussi fictive qu’anti-démocratique.